L’antibiotique naturel à faire avant l’automne

À l’approche de l’automne, avec ses couleurs chatoyantes et sa fraîcheur matinale, notre corps a besoin d’un petit coup de pouce. Loin des remèdes compliqués, il existe une préparation ancestrale, un véritable trésor de nos grands-mères que j’ai redécouvert dans les cuisines professionnelles : les légumes lacto-fermentés. Et la star de la saison, c’est la betterave. Plus qu’un simple condiment, c’est un concentré de bienfaits qui agit comme un bouclier naturel pour l’organisme. Laissez-moi vous guider, en tant que chef, pour réaliser ce que certains appellent le meilleur « antibiotique » maison, une préparation simple qui renforcera votre système immunitaire avant les premiers frimas.
Pourquoi ce « remède de grand-mère » est un allié pour l’automne ?
La betterave crue est déjà une merveille nutritionnelle. Riche en vitamines du groupe B, elle soutient la production de globules rouges, essentiels pour l’oxygénation du corps. Elle contient aussi de la bétaïne, un composé aux vertus anti-inflammatoires reconnues, très utile pour apaiser les petits maux de l’hiver. Mais le véritable tour de magie s’opère durant la fermentation.
Ce processus naturel, la lacto-fermentation, transforme les sucres présents dans le légume en acide lactique. Cet acide est un conservateur naturel exceptionnel, mais surtout, il enrichit notre microbiote intestinal. Une flore intestinale saine est la première ligne de défense de notre système immunitaire. En consommant régulièrement des betteraves fermentées, vous nourrissez les bonnes bactéries, améliorez votre digestion et renforcez votre capacité à combattre les infections. C’est un geste simple pour prendre soin de soi de l’intérieur.
La sélection des ingrédients : le secret d’un chef pour réussir

En cuisine, tout commence par le produit. Pour un résultat parfait, le choix des ingrédients est primordial. Pas besoin de se ruiner, juste de bien choisir. Pour un grand bocal d’environ 3 litres, comptez moins de 10 euros d’ingrédients.
- Les betteraves : Optez pour environ 2 kg de betteraves crues, si possible bio. Au marché, cherchez des betteraves fermes, à la peau lisse, sans meurtrissures. Les variétés longues comme la ‘Crapaudine’ sont excellentes, mais les rondes classiques fonctionnent parfaitement.
- Le sel : C’est l’ingrédient clé de la saumure. Utilisez impérativement du sel non raffiné et sans additifs (sans iode ni anti-agglomérants). Le gros sel de Guérande ou de l’Himalaya est idéal. Le sel de table classique peut inhiber la fermentation.
- L’eau : Le chlore de l’eau du robinet peut tuer les bonnes bactéries. Utilisez de l’eau de source en bouteille ou, solution économique, de l’eau du robinet que vous aurez fait bouillir 10 minutes puis laissée refroidir complètement à l’air libre pour que le chlore s’évapore.
- Les aromates : C’est ici que vous pouvez laisser parler votre créativité ! La base est simple : 6-8 gousses d’ail juste écrasées sous la paume de la main, quelques feuilles de laurier, des grains de poivre noir et de piment de la Jamaïque (allspice).
Variations du chef pour plus de saveurs :
Pour varier les plaisirs, n’hésitez pas à ajouter une cuillère à café de graines de coriandre, de moutarde, quelques baies de genièvre ou même un petit morceau de gingembre frais ou de raifort. Une branche d’aneth ou de thym apportera une touche de fraîcheur.
Recette pas à pas : les betteraves lacto-fermentées

La technique est simple, mais la précision est la clé. Prenez votre temps, préparez votre plan de travail (ce qu’on appelle la mise en place) et tout se passera bien.
Ingrédients pour un bocal de 3L :
- 2 kg de betteraves crues
- 2,5 litres d’eau de source ou filtrée
- 65 g de gros sel de mer non traité (environ 2,5%)
- 6 à 8 gousses d’ail, pelées et légèrement écrasées
- 4 feuilles de laurier
- 1 cuillère à soupe de grains de poivre noir
- 1 cuillère à café de piment de la Jamaïque (facultatif)
Matériel nécessaire :
- Un grand bocal en verre à fermeture mécanique (type Le Parfait) de 3L, parfaitement propre.
- Une mandoline (facultatif mais recommandé) ou un bon couteau.
- Un grand saladier.
- Un poids de fermentation, un galet propre ou un petit ramequin en verre pour maintenir les légumes immergés.
Préparation (Temps : 25 min) :
- Préparez la saumure : Dans une grande carafe, versez l’eau et le sel. Remuez énergiquement jusqu’à dissolution complète du sel. C’est ce qu’on appelle une saumure à 2,5%, un ratio idéal pour une fermentation réussie.
- Préparez les betteraves : Lavez et brossez soigneusement les betteraves. Il n’est pas nécessaire de les peler si elles sont bio, la peau contient de précieuses bactéries. Astuce de chef : enfilez des gants pour ne pas vous tacher les mains ! Coupez-les ensuite en fines tranches (3-4 mm) à la mandoline pour une texture parfaite, ou en petits cubes si vous préférez.
- Remplissez le bocal : Placez la moitié de l’ail et des épices au fond du bocal. Ajoutez les tranches de betteraves en les tassant bien au fur et à mesure. À mi-hauteur, ajoutez le reste des aromates. Continuez de remplir jusqu’à environ 5 cm du bord.
- Ajoutez la saumure : Versez lentement la saumure sur les betteraves jusqu’à les recouvrir complètement. Il doit rester au moins 2-3 cm d’espace libre en haut du bocal.
- Le secret : maintenir l’immersion ! C’est l’étape la plus importante pour éviter les moisissures. Les légumes doivent rester sous la saumure. Placez votre poids de fermentation, un galet bien propre ou un petit pot en verre sur le dessus pour tout maintenir sous le liquide.
- Fermez et patientez : Fermez le bocal (sans visser à fond si ce n’est pas un bocal à joint en caoutchouc) et placez-le sur une assiette (il peut y avoir de petits débordements) à température ambiante (idéalement entre 18 et 22°C), à l’abri de la lumière directe du soleil.
Le suivi de la fermentation : les signes à observer
Pendant 7 à 10 jours, la magie va opérer. Ne vous inquiétez pas, c’est un processus vivant !
- Jours 1-3 : De petites bulles vont commencer à remonter à la surface. La saumure peut devenir trouble. C’est le signe que les bonnes bactéries travaillent !
- Jours 3-5 : L’activité est à son maximum. Une fine mousse blanche (l’écume) peut se former en surface. C’est normal, vous pouvez la retirer avec une cuillère propre si vous le souhaitez. Pensez à « dégazer » chaque jour en ouvrant brièvement le bocal pour libérer la pression.
- Après 7 jours : Goûtez ! Le liquide doit avoir un goût acidulé et frais, et les betteraves doivent être tendres mais encore légèrement croquantes. Si vous aimez plus acide, laissez fermenter 2-3 jours de plus.
Une fois le goût désiré atteint, fermez hermétiquement le bocal et placez-le au réfrigérateur. La fermentation sera ralentie et vous pourrez le conserver ainsi pendant plusieurs mois.
SOS Fermentation : que faire en cas de problème ?
Une pellicule blanche et plate (levure de Kahm) apparaît ? C’est inoffensif. Retirez-la délicatement avec une cuillère propre et assurez-vous que tous les légumes sont bien immergés.
De la moisissure verte, noire ou poilue apparaît ? C’est le signe que des légumes ont été en contact avec l’air. Malheureusement, il faut tout jeter par précaution et recommencer en veillant à bien immerger les légumes la prochaine fois.
Comment déguster vos betteraves fermentées : idées de chef
Ne jetez surtout pas le liquide ! Ce jus rose, appelé « kvas de betterave », est un probiotique liquide délicieux. Buvez-en un petit verre le matin. Quant aux betteraves, elles sont incroyablement polyvalentes.
- En salade : Associez-les à de la mâche, des cerneaux de noix, des copeaux de fromage de chèvre frais et une simple vinaigrette à l’huile de noix.
- En apéritif : Sur des toasts de pain de campagne avec un peu de fromage frais ou de rillettes de poisson.
- En accompagnement : Leur acidité tranche merveilleusement avec le gras d’une charcuterie, d’un magret de canard ou d’un poisson fumé.
- Dans les sandwichs : Elles remplacent les cornichons pour un boost de saveur et de couleur.
- Comme base de soupe : C’est la base traditionnelle du bortsch, une soupe réconfortante et vibrante.
Accord vin : Pour accompagner une salade à base de ces betteraves, leur caractère acidulé s’accordera parfaitement avec un vin blanc sec et minéral, comme un Sancerre de la Loire ou un Riesling d’Alsace.