Bouturer une Rose de Bouquet : Le Guide Honnête pour Tenter l’Impossible

Auteur Laurine Benoit

C’est LA question qui revient tout le temps. Vous avez un bouquet magnifique, et une rose, juste une, vous fait de l’œil. L’envie de lui offrir une seconde vie, de la voir devenir un vrai rosier dans votre jardin… c’est une idée tellement poétique !

Alors, je vais être franc avec vous : c’est un projet magnifique, mais terriblement difficile. Le taux de réussite est très, très faible, surtout avec les roses coupées qu’on trouve chez les fleuristes. Mon but n’est pas de vous vendre du rêve, mais de vous donner une VRAIE chance d’y arriver. Je vous partage ici les techniques de pro, celles qui se basent sur la biologie de la plante, pas sur des astuces approximatives.

Mais pourquoi est-ce si compliqué ? Pensez à ces roses comme des athlètes de haut niveau, mais pour un sprint. Elles sont sélectionnées pour leur beauté éphémère, leur parfum, leur tenue en vase… pas du tout pour leur capacité à s’enraciner. En plus, elles ont déjà un sacré voyage derrière elles : transport, chambres froides, produits de conservation… Leurs réserves d’énergie, si précieuses pour créer des racines, sont souvent déjà bien entamées.

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D’ailleurs, bon à savoir : la plupart des variétés de roses modernes sont le fruit d’années de travail par des créateurs passionnés et sont souvent protégées. Bouturer pour son plaisir personnel est généralement toléré, mais c’est bien d’avoir en tête le respect pour ce travail d’orfèvre.

Le défi vous tente toujours ? Parfait. Si vous êtes prêt à accepter que l’échec fait partie du jeu, alors on y va. Je vous guide pas à pas.

Avant de se lancer : les questions qu’on se pose tous

Avant même de sortir le sécateur, répondons aux doutes qui vous freinent peut-être :

  • Ma rose est dans l’eau depuis 3 jours, c’est trop tard ? Plus la rose est fraîche, mieux c’est. Chaque jour en vase diminue ses réserves. Après 2-3 jours, c’est encore jouable, mais les chances s’amenuisent. Le mieux, c’est de tenter dès le premier ou deuxième jour.
  • Quelle est la meilleure période pour essayer ? Sans hésiter, le printemps ou le début de l’été. C’est la période où les plantes sont naturellement en mode « croissance », ce qui met toutes les chances de votre côté.
  • Puis-je essayer avec plusieurs tiges ? OUI ! C’est même la meilleure chose à faire. Si vous avez 3 ou 4 tiges qui vous plaisent, tentez avec toutes. Vous multipliez mathématiquement vos chances de voir au moins une d’entre elles réussir.
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Le Kit du Parfait Boutureur (sans se ruiner)

Un bon artisan a de bons outils. Ici, la propreté est aussi cruciale que la qualité. La moindre bactérie peut anéantir vos efforts. Voici votre liste de courses :

  • Un outil qui coupe NET : Un greffoir bien aiguisé est l’idéal. Sinon, un bon sécateur (pas celui qui écrase tout) fera l’affaire. L’important, c’est une coupe franche.
  • De l’alcool à 70° ou de l’eau de Javel : Pour la stérilisation de la lame. C’est non négociable. Une étape oubliée, et c’est souvent l’échec assuré.
  • De l’hormone de bouturage : C’est une poudre ou un gel qui donne un vrai coup de pouce. Cherchez la mention « boutures semi-ligneuses ». Un petit pot coûte entre 5€ et 15€ en jardinerie et vous durera des années.
  • Un bon substrat : Oubliez la terre du jardin. Il vous faut un terreau « spécial semis et bouturages », léger et drainant. Comptez environ 5€ à 8€ pour un petit sac chez Castorama, Leroy Merlin ou en jardinerie. Astuce : en rayon, cherchez sur le sac les mots « léger », « drainant » ou la présence de perlite. Si le sac vous semble lourd et compact, fuyez !
  • Des petits pots (10-15 cm) : En terre cuite, c’est mieux car ils respirent, mais des godets en plastique avec des trous de drainage fonctionnent très bien aussi.
  • Une grande bouteille en plastique transparente : Votre mini-serre de fortune, pour garder l’humidité. C’est gratuit et super efficace !
comment faire pousser un rosier à partir d'une rose bourgeons dans du miel

La Technique : le Geste Précis, Étape par Étape

C’est le moment. Respirez un grand coup, chaque geste compte. Choisissez une tige saine, si possible d’une fleur qui commence à peine à s’ouvrir. Les roses complètement épanouies sont souvent trop « âgées ».

1. Préparer la bouture (environ 15-20 cm)

La meilleure section se trouve au milieu de la tige, là où elle a la rigidité d’un crayon. Elle doit avoir au moins 3 ou 4 « yeux » (les petits bourgeons à la base des feuilles).

  • La coupe du haut : Avec votre lame désinfectée, coupez droit, à 1 cm au-dessus d’un œil. La coupe droite minimise l’évaporation.
  • La coupe du bas : Juste sous un œil, taillez en biseau à 45°. Imaginez que vous taillez la pointe d’un crayon. Cet angle augmente la surface de contact pour la formation des racines.
  • Le nettoyage : Retirez la fleur et toutes les feuilles, sauf les deux du haut. Si ces deux feuilles sont grandes, coupez-les en deux avec des ciseaux propres. Moins de feuilles = moins de perte d’eau.

2. La blessure volontaire (l’astuce qui change tout)

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C’est un secret de pro. Sur un côté de la base de la bouture, grattez très légèrement l’écorce avec la pointe de votre couteau sur 1 à 2 cm. Le but est juste d’exposer la fine couche verte en dessous (le cambium). N’ayez pas peur, cette petite « blessure » stimule la plante à produire des cellules cicatrisantes, qui sont le point de départ des racines.

La Mise en Pot : Début d’une Longue Attente

Votre bouture est prête ? On la met au chaud.

  1. Appliquez l’hormone : Versez un peu de poudre dans un bouchon de bouteille (ne trempez jamais la tige dans le pot principal !). Humidifiez la base biseautée de la bouture, plongez-la dans la poudre sur 2 cm, puis tapotez pour enlever l’excédent.
  2. Plantez : Faites un trou dans votre terreau (déjà humidifié) avec un crayon. Glissez-y la bouture sans frotter pour ne pas enlever la poudre. Enfoncez-la d’un bon tiers. Tassez doucement la terre autour.
  3. Créez la serre : Coupez le fond de votre bouteille en plastique et placez-la par-dessus le pot. Voilà votre cloche d’humidité parfaite !
  4. Trouvez le bon spot : Placez le tout dans un endroit lumineux mais SANS soleil direct, qui cuirait la bouture. Le rebord d’une fenêtre orientée au nord ou à l’est est souvent parfait. La température idéale se situe autour de 20-22°C.
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Le Suivi : l’Épreuve de la Patience (et le Dépannage)

S’il n’y avait qu’un seul conseil à retenir, ce serait celui-ci : N’Y TOUCHEZ PLUS. La plus grande ennemie de votre bouture, c’est votre curiosité. Résistez à l’envie de tirer dessus « pour voir ». Vous briseriez les minuscules racines en formation. L’attente dure de 6 à 8 semaines.

Aérez simplement la mini-serre 5 minutes tous les 2-3 jours pour éviter les moisissures. Si la terre semble sèche, pulvérisez un peu d’eau.

Dépannage : pourquoi ma bouture est morte ?

C’est le résultat le plus probable, ne vous découragez pas. Apprenez de l’échec :

  • Elle est devenue noire, molle et gluante ? C’est la pourriture. Trop d’eau ou pas assez d’aération. La prochaine fois, aérez un peu plus souvent et assurez-vous que votre pot est bien drainé.
  • Elle est devenue sèche, marron et cassante ? Elle est morte de soif. Votre mini-serre n’était pas assez étanche ou l’air était trop sec.
  • De nouvelles feuilles sont apparues, puis tout a noirci ? C’est le faux espoir classique. La tige a utilisé ses dernières réserves pour faire des feuilles, mais n’a pas réussi à produire de racines pour prendre le relais.

Le vrai signe de réussite, c’est quand vous tirez très très délicatement sur la tige après 8 semaines et que vous sentez une légère résistance. C’est gagné !

comment faire pousser un rosier à partir d'une rose

Les Remèdes de Grand-Mère : On Fait le Tri ?

Sur internet, on lit de tout. En tant que pro, mettons les choses au clair.

  • La pomme de terre : À fuir absolument. Note du pro : 0/5. L’idée est de garder l’humidité, mais en pratique, la patate pourrit, attire les moucherons et les bactéries, et entraîne votre bouture dans sa chute.
  • Le miel : Un petit coup de pouce, sans plus. Note : 2/5. Il a de légères propriétés antiseptiques qui peuvent protéger la coupe, mais ce n’est PAS une hormone. Ça ne fera pas de mal, mais ne vous attendez pas à un miracle.
  • L’eau de saule : La plus crédible des astuces. Note : 3/5. L’écorce de saule contient des substances qui favorisent l’enracinement. Le souci, c’est que la concentration est totalement aléatoire. C’est une alternative naturelle sympa, mais bien moins fiable qu’une hormone du commerce.

Franchement, pour les quelques euros que ça coûte, le petit pot d’hormone de bouturage est le meilleur investissement pour mettre toutes les chances de votre côté.

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Victoire ! Comment Soigner votre Bébé Rosier

Votre bouture a pris ? Bravo ! Mais le combat n’est pas fini. Ce jeune rosier est encore très fragile.

L’acclimatation est CRUCIALE. Votre plante a vécu dans une bulle à 100% d’humidité. Il faut la sevrer en douceur. Pendant une semaine, retirez la cloche une heure par jour, puis deux, puis trois… jusqu’à ce qu’elle puisse rester à l’air libre toute une journée sans que ses feuilles ne ramollissent. C’est seulement là que vous pourrez retirer la protection définitivement.

Gardez votre jeune rosier en pot pendant tout son premier hiver. Placez-le dans un endroit abrité du gel (véranda non chauffée, au pied d’un mur…). Il ne sera assez costaud pour être planté en pleine terre qu’au printemps suivant.

Au final, tenter cette expérience est plus un acte de jardinage poétique qu’une méthode de multiplication fiable. La satisfaction de voir éclore une fleur sur un rosier que vous avez vous-même sauvé de l’oubli… ça, ça n’a pas de prix. C’est une belle histoire qui continue, et le plus bel outil pour y arriver, c’est votre patience.

Inspirations et idées

Une feuille apparaît… Victoire ?

Pas si vite. Il est fréquent qu’une bouture utilise ses dernières réserves pour produire une ou deux feuilles, même sans avoir la moindre racine. C’est un faux départ courant qui peut briser le cœur du jardinier débutant. Le véritable signe de succès est une croissance continue, avec l’apparition de plusieurs nouvelles pousses sur plusieurs semaines. La patience est la clé : ne déterrez jamais la bouture pour vérifier les racines, vous risqueriez de casser les fragiles radicelles en formation.

Seulement 5 à 10% des boutures de roses de fleuristes issues de variétés modernes protégées (comme les roses Meilland ou David Austin) parviennent à s’enraciner sans conditions professionnelles.

Ce chiffre, souvent cité par les pépiniéristes, ne doit pas décourager mais plutôt souligner l’exploit que représente chaque réussite. Il met en lumière l’importance de multiplier les tentatives : ne misez pas tout sur une seule tige, mais préparez-en trois ou quatre pour augmenter statistiquement vos chances.

Hormone de bouturage : Gel ou Poudre ?

Le Gel (type Clonex) : Il adhère parfaitement à la tige, scelle la coupe pour la protéger des infections et contient des hormones qui stimulent activement la rhizogenèse (création de racines). C’est le choix des professionnels pour sa fiabilité.

La Poudre : Plus économique et facile à trouver, elle fait bien le travail mais peut s’appliquer de manière moins homogène. L’astuce est de tapoter l’excédent pour ne pas créer de surdose qui pourrait brûler la tige.

Pour ce défi, l’investissement dans un gel peut faire une réelle différence.

Le substrat est le berceau de vos futures racines. Il doit être drainant pour éviter la pourriture, mais capable de retenir juste assez d’humidité. Oubliez le terreau universel, trop riche et compact. La recette idéale pour commencer :

  • 50% de terreau à semis et bouturage de bonne qualité (type Fertiligène ou Or Brun).
  • 50% de sable de rivière ou de perlite pour assurer un drainage parfait et aérer le mélange.

L’outil qui change tout : La propreté de la coupe est fondamentale. Une tige écrasée par un sécateur émoussé ou des ciseaux est une porte ouverte aux maladies. Utilisez une lame de greffoir, un cutter désinfecté à l’alcool à 70° ou un sécateur de haute précision comme un Felco 6. La coupe doit être nette, franche, en biseau, pour maximiser la surface d’enracinement.

  • Elle laisse respirer les racines et évite l’excès d’eau.
  • Sa porosité régule naturellement l’humidité du substrat.
  • Son poids offre une meilleure stabilité à la bouture.

Le secret ? Le pot en terre cuite (terracotta). C’est l’allié numéro un contre la pourriture, la cause d’échec la plus fréquente. Choisissez un petit diamètre (8-10 cm) pour commencer.

L’attente est un rituel en soi. Ce n’est pas un projet pour les impatients, mais une invitation à observer, à espérer et à se connecter au rythme lent de la nature. Placer sa bouture à la lumière douce du matin, vérifier l’humidité du substrat du bout du doigt, brumiser la cloche improvisée… Chaque geste est empreint de soin. C’est l’essence même du

L’eau de saule, l’hormone de bouturage 100% naturelle et gratuite.

Vous n’avez pas d’hormone de bouturage sous la main ? La nature a une solution. Les branches de saule (toutes variétés) contiennent de l’acide salicylique (précurseur de l’aspirine) et de l’acide indolbutyrique, des stimulants naturels de l’enracinement.

  • Coupez quelques jeunes rameaux de saule en petits tronçons.
  • Faites-les tremper dans de l’eau de pluie pendant 24 à 48h.
  • Retirez les morceaux de bois : votre eau de saule est prête ! Utilisez-la pour arroser votre bouture.
Laurine Benoit

Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre
Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.