La source du plus puissant signal radio spatial enfin trouvée

Auteur Rozenn Allard
la source du plus puissant signal radio spatial enfin trouvye

C’est un murmure cosmique d’une violence inouïe, une déflagration d’énergie qui a traversé l’univers pour nous parvenir. En mars 2025, des radiotélescopes ont capté un signal qui, bien que n’ayant duré que quelques millisecondes, a libéré l’équivalent de quatre jours d’énergie de notre propre Soleil. Aujourd’hui, une équipe de chercheurs de la Northwestern University, aux États-Unis, a réussi l’impensable : localiser avec une précision sans précédent l’origine de ce sursaut radio rapide (FRB), le plus brillant jamais enregistré.

Ces FRB sont l’un des plus grands mystères de l’astronomie moderne. Imaginez un phare d’une puissance inimaginable, perdu dans la nuit cosmique, qui ne s’allumerait que le temps d’un battement de cils. C’est la difficulté à laquelle les scientifiques sont confrontés. Ces sursauts sont si brefs et imprévisibles qu’en déceler un est déjà un exploit. Remonter à sa source relève de la gageure. Pourtant, grâce à une méthode d’analyse novatrice, le voile se lève enfin.

La source de ce signal cataclysmique a été identifiée dans le bras d’une galaxie spirale, un lointain système stellaire situé à 130 millions d’années-lumière, en direction de la constellation de la Grande Ourse. Pour la première fois, nous ne savons pas seulement qu’un événement colossal a eu lieu, mais nous pouvons pointer du doigt l’endroit précis sur la carte du ciel. C’est une avancée fondamentale qui ouvre un nouveau chapitre dans la compréhension de l’univers extrême.

La traque des fantômes cosmiques

La chasse aux FRB ne date pas d’hier. Le premier a été découvert presque par hasard en 2007 dans des données d’archives. Depuis, des centaines ont été détectés, mais la plupart restaient des signaux anonymes, des flashs sans adresse. Le problème est double : leur brièveté et la vastitude du ciel. La plupart des radiotélescopes ont un champ de vision très étroit, comme regarder le ciel à travers une paille. Les chances d’être au bon endroit, au bon moment, sont infimes.

La percée technologique est venue du Canada, avec le télescope CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment). Dépourvu de parties mobiles, il ressemble plus à une série de rampes de skateboard qu’à une antenne parabolique classique. Sa conception révolutionnaire lui permet de surveiller une portion immense du ciel simultanément, augmentant drastiquement les chances de surprendre un FRB en flagrant délit. Mais CHIME, s’il est un excellent détecteur, est un piètre géographe. Il peut dire « j’ai vu quelque chose », mais pas précisément « d’où ça vient ».

C’est là qu’intervient le réseau de stations plus petites, les « Outriggers ». En combinant les données de CHIME avec celles de ces antennes distantes, les astronomes utilisent une technique appelée interférométrie. En mesurant le décalage infime dans l’arrivée du signal entre les différents télescopes, ils peuvent trianguler la position avec une précision redoutable. C’est cette synergie qui a permis de localiser la galaxie-hôte de ce FRB record.

Qui allume ces phares cosmiques ?

la source du plus puissant signal radio spatial enfin trouvye 2

Identifier le lieu ne résout pas entièrement le mystère : quelle sorte d’objet ou d’événement peut produire une telle débauche d’énergie ? L’hypothèse de la fusion d’étoiles, mentionnée par les chercheurs, est sur la table. Deux étoiles à neutrons, des cadavres d’étoiles incroyablement denses, qui spiralent l’une vers l’autre avant de fusionner dans une explosion cataclysmique, pourraient être une source plausible.

Cependant, la piste la plus sérieusement envisagée par la communauté scientifique est celle des magnétars. Ce sont des étoiles à neutrons jeunes et dotées de champs magnétiques des milliers de milliards de fois plus puissants que celui de la Terre. Ces champs magnétiques sont si intenses qu’ils peuvent se « rompre », provoquant des « tremblements d’étoile » qui libèrent des quantités phénoménales d’énergie sous forme de sursauts radio. Un magnétar a d’ailleurs déjà été identifié comme la source d’un FRB moins puissant au sein de notre propre galaxie, la Voie Lactée, apportant un poids considérable à cette théorie.

Cette nouvelle localisation précise va permettre d’étudier l’environnement direct de la source. Est-il dans une région de formation d’étoiles, ce qui plaiderait pour un magnétar jeune ? Ou dans une zone plus ancienne, ce qui pourrait indiquer une fusion d’objets plus vieux ? Chaque localisation est une pièce du puzzle.

Sonder le vide intergalactique

la source du plus puissant signal radio spatial enfin trouvye 3

Au-delà de la nature de leur source, les FRB sont en passe de devenir un outil cosmologique révolutionnaire, un sujet sur lequel les équipes européennes, notamment via des instruments comme le radiotélescope de Nançay en France ou le réseau LOFAR, travaillent activement. En voyageant pendant des millions, voire des milliards d’années, le signal d’un FRB est subtilement altéré par la matière qu’il traverse, même le vide intergalactique qui n’est pas tout à fait vide.

Les particules présentes entre les galaxies ralentissent très légèrement les basses fréquences du signal par rapport aux hautes fréquences. En mesurant ce minuscule retard à l’arrivée, les astronomes peuvent « peser » la quantité de matière traversée par le signal. Pour la première fois, nous avons un moyen de cartographier la matière « normale » (dite baryonique) qui se cache dans le réseau cosmique, cette immense toile de filaments de gaz qui relie les galaxies et qui restait largement invisible jusqu’à présent. Chaque FRB localisé devient une sonde, une ligne de visée à travers l’univers.

La découverte de l’équipe de Northwestern n’est donc pas seulement la solution à une énigme. C’est la validation d’une méthode et l’ouverture d’une nouvelle fenêtre sur l’univers. La capacité à localiser systématiquement ces événements va transformer l’astronomie des FRB d’une simple collection de curiosités à une véritable cartographie de la structure à grande échelle de l’univers.

Rozenn Allard

Rozenn Allard est une journaliste indépendante spécialisée dans l'enquête sur les mouvements d'extrême droite et les questions de société. Elle a notamment collaboré avec le média d'investigation Mediapart. Son travail se caractérise par une approche de terrain rigoureuse et une analyse en profondeur des idéologies contemporaines.