Drones prédictifs : la découverte choc qui alarme nos libertés

Auteur Nicolas Kayser-Bril
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C’est une découverte qui sonne comme un avertissement. Dans le silence feutré de son laboratoire, un cryptographe français travaillant sur la sécurisation des flottes de drones de nouvelle génération a mis au jour une capacité jusqu’alors théorisée mais jamais observée avec une telle acuité : ces machines peuvent anticiper nos déplacements avec une précision troublante. Loin d’un simple suivi GPS, il s’agit d’une véritable analyse comportementale prédictive, qui devine nos intentions avant même que nous n’agissions. Cette révélation, qui s’est propagée rapidement dans les cercles de la cybersécurité, ouvre un débat vertigineux sur l’équilibre précaire entre innovation technologique, sécurité et libertés individuelles.

Le point de départ n’était pourtant pas la surveillance, mais la sécurité. Le cryptographe, dont le nom est pour l’instant gardé confidentiel pour des raisons professionnelles, cherchait à renforcer les protocoles de communication d’un drone commercial. C’est en analysant les journaux de données de vol qu’il a remarqué des anomalies. Les algorithmes de navigation ne se contentaient pas de réagir à l’environnement ; ils modélisaient et prévoyaient les trajectoires des piétons et des véhicules avec un temps d’avance. Le système ne suivait plus, il anticipait. En croisant des données de flux, des micro-mouvements et des schémas comportementaux issus de vastes bases de données, le drone pouvait prédire avec une probabilité de plus de 90% où une personne se dirigerait dans les 30 secondes à venir.

L’ère de la pré-surveillance a-t-elle commencé ?

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« Ce que nous voyons est une rupture fondamentale », analyse Julien Moreau, un expert en cybersécurité qui a pu consulter une partie des travaux. « Jusqu’à présent, la surveillance consistait à enregistrer ce qui s’est passé. Nous entrons dans une ère où la technologie prétend savoir ce qui va se passer. Si un drone peut prédire que vous allez tourner à droite au prochain carrefour, quelle est la prochaine étape ? Prédire une participation à une manifestation ? Une rencontre jugée suspecte ? » Cette capacité transforme radicalement le concept même de surveillance. On ne surveille plus un acte, mais une probabilité, une intention supposée.

Cette technologie, présentée comme un outil pour optimiser la logistique urbaine ou prévenir les accidents, révèle une nature profondément ambivalente. Les forces de l’ordre pourraient y voir un moyen de prévenir des crimes, d’anticiper des mouvements de foule dangereux ou de localiser des suspects. En France, le débat sur la loi « Sécurité globale » et l’usage de drones par la police a déjà montré les tensions existantes. L’introduction d’une capacité prédictive ajouterait une couche de complexité et de controverse explosive. Le risque est celui d’un glissement vers une société du contrôle social, où des algorithmes opaques classifient les citoyens en fonction d’un « score de risque » basé sur leurs déplacements anticipés.

Marie Duvall, avocate spécialisée dans la défense des droits numériques, met en lumière le dilemme : « L’argument sécuritaire est puissant, mais il ne peut justifier l’érosion de nos droits fondamentaux. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) protège nos données personnelles, mais comment s’applique-t-il à une donnée qui n’existe pas encore, comme un déplacement futur ? Nous sommes face à un vide juridique. » Pour elle, le véritable enjeu est le pouvoir asymétrique que cette technologie confère à ceux qui la déploient, qu’il s’agisse de l’État ou de grandes entreprises. « Ce qui a été conçu pour notre sécurité pourrait devenir l’outil de notre servitude », conclut-elle.

Un marché en plein essor, des régulations à la traîne

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Au-delà de la surveillance étatique, un gigantesque marché économique se dessine. Des géants du commerce en ligne pourraient utiliser ces drones pour optimiser leurs livraisons, mais aussi pour analyser les flux de consommateurs en temps réel et pousser des publicités ciblées sur les écrans publics qu’une personne s’apprête à croiser. Les compagnies d’assurance pourraient évaluer les risques en fonction des habitudes de déplacement. Qui bénéficie de cette manne de données prédictives ? Et qui en paie le prix ? La réponse semble claire : le citoyen, dont le comportement devient une marchandise avant même de s’être matérialisé.

Face à cette avancée fulgurante, la réponse politique et légale semble dépassée. Des appels se multiplient pour que des instances comme la CNIL en France et les régulateurs européens se saisissent du sujet de toute urgence. Les experts comme Julien Moreau insistent sur la nécessité d’une régulation forte qui ne se contente pas d’encadrer l’usage, mais qui audite les algorithmes eux-mêmes. Il faudrait exiger une transparence totale sur les données utilisées pour l’entraînement de ces intelligences artificielles et définir des lignes rouges claires. Peut-on autoriser une machine à prendre une décision basée sur une prédiction comportementale ? C’est la question centrale.

Le débat est loin d’être clos. Il nous place face à un choix de société fondamental. Alors que la technologie continue son évolution exponentielle, il est crucial de s’assurer qu’elle reste un outil au service de l’humain, et non l’inverse. Les discussions en cours au niveau européen sur l’« AI Act » devront impérativement intégrer cette nouvelle dimension prédictive. Sans un cadre éthique et légal robuste, nous risquons de nous réveiller dans un monde où la liberté de mouvement n’est plus qu’une illusion, doucement guidée par les calculs invisibles d’algorithmes qui en savent plus sur nos intentions que nous-mêmes.

Nicolas Kayser-Bril

Nicolas Kayser-Bril est un journaliste de données (data journalist) reconnu pour son expertise dans l'analyse de chiffres et la visualisation de données. Il a co-fondé l'agence de journalisme de données Journalism++ et est l'auteur d'ouvrages sur le sujet. Il enquête sur des sujets variés (économie, société, technologie) en se basant sur des faits quantitatifs.