La Bouillie Bordelaise Sans Chichis : Le Guide d’un Passionné pour des Arbres en Pleine Forme
Je baigne dans les vergers depuis que je suis gamin. J’ai tout appris sur le tas, en regardant faire les anciens. Et s’il y a un produit qui a traversé les âges, c’est bien la fameuse bouillie bordelaise. Attention, ce n’est pas une potion magique qui résout tout ! C’est un outil, un allié formidable… à condition de savoir s’en servir avec précision.
Contenu de la page
- C’est quoi, au juste, ce truc bleu ?
- Le timing, c’est TOUT : les deux moments cruciaux
- Quels sont les arbres les plus concernés ?
- Préparer sa potion : facile ou fait-maison ?
- L’application : le tour de main qui change tout
- Les 3 pièges classiques du débutant à éviter !
- On ne rigole pas avec la sécurité
- Inspirations et idées
Franchement, on lit tout et n’importe quoi à son sujet. Alors aujourd’hui, on va mettre les choses au clair. Pas de jargon technique, juste les conseils d’un homme de terrain pour que vous puissiez protéger vos arbres fruitiers efficacement.
C’est quoi, au juste, ce truc bleu ?
Oubliez les descriptions compliquées. La bouillie bordelaise, c’est avant tout une alchimie. Un mélange très précis de deux ingrédients qui se complètent : le sulfate de cuivre et la chaux.
D’un côté, on a le sulfate de cuivre. C’est lui, le soldat qui part au front. Ses ions de cuivre empêchent les spores des champignons de respirer et de germer. C’est ce qu’on appelle un fongicide de contact : il reste en surface, comme une fine armure bleue, sans pénétrer dans la sève de l’arbre.

De l’autre, on a la chaux. C’est le diplomate. Le cuivre seul est très acide et pourrait brûler les jeunes pousses et les bourgeons (on parle de phytotoxicité). La chaux, elle, est basique et vient neutraliser cette acidité, rendant le mélange inoffensif pour l’arbre. En plus, elle aide le produit à mieux coller aux branches. Malin, non ?
C’est important de comprendre que ce n’est pas un traitement « naturel » au sens où on l’entend parfois. C’est un produit minéral. Le cuivre est un métal lourd qui s’accumule dans le sol, d’où l’importance de l’utiliser avec parcimonie et uniquement quand c’est vraiment justifié. La modération, c’est la clé du succès.
D’ailleurs, pour ceux qui hésitent à utiliser du cuivre, il existe des alternatives. Le purin de prêle, par exemple, peut aider à renforcer les défenses de la plante. Une autre stratégie, c’est de choisir dès la plantation des variétés d’arbres naturellement résistantes aux maladies. C’est un peu de recherche au départ, mais ça simplifie grandement la vie par la suite !

Le timing, c’est TOUT : les deux moments cruciaux
Le plus grand secret de la bouillie bordelaise, c’est de l’appliquer au bon moment. Un traitement fait à la va-vite, c’est au mieux de l’argent jeté par les fenêtres, au pire un désastre pour votre future récolte. Il y a deux fenêtres de tir principales.
1. Le traitement d’automne : le grand nettoyage
C’est quand ? Dès que toutes les feuilles sont tombées, généralement entre fin octobre et fin novembre. L’arbre est nu, au repos. C’est le moment parfait.
Pourquoi ? Pendant la saison, les maladies comme la tavelure ou la cloque du pêcher ont laissé leurs spores un peu partout. Elles se planquent dans les fissures de l’écorce, prêtes à passer l’hiver au chaud. Le traitement d’automne vient lessiver l’arbre et éliminer une bonne partie de ces indésirables. C’est un grand ménage préventif qui vous donnera une longueur d’avance pour le printemps.

2. Le traitement de fin d’hiver : l’opération commando
C’est quand ? Ah, celui-là, c’est le plus technique ! Il faut intervenir juste avant l’éclatement des bourgeons, au stade dit du « débourrement ». Sur un pêcher, c’est quand le bourgeon gonfle et qu’on voit poindre une petite pointe verte. C’est une fenêtre de tir très courte, parfois juste quelques jours. Il faut être observateur ! Si vous attendez de voir des petites feuilles ou la couleur des pétales, c’est trop tard. Vous risquez de tout brûler !
Pourquoi ? C’est à ce moment précis que les spores qui ont survécu à l’hiver se réveillent pour infecter les toutes jeunes feuilles. C’est le cas typique de la cloque du pêcher. Une fois la feuille atteinte et déformée, c’est fichu pour l’année. Ce traitement dépose une barrière protectrice juste à temps pour bloquer l’infection.
Pour faire simple : le traitement d’automne, c’est un nettoyage large et général. Celui de fin d’hiver, c’est une frappe chirurgicale, la plus importante pour des maladies comme la cloque. Et une règle d’or, absolue : JAMAIS de traitement pendant la floraison. Vous mettriez en péril les abeilles et toute votre future récolte de fruits.

Quels sont les arbres les plus concernés ?
Tous les arbres ne sont pas logés à la même enseigne. Certains sont de vrais « clients » pour les maladies fongiques. Voici un petit mémo :
- Indispensable pour : Pêchers, nectariniers, et abricotiers pour lutter contre la cloque. C’est vraiment le traitement qui sauve la récolte.
- Très recommandé pour : Pommiers et poiriers contre la tavelure, ainsi que la vigne contre le mildiou.
- Moins prioritaire pour : Cerisiers et pruniers, sauf si vous avez des problèmes récurrents de moniliose (les fruits qui pourrissent sur l’arbre).
Préparer sa potion : facile ou fait-maison ?
Dans n’importe quelle jardinerie (type Gamm Vert, Jardiland…), vous trouverez des sachets de bouillie toute prête. C’est la solution la plus simple et la plus sûre. Comptez entre 5€ et 10€ pour un sachet qui vous permettra de faire plusieurs dizaines de litres de produit.
Mais si vous avez l’âme d’un artisan, vous pouvez la préparer vous-même. Ça demande un peu de matériel et de la rigueur. Il vous faudra deux seaux en plastique (jamais de métal !), un bâton, des équipements de protection, une balance de cuisine, du sulfate de cuivre et de la chaux éteinte.

Petit conseil budget : Pour la faire vous-même, le sulfate de cuivre coûte dans les 10-15€ le kilo et la chaux 5-8€. Ça peut paraître plus cher au départ, mais avec ces quantités, vous en avez pour des années !
Recette pour 10 litres (dosage classique) :
- Sécurité d’abord ! Enfilez lunettes, gants et masque. Les poudres sont très volatiles et irritantes.
- Dans un premier seau de 5L d’eau, dissolvez 100g de sulfate de cuivre. Vous obtenez un liquide bleu transparent.
- Dans le second seau de 5L d’eau, délayez 100g de chaux éteinte. Vous obtenez un « lait de chaux » blanc.
- L’étape cruciale : Versez TOUJOURS la solution de cuivre (bleue) dans le lait de chaux (blanc), et jamais l’inverse, tout en remuant. Le mélange doit prendre une belle couleur bleu ciel opaque.
- Filtrez le mélange avec un vieux bas ou un tissu fin en le versant dans le pulvérisateur pour ne pas boucher la buse. Et utilisez-la sans attendre, elle ne se conserve pas !

Bon à savoir : Avec 10 litres de bouillie, vous pouvez traiter environ 2 à 4 arbres de belle taille (plus de 10 ans) ou 5 à 6 jeunes arbres. Adaptez les quantités pour ne pas gaspiller.
L’application : le tour de main qui change tout
Avoir une bonne bouillie, c’est bien. Bien l’appliquer, c’est mieux. Pour quelques arbres, un pulvérisateur à dos est idéal. On en trouve des très corrects pour 20€ à 40€ chez Castorama ou Leroy Merlin. Assurez-vous qu’il soit parfaitement propre, un reste de désherbant est fatal.
Le plus important, c’est la météo. Choisissez un jour sans vent et sans risque de pluie dans les 12 heures qui suivent. Sinon, votre travail sera lessivé.
Le but est de couvrir absolument toutes les surfaces de l’arbre : tronc, charpentières, petites branches, dessus, dessous… jusqu’au point de ruissellement, c’est-à-dire jusqu’à ce que de fines gouttes commencent à perler et tomber. C’est le signe d’une couverture parfaite.

Question temps, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas si long. Pour 3 à 5 arbres de taille moyenne, prévoyez une petite heure, préparation et nettoyage du matériel inclus.
Les 3 pièges classiques du débutant à éviter !
- Traiter trop tard au printemps : C’est l’erreur la plus courante et la plus grave. On pense bien faire, mais on pulvérise sur de jeunes feuilles ou des fleurs et on brûle tout. Observez vos bourgeons chaque jour dès la fin février !
- Pulvériser juste avant la pluie : C’est du temps et du produit gaspillés. Le produit a besoin de plusieurs heures pour sécher et former sa pellicule protectrice. Consultez la météo !
- Négliger la sécurité : On se dit « c’est juste pour un arbre », et on oublie les lunettes. Une seule projection dans l’œil, et c’est direction les urgences. Ce n’est pas une option.
On ne rigole pas avec la sécurité
Je le répète, mais c’est fondamental. Le cuivre et la chaux ne sont pas anodins. Protégez-vous systématiquement : lunettes intégrales, gants étanches, masque anti-poussière à la préparation et vêtements couvrants.
D’ailleurs, ça me rappelle une anecdote… Un voisin, un peu trop pressé, avait confondu chaux vive et chaux éteinte pour sa préparation. Je ne vous raconte pas le bazar ! Son seau en plastique s’est mis à chauffer dangereusement, à fumer… Une vraie frayeur qui aurait pu mal tourner. Une bonne leçon : lisez toujours les étiquettes !
Et pensez à l’environnement. Ne traitez jamais près d’un point d’eau, et ne jetez jamais le surplus dans l’évier. S’il vous en reste un fond, diluez-le fortement et videz-le au pied d’un arbre déjà traité.
Voilà, vous avez toutes les cartes en main. La bouillie bordelaise, c’est un héritage de bon sens paysan. Utilisée avec intelligence et respect, elle vous assurera un verger en bonne santé et de belles récoltes à partager. Bon jardinage !
Inspirations et idées
Le moment parfait pour la pulvérisation ? Un matin calme, sans vent pour éviter la dérive du produit, et sans pluie annoncée dans les 12 heures suivantes pour laisser au produit le temps de sécher et de former sa barrière protectrice. Évitez absolument les fortes chaleurs, qui augmentent les risques de brûlures sur le feuillage.
La bouillie bordelaise a été découverte par accident dans le Médoc à la fin du 19e siècle. Les viticulteurs traitaient leurs vignes en bord de route avec ce mélange pour dissuader les voleurs de raisins, et ont constaté que ces ceps restaient sains !
Puis-je l’utiliser sur mes légumes ?
Absolument, mais avec discernement. La bouillie bordelaise est l’alliée historique des pieds de tomates et de pommes de terre contre le mildiou. Appliquez-la en fine brume, surtout sur le revers des feuilles, dès que l’humidité s’installe. Pour les courgettes, elle peut aider contre l’oïdium, bien que le soufre soit souvent plus spécifique. Respectez toujours le délai avant récolte indiqué sur l’emballage.
- Toujours verser la poudre dans l’eau, et non l’inverse, pour éviter les grumeaux.
- Utiliser un mélangeur dédié (un simple bâton suffit) et jamais d’ustensiles de cuisine.
- Préparer uniquement la quantité nécessaire : le mélange ne se conserve pas bien.
- Bien rincer le pulvérisateur immédiatement après usage pour qu’il ne se bouche pas.
L’astuce anti-taches bleues : Pour éviter les marques disgracieuses sur les fruits proches de la récolte, ajoutez un
La réglementation européenne limite l’apport de cuivre à 4 kg par hectare et par an en agriculture biologique.
Ce chiffre souligne l’impact du cuivre sur la vie du sol. C’est pourquoi il est crucial de ne traiter que lorsque la météo (humidité, douceur) est propice aux maladies, et jamais en prévention systématique. L’alternance avec des purins de plantes est la clé d’un sol vivant et d’une utilisation raisonnée.
Formule Poudre : L’option traditionnelle, plus économique et avec une longue durée de conservation avant mélange. Elle demande une préparation minutieuse mais est idéale pour les grands vergers.
Formule Liquide : Prête à l’emploi ou presque, comme celle de Solabiol, elle garantit un dosage parfait et une dilution facile. Parfaite pour les jardiniers pressés ou les balcons.
Pour limiter l’usage du cuivre, pensez aux décoctions qui renforcent les plantes. Elles ne remplacent pas un traitement curatif mais agissent en amont, rendant vos cultures plus robustes.
- Le purin de prêle : Riche en silice, il renforce la structure cellulaire des feuilles, les rendant plus
- Une meilleure résistance de l’arbre face aux agressions.
- Moins de traitements et une réduction de l’accumulation de cuivre.
- Des économies de temps et d’argent à long terme.
Le secret ? L’approche intégrée. Ne misez pas tout sur la bouillie bordelaise. Combinez-la au chaulage des troncs en hiver, à l’installation de nichoirs, et au choix de variétés résistantes comme la pomme ‘Reinette Grise du Canada’.
Même si elle est autorisée en bio, la bouillie bordelaise n’est pas inoffensive. Le sulfate de cuivre est un produit irritant. Portez impérativement des gants, des lunettes de protection et un masque adapté lors de la préparation et de la pulvérisation pour éviter tout contact avec la peau ou les voies respiratoires.