Construire sa Propre Supercar : Entre le Rêve d’Artisan et le Cauchemar Annoncé

Des voitures de luxe à prix réduit ? Découvrez l’incroyable histoire d’une fabrique clandestine de fausses Lamborghini et Ferrari au Brésil.

Auteur Laurine Benoit

J’ai encore vu passer des photos de ces fausses supercars saisies par la police, cette fois-ci au Brésil. Des Lamborghini et des Ferrari en toc, bricolées dans un hangar et vendues pour une bouchée de pain. Pour beaucoup, c’est juste un fait divers amusant. Pour moi, qui suis carrossier-formeur depuis plus de vingt ans, c’est une insulte au métier. Et franchement, c’est surtout un danger public.

Dans mon atelier, j’ai vu naître des merveilles de tôle et de fibre, façonnées à la main. Mais j’ai aussi vu arriver des projets amateurs qui relevaient plus de la bombe à retardement que de la voiture. Cet article, ce n’est pas pour juger le rêve. C’est pour vous ouvrir les portes de l’atelier et vous montrer la différence abyssale entre une contrefaçon dangereuse et une réplique d’artisan. D’un côté, on a une coque vide et fragile posée sur un châssis de berline fatiguée ; de l’autre, une œuvre d’ingénierie et de passion. Croyez-moi, ça n’a rien à voir.

une petite usine de fabrication de fausses Lamborghini et Ferrari découverte au Brésil

Le squelette : sans un bon châssis, rien ne tient

Tout, absolument tout, commence avec le châssis. C’est la fondation. Les voitures saisies au Brésil utilisaient des bases de voitures de tous les jours. C’est là que le désastre commence.

Une supercar, ce n’est pas qu’un gros moteur. Son châssis est pensé pour une rigidité extrême. Imaginez que vous essayez de tordre une poutre en acier. Maintenant, imaginez tordre une éponge. Voilà la différence entre un châssis de supercar et celui d’une voiture de tourisme à qui on inflige une puissance qu’il ne peut pas supporter. Le châssis se tord dans les virages, et la tenue de route devient une pure loterie. C’est la sortie de route assurée.

Les vraies supercars s’appuient sur des structures complexes, comme des monocoques en carbone ou des châssis tubulaires. Chaque tube, chaque soudure est calculé par des ingénieurs pour créer une cage indéformable qui protège le pilote et transmet la puissance au sol efficacement.

La police a découvert que les fausses Lamborghini et Ferrari fabriquées dans cet atelier brésilien étaient vendues entre 40 000 et 90 000 euros

La méthode pro face au bricolage du dimanche

Quand on se lance dans une réplique de qualité, la règle d’or est simple : on ne part JAMAIS d’un châssis de berline qu’on découpe. C’est non. Soit on achète un châssis tubulaire déjà conçu et éprouvé par des entreprises spécialisées (il en existe d’excellentes en Angleterre ou aux États-Unis), soit on le fabrique sur mesure.

La fabrication maison, c’est mon quotidien. On utilise des tubes en acier de haute performance, comme le 25CD4S, un alliage chrome-molybdène à la fois léger et ultra-résistant. Chaque pièce est coupée et ajustée au millimètre sur un marbre de montage, une immense table en acier parfaitement plane qui garantit une géométrie parfaite. Ensuite, vient la soudure. On utilise quasi exclusivement le procédé TIG, qui demande une grande maîtrise. C’est plus lent, mais ça donne des soudures pures, sans surchauffe, d’une solidité à toute épreuve. Une belle soudure TIG, c’est une signature d’artisan.

la police a découvert de nombreuses pièces détachées marquées du logos des marques italiennes Lamborghini et Ferrari servant à la fabrication des fausses voitures

Une erreur que je vois souvent, c’est de penser qu’on peut économiser sur ce poste. J’ai vu un projet amateur où le châssis, mal conçu et mal soudé, s’est littéralement plié en deux en passant sur un simple dos d’âne. Le conducteur s’en est sorti, mais ça aurait pu être un drame.

Bon à savoir : Si votre projet est destiné uniquement à la piste (track-day), vous pouvez vous passer de l’homologation route. Ça simplifie les choses et réduit certains coûts, mais les exigences de sécurité sur circuit sont tout aussi strictes ! Ne négligez jamais la qualité du châssis et des arceaux de sécurité.

La carrosserie : l’art de sculpter la lumière

Une fois le squelette prêt, on l’habille. C’est là que la différence entre une arnaque et une pièce d’artisanat saute aux yeux… si on sait où regarder.

Pour créer les panneaux de carrosserie, on fabrique d’abord un « master », une sculpture parfaite à l’échelle 1 de la voiture. Ça peut être en bois, en plâtre, ou en mousse spéciale. On passe des centaines d’heures à poncer, à vérifier les lignes à la main, à sentir les courbes. Le toucher est notre meilleur outil. On sent une vague ou un défaut que l’œil ne voit même pas. C’est de ce master parfait qu’on va tirer des moules de qualité professionnelle, eux-mêmes renforcés et polis comme des miroirs.

Les fausses voitures de luxe découvertes au Brésil étaient moulées et assemblées sur place avec des moteurs Mitsubishi et Chevrolet

Fibre de verre bas de gamme ou matériaux nobles ?

Les contrefaçons sont presque toujours faites avec de la fibre de verre et de la résine polyester bon marché. C’est cassant, ça sent fort et ça travaille avec la chaleur. Le résultat est souvent une carrosserie aux lignes approximatives, qui va se fissurer à la première contrainte.

Pour un travail de qualité, on opte pour des résines bien plus performantes, comme le vinylester ou l’époxy. Le processus est plus rigoureux : on commence par une couche de gelcoat (la surface lisse et colorée), puis on applique les couches de fibre en chassant méticuleusement la moindre bulle d’air. Une bulle, c’est une future faiblesse. Pour le top du top, il y a la fibre de carbone. C’est un autre monde en termes de légèreté et de rigidité, mais le coût et la complexité (cuisson en autoclave) le réservent aux projets les plus ambitieux, avec des budgets qui s’envolent.

Le cœur de la bête : bien plus qu’un gros moteur

Mettre un moteur de berline de 200 chevaux dans une carrosserie qui ressemble à une Lamborghini, c’est une hérésie mécanique. Ce n’est pas qu’une question de puissance, c’est une question d’équilibre.

Dans une vraie supercar, tout est un ensemble cohérent. Le moteur est placé très bas et au centre pour optimiser le centre de gravité. Son poids est un élément clé de l’équilibre du châssis. Si vous mettez un moteur qui n’a rien à voir à l’arrière d’un châssis artisanal, vous flinguez toute la répartition des masses. La voiture devient imprévisible et dangereuse.

Adapter un moteur différent demande un vrai travail d’ingénierie. Il faut concevoir des supports sur mesure, adapter la transmission, et surtout, gérer le refroidissement. Un moteur puissant à l’arrière, c’est un vrai radiateur. Mal calculer la taille des radiateurs ou le circuit d’eau, et vous détruisez un moteur en quelques minutes. Et ne parlons pas des freins… Des freins de voiture de tourisme ne peuvent pas arrêter une voiture de ce poids lancée à haute vitesse. C’est un budget, oui, mais c’est non négociable.

Attention, danger ! J’ai dû expertiser une réplique qui avait pris feu. L’histoire est tristement simple : le constructeur amateur avait fait passer une durite d’essence bas de gamme trop près du collecteur d’échappement. Avec la chaleur, le tuyau a fondu, l’essence s’est répandue sur le métal brûlant et la voiture s’est transformée en torche. Le conducteur a eu une chance inouïe de sortir à temps. C’est le genre de détail qui ne pardonne pas.

Finitions et légalité : là où tout se joue

Les détails font toute la différence. C’est ce qui distingue une voiture « presque » belle d’une voiture sublime.

Une peinture de qualité, par exemple, ce n’est pas juste une couche de couleur. C’est un processus qui peut dépasser les 150 heures. Entre les couches d’apprêt, de peinture et de vernis, on ponce, on ponce, et on ponce encore. La dernière étape, un polissage en plusieurs passes, donne cet effet miroir parfait, sans aucune « peau d’orange ». Ça coûte cher, mais le résultat est spectaculaire.

L’intérieur, c’est pareil. Oubliez les tableaux de bord de récupération. Un intérieur sur mesure, c’est le travail d’un sellier-garnisseur, un autre artisan passionné qui va sculpter les sièges et gainer chaque élément en cuir ou en Alcantara. Quant aux logos, un artisan sérieux refusera toujours de poser un écusson Ferrari ou Lamborghini. C’est illégal et irrespectueux. On construit un hommage, une création, pas une contrefaçon. On assume son travail, parfois en créant un logo unique.

Le réveil brutal : homologation et coûts réels

C’est le point qui fâche. Avoir une belle voiture, c’est bien. Avoir le droit de rouler avec, c’est une autre paire de manches. Et oubliez les 40 000 € annoncés pour les arnaques brésiliennes.

Le parcours du combattant de l’homologation

En France, pour obtenir une carte grise, il faut passer par la Réception à Titre Isolé (RTI) auprès de la DREAL. C’est un examen extrêmement rigoureux. La toute première chose à faire, avant même de commander la moindre pièce, c’est de prendre contact avec eux pour comprendre les exigences et monter un dossier technique solide.

Votre voiture passera ensuite une batterie de tests dans un laboratoire officiel comme l’UTAC : freinage, bruit, pollution, structure… C’est un processus long, complexe et coûteux. Une voiture bricolée n’a absolument aucune chance de le passer.

Le vrai prix de la passion

Soyons réalistes. Un projet de qualité, sûr et légal, c’est un investissement. Voici une fourchette honnête pour vous donner une idée :

  • Châssis et trains roulants : 15 000€ – 30 000€
  • Moteur et transmission (fiable, reconditionné) : 10 000€ – 30 000€ (un V8 américain éprouvé sera plus abordable qu’un V12 exotique)
  • Kit carrosserie de qualité : 15 000€ – 25 000€
  • Système de freinage haute performance : 5 000€ – 10 000€
  • Peinture et finitions extérieures : 15 000€ – 30 000€
  • Intérieur sur mesure : 10 000€ – 20 000€
  • Main d’œuvre (si vous ne faites pas tout) : 30 000€ et plus…
  • Frais d’homologation : 5 000€ – 15 000€

On dépasse très vite les 100 000 €. Et en termes de temps, si vous faites une partie du travail, comptez au minimum entre 1500 et 2000 heures, soit plusieurs années de vos week-ends !

Astuce si vous achetez d’occasion : Pour ne pas vous faire avoir, ayez une petite checklist en tête. Demandez systématiquement les documents d’homologation (le dossier RTI validé). Pas de papiers, pas de route, point final. Examinez les soudures du châssis : sont-elles propres et régulières ? Y a-t-il des signes de rouille ou de fissures ? Regardez l’alignement des panneaux de carrosserie. Demandez l’historique complet et les factures des pièces majeures. La passion ne doit pas vous rendre aveugle.

Alors, artisanat ou arnaque ?

Une contrefaçon n’est pas une supercar au rabais. C’est une illusion dangereuse, un véhicule mal conçu et illégal qui peut vous coûter bien plus que son prix d’achat. Mon métier, c’est de construire des rêves, pas des cauchemars. Une réplique artisanale est une voiture unique qui, même sans le logo prestigieux, possède une valeur bien plus grande : celle de l’honnêteté, de la sécurité et de la fierté du travail bien fait.

Inspirations et idées

Option A : La fibre de verre. C’est le choix le plus courant pour les kits. Relativement abordable, elle se moule bien aux formes complexes et se répare assez facilement en cas de petit impact. Son principal défaut : son poids et une certaine flexibilité.

Option B : La fibre de carbone. Le Graal. Extrêmement rigide et incroyablement légère, elle est le matériau de choix pour la compétition et les supercars de série. Son coût est prohibitif pour la plupart des projets amateurs et sa mise en œuvre demande un savoir-faire de pointe.

Pour une réplique de qualité, une fibre de verre bien réalisée est souvent le compromis le plus intelligent.

80% de la sécurité d’une voiture performante repose sur deux éléments que l’on ne voit pas : la rigidité du châssis et la qualité du système de freinage.

Cette règle d’or, bien connue des ingénieurs châssis, est la première à être bafouée par les contrefaçons. Une carrosserie séduisante ne pourra jamais compenser un freinage sous-dimensionné ou une structure qui se tord à la première sollicitation. Penser aux freins avant de penser à la puissance est le signe d’un constructeur sérieux.

Au-delà du châssis et du moteur, la fiabilité d’une construction artisanale se niche dans les systèmes périphériques. Une checklist de survie avant de prendre la route :

  • Le circuit de freinage : Des durites aviations tressées en inox sont un minimum pour résister à la pression et à la chaleur.
  • Le circuit de refroidissement : Un radiateur en aluminium gros volume avec des ventilateurs performants (type SPAL) est non-négociable pour un gros moteur.
  • Le faisceau électrique : Un travail propre, gainé et protégé, évite 90% des pannes… et des risques d’incendie.

Une question de regard : l’alignement des panneaux.

Rien ne trahit plus vite une construction amateur qu’un mauvais alignement des éléments de carrosserie. L’espace entre une portière et une aile, ou entre le capot et le pare-chocs, est appelé

Le conseil de pro : Ne jamais sous-estimer le

L’une des références dans le monde de la réplique de qualité est sans conteste le fabricant américain Factory Five Racing. Plutôt que de vendre des coques vides, ils proposent des kits complets basés sur leurs propres châssis tubulaires, conçus et testés pour la performance. Leurs modèles, comme la Cobra ou la GTM Supercar, sont réputés pour leur ingénierie sérieuse, offrant une base saine et sécurisante pour les constructeurs amateurs et professionnels.

  • Une puissance décuplée et fiable.
  • Une consommation de carburant souvent réduite de moitié.
  • Des pièces de rechange disponibles partout dans le monde.

Le secret ? Le

« Ajouter de la puissance vous rend plus rapide en ligne droite. Enlever du poids vous rend plus rapide partout. » – Colin Chapman, fondateur de Lotus Cars.

Laurine Benoit

Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre
Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.