Le blues de l’après-projet : comment gérer le grand vide (et en sortir plus fort)
Découvrez comment Kit Harington, l’icône de Game Of Thrones, fait face à ses démons personnels dans une quête de bien-être.

Loin des projecteurs, j'ai toujours admiré la force des personnalités publiques qui, derrière leur sourire éclatant, cachent des luttes intérieures. Kit Harington, ce héros aux mille facettes, a choisi d'affronter ses défis. Sa démarche courageuse de se faire aider dans un centre spécialisé est un rappel poignant que même les plus brillants d'entre nous peuvent se sentir vulnérables.
J’ai vu un nombre incalculable de personnes brillantes littéralement s’effondrer. Mais attention, pas pendant la bataille, non. Juste après. Des entrepreneurs qui vendent la boîte de leur vie. Des athlètes au lendemain des Jeux Olympiques. Des artisans qui livrent la commande la plus importante de leur carrière. Et bien sûr, des acteurs, après avoir incarné un rôle iconique pendant des années.
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Le cas d’un acteur célèbre qui a sombré après la fin d’une série télévisée à succès n’est pas juste une anecdote pour les magazines. C’est un véritable cas d’école. Ça illustre parfaitement un phénomène que j’accompagne dans ma pratique depuis des années : le syndrome du vide post-projet.
Quand un projet intense, qui a dévoré votre énergie et votre temps, s’arrête net, il laisse un trou béant. Ce n’est pas seulement la fin d’un job. C’est la perte d’une identité, d’un rythme, parfois même d’une famille de cœur professionnelle. Dans cet article, on va décortiquer ensemble ce qui se passe vraiment dans la tête et dans le corps. Et surtout, on va voir comment traverser cette période déroutante sans y laisser des plumes. Oubliez la théorie abstraite, ici on parle concret : des outils testés sur le terrain, une vraie boîte à outils pour vous aider si, vous aussi, vous vous sentez un peu perdu une fois les lumières éteintes.

1. La mécanique du vide : ce qui se trame vraiment à l’intérieur
Avant d’agir, il faut comprendre le mécanisme. Ce que vous ressentez n’est pas une faiblesse. C’est une réaction psychologique et physiologique tout à fait normale face à un changement aussi brutal. On peut la décomposer en trois points clés.
La fusion identitaire : quand le rôle bouffe tout le reste
Le premier piège d’un projet long et intense, c’est la fusion. Progressivement, votre identité personnelle et votre identité professionnelle se mélangent jusqu’à ne faire plus qu’un. Prenez l’exemple d’un acteur qui joue le même personnage pendant une décennie. Aux yeux du monde, et sans doute un peu pour lui-même, il n’est plus seulement un acteur, il est ce personnage. Ses horaires, ses voyages, ses fréquentations… tout est dicté par le rôle.
Mais ça ne concerne pas que les stars, loin de là. Je me souviens d’une entrepreneure que j’ai accompagnée. Pendant sept ans, elle a vécu pour sa start-up. Quand elle se présentait, elle disait : « Je suis la fondatrice de X ». Elle ne disait plus : « Je suis Sarah, j’adore la rando et la poterie ». Le jour où elle a vendu sa boîte, sa première question n’a pas été « Qu’est-ce que je vais faire ? » mais « Qui suis-je, maintenant ? ».

Cette fusion est insidieuse. Elle donne un but, une direction claire. Mais quand le projet s’arrête, ce qui soutenait cette identité disparaît. C’est comme enlever le tuteur d’une plante qui n’a pas encore de racines assez solides. Elle s’affaisse. La première étape, c’est de prendre conscience de ça et de commencer, tout doucement, à redessiner les contours entre le « moi » et le « rôle ».
La dépendance à l’adrénaline : le crash biochimique
Un projet à haute pression, franchement, ça fonctionne comme une drogue. Votre corps s’habitue à un cocktail chimique surpuissant. D’un côté, vous avez l’adrénaline pour les pics de stress et les deadlines impossibles. De l’autre, la dopamine, cette fameuse hormone de la récompense, libérée à chaque succès, chaque objectif atteint.
C’est un peu comme si votre cerveau carburait au superpendant des mois. Vous vous sentez vivant, puissant, indispensable. Et puis, du jour au lendemain, le robinet se coupe. Le téléphone se tait. Plus d’urgences, plus d’incendies à éteindre.

Le corps, qui s’était habitué à sa dose quotidienne de stimulants, entre en état de manque. C’est le « crash ». Vous vous sentez fatigué, mais d’une fatigue vide, apathique. Rien n’a de saveur. C’est une réaction purement chimique. Votre cerveau doit se sevrer de ce rythme fou et réapprendre à trouver de la satisfaction dans des choses plus calmes. Ce processus de sevrage prend du temps et s’accompagne souvent d’irritabilité et d’un sentiment de vacuité.
Le deuil d’un collectif et d’un but commun
Enfin, la fin d’un projet, c’est un deuil. On perd un objectif qui structurait nos journées, c’est vrai. Mais ce qui fait souvent le plus mal, c’est la perte du collectif. L’équipe, les collègues, les partenaires… ces gens avec qui on a partagé des galères, des fous rires et des victoires. C’était une véritable « famille de travail ».
On le voit souvent dans les making-of des grands films ou séries. Quand les acteurs découvrent la fin du scénario, ils pleurent. Pas seulement pour leurs personnages, mais parce qu’ils réalisent que c’est la fin d’une aventure humaine exceptionnelle. Cette perte des liens sociaux quotidiens peut créer un sentiment d’isolement très profond. On peut se sentir seul même entouré de sa propre famille, parce que personne ne peut vraiment comprendre l’intensité de ce qui a été vécu.

Reconnaître ce processus comme un deuil est fondamental. Ça vous autorise à être triste, à avoir des regrets. C’est une étape saine et nécessaire avant de pouvoir se tourner vers l’avenir.
2. La boîte à outils pour reprendre le contrôle
Savoir ce qui se passe, c’est une chose. Agir, c’en est une autre. Voici une approche en plusieurs étapes, des actions simples mais qui demandent un peu de discipline. Le but n’est pas d’oublier le projet, mais de l’intégrer à votre histoire sans le laisser vampiriser votre présent.
Instaurez un « sas de décompression » obligatoire
L’erreur classique ? Vouloir enchaîner direct. Pour fuir le vide, on se jette corps et âme dans un nouveau projet, un voyage frénétique, une nouvelle relation. C’est une très mauvaise idée. Vous ne faites que mettre le problème sous le tapis, et il reviendra plus fort plus tard.
Je conseille toujours de planifier un « sas de décompression ». C’est une période, disons d’une à quatre semaines, où vous n’avez AUCUN objectif de performance. Zéro. Le but n’est pas de « faire », mais juste d’« être ».
Concrètement, ça veut dire quoi ?
- Coupez les notifs : Mettez en sourdine les mails pro, les groupes de discussion liés au projet.
- Ne planifiez rien : Résistez à la tentation de remplir votre agenda. Laissez de la place à l’ennui, à l’imprévu.
- Reconnectez-vous au corps : Marchez dans la nature, cuisinez un plat simple en prenant votre temps, faites des étirements. Des activités qui demandent juste de ressentir.
- Dormez : Le sommeil est votre meilleur allié pour rééquilibrer la chimie de votre cerveau. Dormez sans réveil si vous le pouvez.
Et si vous n’avez pas le temps pour ça ?
On est d’accord, tout le monde ne peut pas prendre un mois off. Si vous êtes freelance ou parent solo, c’est quasi impossible. Dans ce cas, optez pour la version « micro-dose ». Un sas de décompression en format réduit :
- Le micro-sas quotidien : Engagez-vous à prendre 20-30 minutes chaque jour, par exemple à la pause déjeuner, pour une marche sans téléphone. Juste vous et vos pensées.
- Le week-end déconnecté : Planifiez un week-end complet, du vendredi soir au dimanche soir, où vous ne prévoyez absolument rien. Pas de devoirs, pas de projets, pas de sorties obligatoires.
Ce sas, même court, n’est pas des vacances. C’est une transition active. Vous laissez votre système nerveux se calmer et vous commencez à faire de la place pour la suite.
La défusion par l’écriture : redevenez le narrateur de votre vie
Un exercice ultra-puissant que je propose souvent est celui du carnet de « défusion ». Chaque jour, pendant 15 minutes, répondez à quelques questions simples. Pas besoin de faire de la littérature, le but est de clarifier vos pensées.
Exemples de questions :
- Aujourd’hui, sans mon rôle de [votre ancien rôle], qui ai-je été ? (Ex : un ami, un parent, un promeneur, un lecteur…). Listez des identités simples et concrètes.
- Quelle est la chose la plus simple qui m’a procuré une petite satisfaction aujourd’hui ? (Le goût du café, un rayon de soleil…). Le but est de rééduquer votre cerveau à la joie du quotidien.
- De quoi suis-je fier dans ce projet, au-delà du résultat final ? (Ex : ma persévérance, ma capacité à aider un collègue…).
- De quoi ai-je envie, juste pour moi, sans penser à la performance ?
Cet exercice simple force votre cerveau à se décoller de l’identité unique du projet. Vous redevenez une personne complexe, avec plusieurs facettes.
Recréez des rituels simples et personnels
Le projet vous avait imposé ses rituels : le café du matin avec l’équipe, le point du lundi… Quand ils disparaissent, c’est le chaos. Remplacez-les par VOS propres rituels, des choses qui n’appartiennent qu’à vous et qui ne sont pas liées à la performance.
Ça peut être tout bête :
- Le café du matin, mais pris en silence en regardant par la fenêtre pendant dix minutes.
- Une marche de 20 minutes après le déjeuner, toujours le même parcours.
- Lire 10 pages d’un ROMAN (pas un livre de boulot !) avant de dormir.
Ces rituels sont des ancres. Ils structurent votre journée et envoient un message à votre cerveau : « Je suis en sécurité, je contrôle mon temps ».
3. Ce n’est pas que de votre faute : le rôle de l’écosystème
On peut faire tout le travail personnel qu’on veut, mais il faut être honnête : la responsabilité n’est pas que sur nos épaules. L’environnement professionnel a un rôle énorme à jouer, souvent par ignorance plus que par malveillance.
L’anticipation par les managers et les entreprises
Dans beaucoup de secteurs créatifs ou dans la tech, on célèbre le lancement, jamais la clôture. C’est une erreur fondamentale. Un bon manager doit préparer la fin du projet aussi sérieusement que son début. C’est une question de responsabilité et de prévention des risques psychosociaux.
J’ai vu des entreprises visionnaires instaurer une « semaine de transition » obligatoire et payée après chaque fin de production. Pendant cette semaine, les équipes participent à des ateliers sur la gestion du stress, font des bilans de compétences et préparent la suite. Sans surprise, les cas d’épuisement post-projet ont chuté de manière spectaculaire.
Le rôle crucial de l’entourage personnel
La famille et les amis veulent aider, mais sont souvent maladroits. Ils ne comprennent pas pourquoi vous êtes abattu alors que vous venez de réussir quelque chose de grand. Les phrases comme « Allez, tu devrais être content ! » partent d’une bonne intention mais sont terriblement culpabilisantes.
Petit conseil : donnez-leur les clés pour vous comprendre. Fournissez-leur un petit « script ». Vous pouvez leur dire quelque chose comme :
« Je sais que ça peut paraître bizarre d’être KO après un succès, mais c’est comme un marathonien qui s’écroule après la ligne d’arrivée. Mon corps et ma tête ont besoin de récupérer, juste avec du calme. J’ai surtout besoin de ta présence, pas de pression pour être heureux tout de suite. »
Croyez-moi, une phrase comme ça peut débloquer bien des incompréhensions et vous apporter le soutien dont vous avez vraiment besoin.
4. Les signaux d’alarme : quand faut-il consulter ?
Une période de déprime est normale. Mais si elle s’installe et dure plus de deux ou trois semaines, il est peut-être temps de demander de l’aide. Tenter de gérer seul une dépression n’est pas une preuve de courage, c’est juste inefficace et risqué.
Attention : ce qui suit est informatif. Seul un professionnel de santé peut poser un diagnostic. En cas de doute, consultez TOUJOURS.
Les signes qui ne trompent pas
Si vous constatez des changements importants dans ces domaines, c’est un drapeau rouge :
- Le sommeil : Insomnies, réveils nocturnes angoissés, ou au contraire, hypersomnie (dormir 12h et être toujours épuisé).
- L’appétit : Perte ou gain de poids significatif sans raison, perte du plaisir de manger ou compulsion.
- L’humeur : Tristesse constante, perte totale de plaisir (même pour ce que vous aimiez avant), fatigue écrasante.
- Le comportement : Isolement, annulation de toutes les sorties, difficulté à prendre la moindre décision, augmentation de la consommation d’alcool ou autres substances pour « tenir ».
Qui aller voir (et combien ça coûte) ?
Votre premier réflexe doit être votre médecin traitant. Il vous connaît, peut écarter des causes physiques et vous orienter. Ensuite, plusieurs options s’offrent à vous :
- Le psychiatre : C’est un médecin. Il peut poser un diagnostic, prescrire un traitement si nécessaire, et les consultations sont remboursées par la Sécurité Sociale.
- Le psychologue : Son outil, c’est la thérapie par la parole. Une séance coûte généralement entre 50€ et 90€, selon les villes et les praticiens.
Bon à savoir pour le budget :
- Le dispositif MonPsy : Demandez à votre médecin traitant. Il peut vous orienter vers ce programme qui permet le remboursement de 8 séances par an chez un psychologue partenaire. Toutes les infos sont sur le site de l’Assurance Maladie.
- L’option gratuite (trop peu connue) : Les CMP (Centres Médico-Psychologiques). Ce sont des structures publiques où les consultations avec des psychologues et psychiatres sont gratuites. Il y a souvent un peu d’attente, mais c’est une ressource inestimable.
Des plateformes comme Doctolib sont très utiles pour trouver un professionnel près de chez vous. Il n’y a aucune honte à consulter. C’est une preuve de force, pas de faiblesse.
5. Et maintenant ? Votre premier pas, là, tout de suite
Avant de conclure, un petit exercice très simple, à faire juste après avoir lu cet article.
Prenez 5 minutes. Une feuille de papier, un stylo. Listez trois passions ou hobbies que vous aviez avant que ce projet ne dévore tout. Le dessin ? La rando du dimanche ? Les jeux de société ? Juste ça. C’est simplement pour vous rappeler qu’il y a bien une personne avec ses propres envies sous le costume du professionnel.
Traverser ce vide est une occasion unique de faire le point et de choisir plus consciemment la direction que vous voulez donner à votre vie. Le but n’est pas d’effacer le passé, mais de le ranger à sa juste place : un chapitre important de votre histoire, mais pas TOUTE l’histoire.
Souvent, les gens que j’accompagne sont plus solides après cette épreuve. Ils ont appris à se connaître, à poser leurs limites. L’épreuve, une fois surmontée, est devenue une force. Ce chemin demande du courage, de la patience, et parfois l’humilité de demander de l’aide. Ne restez pas seul. Des solutions existent. Le plus dur, c’est souvent de faire ce premier pas.