Tournages sous-marins : comment on vous fait croire à l’impossible (les vrais secrets de coulisses)
Aquaman pulvérise les records du box-office ! Découvrez comment Jason Momoa a transformé un super-héros méconnu en icône mondiale.

Il y a quelque chose de magique à voir un personnage longtemps sous-estimé conquérir le monde. En tant que fan de super-héros, je me souviens de mes premières lectures d’Aquaman, souvent raillé. Aujourd'hui, grâce à Jason Momoa, Aquaman ne se contente pas de nager dans les profondeurs, il brille au sommet du box-office.
Cela fait plus de vingt ans que je passe mes journées à bricoler la réalité pour la rendre plus spectaculaire. Mon métier, c’est coordinateur de cascades et technicien en effets spéciaux, avec une grosse spécialité pour tout ce qui touche à l’eau. Franchement, c’est un domaine qui ne pardonne aucune erreur.
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Quand vous regardez un grand film de super-héros aquatique, vous êtes emporté par le spectacle. Vous voyez des personnages qui respirent, parlent et se battent dans les profondeurs de l’océan comme si de rien n’était. Moi, je vois autre chose. Je vois des calculs de physique, des harnais sur mesure, des protocoles de sécurité draconiens et des mois de préparation pour chaque seconde à l’écran. Mon boulot, c’est de créer cette magie sans que personne ne se doute de l’enfer de complexité qu’il y a derrière.
Pour nous, les artisans de l’ombre, le vrai succès, c’est quand le spectateur oublie complètement la technique. Quand il croit dur comme fer qu’un homme peut nager à la vitesse d’une torpille. Alors, bienvenue dans mon atelier ! Je vais vous montrer comment on fabrique un monde sous-marin, non pas avec une baguette magique, mais avec de l’ingénierie, de la physique et beaucoup de sueur.

Le grand dilemme : avec ou sans eau ?
La première question qu’on me pose tout le temps est : « Alors, vous filmez tout dans une piscine géante ? ». La réponse, dans 90% des cas, est non. Filmer de longues scènes de dialogue ou d’action entièrement sous l’eau est un vrai cauchemar logistique. Pensez-y : les acteurs ne peuvent pas respirer, la communication est quasi nulle, l’eau devient vite trouble, et les costumes ou les cheveux flottent dans tous les sens de manière incontrôlable. Un vrai bazar.
Pour contourner ça, l’industrie a deux grandes approches. Ce n’est pas un secret, mais la façon de les combiner, c’est ça, le vrai savoir-faire.
D’un côté, il y a le « Wet-for-Wet » (le mouillé pour le mouillé). C’est la méthode traditionnelle où l’on filme vraiment les acteurs dans d’immenses bassins de tournage. C’est indispensable pour les scènes où un personnage entre ou sort de l’eau, ou pour les plans où l’on a besoin de vraies éclaboussures. L’interaction avec la surface, c’est quasi impossible à simuler parfaitement.

De l’autre, il y a le « Dry-for-Wet » (le sec pour le mouillé), et c’est la technique reine pour les films à grand spectacle. On filme les acteurs à sec, sur un plateau fond vert, et tout l’environnement aquatique est ajouté numériquement. C’est la méthode qui offre un contrôle absolu sur l’image, la performance et, surtout, la sécurité.
La magie du « Dry-for-Wet » : nager dans les airs
Créer l’illusion de l’eau sur un plateau sec, c’est là que notre artisanat devient un art. Tout repose sur des machines complexes et des acteurs prêts à… voler au ralenti.
Les machines à faire flotter
Pour simuler la flottaison, on utilise des systèmes de suspension par câbles ultra-sophistiqués. Dans le jargon, on appelle les plus perfectionnés des « diapasons » (ou tuning forks en anglais). Imaginez une sorte de grande fourche métallique horizontale, fixée au bout d’un bras robotisé. L’acteur est sanglé dans un harnais, lui-même accroché à cette fourche au niveau des hanches. Ce système lui permet de pivoter et de bouger avec une liberté incroyable, tout en étant soutenu.

Et là, vous vous demandez combien ça coûte, n’est-ce pas ? Accrochez-vous : la location d’un seul de ces systèmes complets, avec les techniciens pour le piloter, peut grimper à plusieurs dizaines de milliers d’euros… par jour. Ce sont de véritables bijoux de technologie, contrôlés par ordinateur pour créer des mouvements fluides et précis qu’aucun nageur ne pourrait réaliser.
L’art de bouger lentement
Une fois l’acteur harnaché, le plus dur commence pour lui : apprendre à bouger comme s’il était freiné par l’eau. C’est totalement contre-intuitif. Sur terre, nos gestes sont vifs ; sous l’eau, tout est plus lent, plus ample. On passe des heures à leur faire étudier des documentaires animaliers pour qu’ils intègrent la gestuelle des grands prédateurs marins. L’effort physique est colossal, ça demande une ceinture abdominale en béton.
Petit conseil qui marche à tous les coups : on leur dit souvent « imagine que tu te déplaces dans du miel ». Ça peut paraître idiot, mais cette image mentale change radicalement la qualité du mouvement. C’est notre rôle de trouver ces astuces pour les mettre en confiance.

D’ailleurs, petit secret de tournage : pour aider un acteur à se battre contre un monstre qui n’existe pas encore, on utilise souvent une simple balle de tennis au bout d’une perche. C’est elle qui représente les yeux de la créature. Ça donne une direction au regard, c’est tout bête mais ça change tout pour la crédibilité de la scène !
Quand il faut vraiment se mouiller : le « Wet-for-Wet »
Même avec la meilleure technologie du monde, il y a des moments où on ne peut pas tricher. Pour ça, on utilise des bassins de tournage professionnels. Oubliez la piscine municipale, on parle de monstres de plusieurs millions de litres, avec des fonds et des parois noirs pour contrôler la lumière.
L’eau est d’ailleurs chauffée en permanence, autour de 28-30°C. Ce n’est pas pour le confort, c’est une question de sécurité vitale. Le corps se refroidit 25 fois plus vite dans l’eau que dans l’air. Même dans une eau qui paraît chaude, l’hypothermie peut s’installer rapidement.

La sécurité, notre obsession numéro 1
Travailler dans l’eau est l’une des choses les plus risquées de notre métier. La règle d’or est simple : pour chaque acteur dans l’eau, il y a AU MOINS un plongeur de sécurité dédié. Sa seule mission est de fixer son acteur, juste hors du champ de la caméra, avec un détendeur d’air prêt à être donné en moins de deux secondes.
Je me souviens d’une fois où la cape d’un cascadeur s’est malencontreusement emmêlée dans une partie du décor. Grosse frayeur sur le plateau. Mais son plongeur de sécurité, qui n’était qu’à un mètre, a sorti son couteau tactique et l’a libéré en une poignée de secondes. C’est pour ce genre d’imprévu, rare mais possible, qu’on s’entraîne sans relâche.
Et si on essayait à la maison ? Simuler un effet sous-marin avec 100€
Bon, vous n’avez sans doute pas un bras robotisé dans votre garage, mais vous rêvez de donner un petit look aquatique à vos vidéos ? C’est possible avec un peu d’astuce. Voici votre liste de courses pour un effet « dry-for-wet » maison :
- Une petite machine à fumée : C’est la base. On en trouve de très correctes en ligne pour 50 à 100€. Elle va créer ce léger brouillard qui donne une impression de profondeur et de turbidité.
- Un projecteur puissant et un plat en verre : Pour créer les fameux « caustiques » (les reflets de lumière mouvants), remplissez le plat en verre d’eau, placez-le devant votre projecteur et faites-le bouger doucement. Projetez ces reflets sur votre sujet. Effet garanti !
- Filmez au ralenti (slow motion) : La plupart des smartphones le font très bien. En filmant à 60 ou 120 images par seconde, vous pourrez ralentir l’action en post-production pour simuler la résistance de l’eau.
Et voilà ! Avec un peu de créativité, vous avez les bases pour bluffer vos amis.
Ça vous fait rêver ? Comment devenir technicien des effets spéciaux
C’est un métier de passionnés qui fait rêver, mais qui peut sembler inaccessible. Il n’y a pas de voie royale. Souvent, ça commence par des formations techniques (un BTS audiovisuel, des études en mécanique ou en électronique…), mais le plus important, c’est d’être un touche-à-tout curieux et débrouillard. Il faut aimer la mécanique, la soudure, l’informatique…
Le meilleur moyen de commencer est de se faire embaucher comme assistant sur des tournages. Montrez que vous êtes fiable, bosseur, et surtout, obsédé par la sécurité. Les certifications (plongée, secourisme, travail en hauteur…) sont de vrais plus. C’est un milieu où la réputation et le réseau se construisent sur la confiance.
Au-delà du spectacle
En fin de compte, la réussite d’un monde imaginaire repose sur une montagne de détails techniques et de savoir-faire humains. Derrière chaque image grandiose, il y a un technicien qui ajuste une lumière, un cascadeur qui répète un mouvement pour la centième fois, et un opérateur qui pilote un robot avec la précision d’un chirurgien.
Ce n’est pas de la magie. C’est de l’artisanat de pointe. Et quand je vois l’émerveillement dans les yeux du public, je ressens une immense fierté. Pas parce qu’un film a fait des millions d’entrées, mais parce que notre travail a fonctionné. On a réussi à rendre l’impossible réel, le temps d’un instant.