Vol de générateurs à Nantes : « On nous a volé la lumière »

Auteur Nicolas Kayser-Bril
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À la périphérie de Nantes, alors que l’humidité de l’automne commence à s’installer, une communauté de gens du voyage est brutalement plongée dans le noir et le froid. Le vol de leurs groupes électrogènes n’est pas qu’un simple fait divers ; c’est un acte qui met à nu une précarité énergétique et une vulnérabilité sociale souvent invisibles. Pour ces familles, la perte de l’électricité est la perte d’un lien vital avec le monde moderne. « Ils nous ont volé la lumière et considéré comme des parias », confie un membre de la communauté, des mots qui résument un sentiment d’abandon bien plus profond que la simple obscurité.

Le campement de la famille Martin, installé sur un terrain en attente d’aménagement, vivait au rythme des générateurs. Ces machines, bruyantes mais essentielles, alimentaient les chauffages d’appoint, les plaques de cuisson, les réfrigérateurs et, surtout, les chargeurs de téléphone. « C’était comme si on nous avait arraché le cœur », explique Jean, le patriarche. « Sans électricité, tout s’arrête. Les devoirs des enfants le soir, c’est fini. Conserver la nourriture, c’est impossible. Et nos téléphones, c’est notre seul moyen de rester en contact, de chercher du travail, d’appeler un médecin. On nous a coupés du monde. »

Le vol s’est produit en pleine nuit, avec une efficacité qui suggère une opération planifiée. Les chaînes épaisses qui sécurisaient les trois générateurs ont été cisaillées avec un matériel professionnel. Les voleurs savaient ce qu’ils cherchaient et ont profité de l’isolement du site. « Ce ne sont pas des amateurs », analyse Jean. « Ils savaient que pour nous, un générateur, ça représente des mois d’économies, parfois plus de 2000 euros. C’est aussi l’outil de travail pour certains d’entre nous qui sont artisans. »

La solidarité face à l’indifférence

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Immédiatement, les conséquences se sont fait sentir. Les routines des enfants, scolarisés dans les écoles voisines, sont les premières perturbées. Sans lumière le soir, impossible de faire ses devoirs correctement. Le froid s’est installé dans les caravanes, menaçant la santé des plus jeunes et des plus âgés. Face à cette épreuve, la communauté n’est pas restée passive. La résilience, une seconde nature pour ceux qui vivent en marge, s’est organisée.

Des rondes nocturnes ont été mises en place par les hommes pour surveiller le campement et prévenir un nouvel incident. Une caisse de solidarité a été créée pour tenter de racheter au moins un générateur en urgence. Mais cette organisation interne met en lumière une question plus vaste : pourquoi ces familles sont-elles si vulnérables ? Le vol expose une défaillance systémique. En France, la loi Besson de 2000 et la loi « Égalité et Citoyenneté » de 2017 imposent aux communes de plus de 5 000 habitants la création d’aires d’accueil décentes, équipées en eau et en électricité. Or, dans les faits, de nombreuses collectivités ne sont pas en conformité ou proposent des aires sous-dimensionnées, mal situées et mal équipées. Cette situation contraint de nombreuses familles à s’installer sur des terrains non prévus à cet effet, sans accès aux réseaux publics, les rendant dépendantes de systèmes D comme les générateurs.

Un problème qui dépasse le fait divers

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Cet incident n’est donc pas un simple vol, mais le symptôme d’une fracture sociale. « On se sent déjà souvent marginalisés », poursuit un autre membre de la famille. « Mais là, c’est la preuve qu’on peut nous priver de l’essentiel en toute impunité. Qui va chercher sérieusement les coupables ? On a l’impression que notre sort n’intéresse personne. » Ce sentiment d’être des citoyens de seconde zone est un poids constant, exacerbé par de tels événements.

Le vol met en évidence les dynamiques de pouvoir en jeu. Les auteurs de l’acte ont probablement agi en sachant que la communauté, par méfiance historique envers les institutions, hésiterait à se tourner massivement vers les forces de l’ordre. Cette précarité n’est pas seulement économique, elle est aussi juridique et sociale. Des associations comme la FNASAT (Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et les Gens du voyage) alertent depuis des décennies sur le fait que l’absence d’infrastructures adaptées ne fait qu’aggraver l’isolement et la pauvreté.

L’affaire a cependant commencé à susciter une solidarité extérieure. Des habitants des communes avoisinantes, émus par la situation, ont proposé des dons, des batteries portables ou l’accès à leurs prises électriques. Un élan qui contraste avec l’acte de malveillance initial et qui prouve qu’une cohabitation apaisée est possible. Reste à savoir si cet événement, aussi douloureux soit-il, poussera les autorités locales à accélérer la mise en place de solutions d’accueil pérennes et sécurisées. Pour l’instant, la famille Martin et ses voisins continuent de veiller la nuit, en attendant de retrouver la lumière.

Nicolas Kayser-Bril

Nicolas Kayser-Bril est un journaliste de données (data journalist) reconnu pour son expertise dans l'analyse de chiffres et la visualisation de données. Il a co-fondé l'agence de journalisme de données Journalism++ et est l'auteur d'ouvrages sur le sujet. Il enquête sur des sujets variés (économie, société, technologie) en se basant sur des faits quantitatifs.