Peaky Blinders : Démêler le Vrai du Faux (et Pourquoi C’est Encore Mieux)
Plongée dans l’univers sombre et captivant de Peaky Blinders, la nouvelle saison promet des rebondissements qui vous tiendront en haleine !

Rien ne vaut l'excitation d'une nouvelle saison d'une série emblématique. En découvrant le teaser de la saison 5 de Peaky Blinders, j'ai ressenti cette montée d'adrénaline, comme un frisson au fond de l'estomac. Tommy Shelby est de retour, et avec lui, une promesse de chaos et de rivalités.
Si vous êtes comme moi, Peaky Blinders n’est pas juste une série que vous regardez, c’est une série que vous ressentez. On est happé par ce style unique, cette énergie brute. Mais au-delà des costumes impeccables et des ralentis iconiques, il y a une question qui revient sans cesse : qu’est-ce qui est vrai là-dedans ?
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Honnêtement, la réponse est plus intéressante qu’un simple « vrai » ou « faux ». Les créateurs ne cherchaient pas à faire un documentaire ennuyeux. Leur but était de forger un mythe moderne, une légende qui puise sa force dans la réalité sociale et historique d’une époque. Pour vraiment savourer la série, il faut comprendre ce mélange subtil. C’est exactement ce qu’on va faire ensemble : décortiquer la mécanique, comprendre les choix artistiques et voir comment la réalité crue a donné naissance à une saga aussi puissante.
Birmingham : Plus que de la Fumée et de l’Acier
Pour piger les Shelby, il faut d’abord piger leur ville. Au début du XXe siècle, Birmingham n’avait rien d’une carte postale. C’était le cœur battant, et souvent sale, de l’Angleterre industrielle. Un endroit où le travail était dur, dangereux et omniprésent.

Imaginez un instant… Des rues noires de suie, le vacarme incessant des usines, cette odeur âcre de charbon et de métal en fusion qui prend à la gorge. C’est dans ce décor que des milliers de gens vivaient. La série retranscrit cette atmosphère grise et oppressante à la perfection. Les canaux sombres, les usines gigantesques, les pubs enfumés, tout ça est d’une fidélité bluffante. D’ailleurs, petit secret de tournage : pour retrouver cette authenticité, les équipes ont beaucoup filmé à Liverpool ou dans le « Black Country », une région voisine qui a miraculeusement conservé une partie de cette architecture d’époque.
Les Vrais Peaky Blinders : Attention, Mythe en Construction !
C’est ici que la fiction commence à prendre le dessus. Oui, un gang appelé les Peaky Blinders a bien existé. Mais il ne ressemblait pas vraiment à celui de la série. Les historiens s’accordent à dire qu’ils étaient surtout actifs une génération plus tôt. C’étaient des bandes de jeunes, connus pour leurs vols et leur violence de rue. Leur influence était très locale, bien loin de l’empire Shelby.

Même leur nom est sujet à débat. L’idée populaire, et celle que la série reprend avec brio, c’est qu’ils cachaient des lames de rasoir dans la visière de leur casquette. C’est une image incroyablement forte, mais probablement une légende. Franchement, à l’époque, des lames de rasoir jetables étaient un luxe, bien trop chères pour des jeunes des quartiers ouvriers. L’explication la plus probable ? Leur nom viendrait simplement de la visière pointue (peaky) de leur casquette, un style qui les distinguait.
Au fait, le véritable gang qui dominait Birmingham à l’époque de la série était connu sous le nom des « Birmingham Boys ». Leur chef était un personnage réel et particulièrement redoutable, qui contrôlait les champs de courses, une source de revenus colossale. Dans la vraie vie, ce caïd a eu une carrière bien plus longue et moins… explosive que son alter ego à l’écran. Il a fini par étendre son influence et est mort bien plus tard, de causes naturelles. Loin du règlement de comptes dramatique qu’on adore détester !

Le Traumatisme de la Guerre : La Blessure la Plus Réelle
S’il y a bien un aspect où la série touche juste, c’est dans sa description du traumatisme de guerre. Tommy, Arthur, leurs camarades… ils sont tous revenus de France complètement brisés. On parlait de « shell shock » à l’époque, aujourd’hui on appelle ça le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Et c’est le véritable moteur psychologique de la série.
En fouillant un peu dans des récits d’époque, on tombe sur des détails glaçants. Des témoignages d’hommes qui ne supportaient plus le bruit d’une porte qui claque, ou le simple fait de dormir dans un lit après des années dans la boue. La série le montre sans fard : Tommy ne dort pas, s’anesthésiant à l’opium et au whisky. Arthur est une poudrière émotionnelle, sa violence n’étant qu’un symptôme de sa souffrance. Leur expérience de sapeurs, dans les tunnels, explique leur audace et leur rapport à la mort. Ils ont déjà vécu l’enfer, alors le retour à la vie civile leur est insupportable.

Les Secrets de Fabrication : Quand l’Art Rend l’Histoire Vivante
Une série télé, ce n’est pas un livre d’histoire. C’est une œuvre d’art, et comprendre les choix des créateurs permet de l’apprécier à un tout autre niveau.
Une Esthétique de Western Industriel
La réalisation est l’une des plus grandes forces de la série. Pensez à ces fameux ralentis où la famille Shelby marche dans la rue. Ils ne marchent pas, ils avancent comme des conquérants sur leurs terres. C’est une technique tout droit sortie des westerns. Le personnage principal est souvent filmé comme un cow-boy solitaire face à son destin.
La lumière, la fumée omniprésente des usines et des cigarettes… tout cela crée une atmosphère de rêve ou de cauchemar. C’est un choix esthétique puissant qui nous rappelle constamment que nous sommes dans un mythe.
Le Costume : Bien Plus qu’un Simple Vêtement
Le soin apporté aux costumes est phénoménal. Le costume trois-pièces, la chemise à col club, la casquette… c’est leur uniforme. Dans un monde qui les méprise pour leurs origines, leur apparence est une déclaration de pouvoir. C’est une armure qui impose le respect. Et la coupe de cheveux, ce fameux « Peaky cut » ? C’est un anachronisme, oui. Cette coiffure était plutôt à la mode bien plus tard. Mais c’est un choix de génie qui donne aux personnages un look moderne et agressif, devenu un véritable phénomène de mode.
La Bande-Son : Le Cœur Rock d’une Époque Passée
Le choix musical est peut-être le plus audacieux. Utiliser des artistes rock modernes et des groupes alternatifs dans une série historique, il fallait oser ! Et le pari est plus que réussi. La musique ne cherche pas à imiter les sons de l’époque. Elle vise à traduire l’énergie brute, la noirceur et l’esprit de rébellion des personnages. Le générique, avec sa mélodie lancinante parlant d’une figure sombre et charismatique qui vient prendre le contrôle, résume parfaitement l’arrivée de Tommy Shelby. C’est brillant.
Le Guide du Spectateur : On Fait le Tri Ensemble
Alors, pour y voir plus clair, voici une sorte de guide rapide pour le spectateur curieux. Pas de tableau compliqué, juste du concret.
Ce qui sonne juste :
- L’ambiance de Birmingham : La ville industrielle, la pollution, les inégalités criantes… tout ça, c’est du solide.
- Le contexte politique : La peur du communisme, les tensions avec l’IRA et l’implication de certaines figures politiques (même si leurs face-à-face avec Tommy sont purement inventés) reposent sur un fond de vérité.
- Le traumatisme des soldats : C’est sans doute l’élément le plus juste et le plus poignant de la série.
- L’existence des gangs : La lutte violente pour le contrôle des paris et des trafics est totalement avérée.
Ce qui est (largement) inventé :
- La famille Shelby : Désolé de briser le mythe, mais elle est une pure création. Il n’y a aucune trace d’un clan familial avec une telle ascension.
- Les lames dans les casquettes : Une superbe légende urbaine, parfaite pour le spectacle, mais historiquement très improbable.
- L’ascension fulgurante : L’idée qu’un petit gang devienne une puissance internationale en si peu de temps… c’est une belle histoire, mais très loin de la réalité sociale de l’époque.
D’ailleurs, c’est un bon moment pour parler d’autres personnages que vous adorez. Le charismatique chef de gang londonien ? Purement fictif, même s’il s’inspire de l’archétype des vrais gangsters de l’East End. Le chef mafieux venu de New York ? Encore une création pour les besoins du drame, symbolisant la menace américaine. En revanche, le politicien fasciste qui apparaît plus tard est, lui, basé sur une figure historique bien réelle et glaçante, ce qui rend ses scènes particulièrement dérangeantes.
Attention ! Un point crucial. La série rend la violence esthétique et ses personnages terriblement charismatiques. Mais il ne faut jamais oublier que la réalité de la vie de gangster était brutale, sordide et souvent courte. Appréciez l’art, mais ne confondez jamais le mythe avec la réalité.
Au-delà des flingues : Les vrais thèmes de la série
Si la série nous captive autant, c’est qu’elle explore des thèmes universels qui nous parlent encore aujourd’hui.
La masculinité en crise : Tommy incarne le leader stoïque qui transforme sa douleur en ambition froide. Arthur, lui, est l’expression brute de cette douleur. Prenez Arthur. Souvenez-vous de cette scène où il se bat sauvagement dans un ring de boxe clandestin ? Ce n’est pas une simple bagarre. C’est le cri de douleur d’un homme qui ne sait pas comment gérer ses démons autrement.
Le pouvoir des femmes : L’un des aspects les plus modernes de la série. La matriarche, Tante Polly, est le cerveau et la conscience de la famille. Sans elle, pas d’empire Shelby. Ada, la sœur communiste, ou Lizzie, qui se bat pour sa place, montrent des facettes différentes de la force et de la survie dans un monde d’hommes.
La quête de respect : Au fond, l’ambition de Tommy, c’est la rage de l’homme du peuple méprisé par l’élite. Peu importe l’argent, il sera toujours vu comme un parvenu. Sa quête de pouvoir est une quête de légitimité. Et ça, c’est un combat qui résonne encore très fort aujourd’hui.
Un mythe puissant et nécessaire
Alors, que retenir de tout ça ? Peaky Blinders n’est pas un cours d’histoire, et c’est tant mieux. C’est une fresque épique qui utilise le passé pour nous parler d’aujourd’hui : de traumatisme, d’ambition, de famille et de trahison. Elle réinterprète l’histoire pour la rendre vivante et pertinente.
La prochaine fois que vous lancerez un épisode, j’espère que vous le verrez avec un œil neuf. Appréciez le style et l’énergie, mais cherchez aussi l’histoire derrière le mythe et la vérité derrière la fiction. C’est là que se cache toute la richesse de cette série incroyable.
Envie de creuser le sujet ?
Pour les plus passionnés d’entre vous, voici quelques pistes pour aller plus loin :
- Visiter le décor : Si jamais vous passez par les West Midlands en Angleterre, faites un saut au Black Country Living Museum. C’est un musée en plein air où une bonne partie de la série a été tournée. Vous pourrez marcher dans les « vraies » rues de l’époque. Comptez bien 4 à 5 heures pour une visite complète et un billet d’entrée autour de 25-30€, mais ça les vaut largement.
- Lire sur le sujet : Côté lecture, cherchez les ouvrages d’historiens spécialisés sur les gangs de Birmingham. Vous y découvrirez la véritable histoire des « Birmingham Boys » et d’autres groupes, loin du mythe de la série. On les trouve facilement en ligne ou sur commande en librairie.
- Regarder des docus : Il existe aussi d’excellents documentaires sur la période de l’entre-deux-guerres en Angleterre ou sur la réalité des gangs de l’époque. Une simple recherche sur les plateformes de streaming avec les mots-clés « gangs Birmingham » ou « vie ouvrière Angleterre » vous ouvrira un monde.
Inspirations et idées
Le morceau emblématique
Le look iconique : Le style vestimentaire des Shelby, bien que romancé, s’inspire de la mode ouvrière et gentleman de l’époque. Pour s’en approcher aujourd’hui :
- Un gilet en tweed épais, pièce maîtresse de la tenue.
- Une chemise à col club (arrondi), moins formelle que le col classique.
- Des bottes robustes en cuir, type workwear, comme celles de Red Wing ou Solovair.
- L’indispensable casquette gavroche (newsboy cap), que l’on trouve chez des spécialistes comme Stetson ou Brixton.
Quelle est la part de vérité dans les personnages féminins si puissants de la série ?
Polly, Ada, Esme… ces femmes fortes sont l’un des piliers de la série. Si leur pouvoir est dramatisé, il puise sa source dans une réalité sociale. La Première Guerre mondiale a décimé une génération d’hommes, forçant les femmes à occuper des postes à responsabilité dans les usines, les commerces et au sein du foyer. Polly Gray, qui gère les finances et la stratégie, incarne parfaitement cette nouvelle place de la femme, née de la nécessité dans une société en pleine mutation.
Attention au mythe de la lame : La fameuse lame de rasoir cousue dans la visière des casquettes, qui aurait donné son nom au gang, est très probablement une légende urbaine. Les historiens, comme Carl Chinn, soulignent que les lames de rasoir jetables étaient un produit de luxe à l’époque, peu accessible pour des voyous des bas-fonds. Le nom viendrait plus simplement de la visière en forme de pointe (
- Une gestion financière de fer par une matriarche.
- Des alliances stratégiques conclues par les femmes.
- Une implication directe dans les activités illégales.
Le secret de cette puissance féminine ? La série montre que dans le monde des Shelby, l’intelligence et la loyauté priment sur le genre. Polly, Ada et Lizzie ne sont pas de simples personnages secondaires ; elles sont des actrices essentielles de l’ascension et de la survie du clan, utilisant des armes différentes de celles des hommes : la ruse, la finance et l’influence politique.
Winston Churchill n’a jamais eu de contact direct avec des gangs de rue de Birmingham. Son rôle dans la série est une liberté narrative totale.
Whisky irlandais : Le
Le langage est un marqueur social essentiel dans Peaky Blinders. Les acteurs ont dû travailler intensivement l’accent
Un détail qui change tout : La plupart des scènes censées se dérouler à Birmingham ont en fait été tournées dans le nord de l’Angleterre, principalement à Liverpool et dans le Yorkshire. Pourquoi ? Car ces villes ont mieux conservé leur architecture industrielle et leurs rues pavées de l’époque. Le Black Country Living Museum, un musée à ciel ouvert près de Birmingham, a également servi de décor pour de nombreuses scènes clés, comme les chantiers navals de Charlie Strong.