J’ai une relation amour-haine avec le bordeaux. En plus de vingt ans sur les chantiers, je l’ai vu faire des miracles, sublimer des intérieurs… mais aussi provoquer de sacrés maux de tête. C’est une couleur incroyable, pleine de caractère, mais qui ne pardonne aucune erreur. Un mur bordeaux réussi, c’est la promesse d’une pièce chaleureuse et terriblement élégante. Mais un mur raté, lui, va pomper toute la lumière et faire ressortir la moindre petite imperfection.
Alors, soyons clairs : je ne vais pas vous vendre du rêve. Appliquer une couleur aussi intense demande de la méthode et une bonne dose de patience. Ce n’est pas juste une question de feeling, c’est avant tout une affaire de technique. Au fil des années, j’ai appris à la dompter, que ce soit dans des appartements classiques parisiens ou des mas plus rustiques. Je vais vous partager ici ce que j’enseigne à mes apprentis. Pas de blabla, juste des conseils de terrain pour que vous obteniez un résultat dont vous serez fier.
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Avant d’ouvrir le pot : comprendre ce bordeaux
Stop ! Avant même de penser au pinceau, il faut comprendre ce qu’on a entre les mains. Le bordeaux, ce n’est pas juste un rouge foncé. C’est un mélange complexe de pigments rouges, avec une pointe de bleu ou de noir pour lui donner cette profondeur si particulière. Et c’est là que la qualité joue un rôle crucial.
Franchement, une peinture bon marché (autour de 15-20€ le pot de 2.5L en grande surface de bricolage) utilisera des pigments qui peuvent virer au violet ou paraître un peu plats sous certaines lumières. Les peintures de gammes professionnelles, qu’on trouve chez les distributeurs spécialisés ou certaines marques haut de gamme en ligne, coûtent plus cher, c’est un fait. On est plutôt sur du 50€ à 80€ le pot. Mais le rendu est sans commune mesure : la couleur est plus riche, plus profonde et surtout, elle ne bougera pas dans le temps.
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Le piège n°1 : la lumière
Le plus grand ennemi du bordeaux, c’est la lumière. Sa perception change radicalement en fonction de l’éclairage, c’est un phénomène bien connu des experts. La couleur qui vous a fait craquer en magasin peut être une vraie déception une fois sur votre mur.
Mon conseil le plus important est simple : achetez un petit pot testeur (environ 5-8€). Peignez un grand carré, au moins 50×50 cm, sur un bout de carton ou une plaque de plâtre. Et puis, baladez-le. Observez-le le matin, avec la lumière froide du nord. Regardez-le l’après-midi, sous le soleil plus chaud. Le soir, allumez vos lumières. Une ampoule LED « blanc chaud » (dans les 2700K) rendra le bordeaux plus chaleureux, tirant sur le brun. Une lumière plus froide (au-delà de 4000K) fera ressortir ses sous-tons violets. Ça vous évitera de grosses déconvenues !
Mat, velours, satiné : le choix qui change tout
La finition, c’est l’autre point essentiel. Pour une couleur foncée, son impact est décuplé. Chaque option a ses avantages et ses inconvénients, et il n’y a pas de bon ou de mauvais choix, juste un choix adapté à votre pièce et votre mode de vie.
Pour y voir plus clair, voici un petit résumé :
La finition mate : C’est la plus élégante, sans hésiter. Elle absorbe la lumière et donne une profondeur incroyable, un aspect poudré très chic. Elle est aussi top pour gommer les mini-défauts du mur. Son gros point faible ? Sa fragilité. Elle marque au moindre frottement et n’aime pas être lavée. À réserver pour les pièces calmes comme une chambre d’adulte ou un bureau. C’est un choix purement esthétique.
La finition velours : C’est mon compromis préféré. On l’appelle aussi « satin mat ». Elle a cette belle profondeur, très proche du mat, mais avec une bien meilleure résistance. On peut la nettoyer avec une éponge humide sans créer d’auréole brillante. C’est parfait pour un salon ou une salle à manger. Attention, elle demande un mur vraiment bien préparé, car une lumière rasante peut trahir les défauts.
La finition satinée : C’est la championne de la résistance. Lessivable, elle supporte les frottements et les taches. Idéale pour les couloirs, les cuisines ou les chambres d’enfants. L’inconvénient, c’est son léger reflet qui, sur une couleur aussi sombre, va impitoyablement souligner chaque bosse et chaque creux. Si votre mur n’est pas lisse comme une peau de bébé, oubliez le satiné.
(Quant à la finition brillante, n’y pensez même pas sur un mur entier, sauf si vous visez un effet laqué très spécifique qui demande un savoir-faire de carrossier !)
La prépa : 80 % du boulot est là
Mes apprentis en ont marre de m’entendre le dire, mais c’est la vérité : la qualité d’un mur peint, c’est 80 % de préparation et 20 % d’application. Pour une couleur aussi exigeante que le bordeaux, c’est encore plus vrai. Un fond mal préparé, et c’est la catastrophe garantie.
Diagnostiquer et préparer le mur
Avant toute chose, touchez votre mur. Passez la main dessus. S’il laisse une poudre blanche sur vos doigts, c’est que l’ancienne peinture farine. Il faudra la fixer ou la poncer. Repérez les fissures, les trous, les anciennes réparations mal poncées. Le bordeaux, tel un projecteur, mettra tout ça en lumière.
Point sécurité important : dans les logements anciens, les peintures d’époque peuvent contenir du plomb. C’est très toxique. En cas de doute, ne poncez jamais à sec et renseignez-vous sur les diagnostics nécessaires avant de commencer des travaux.
Une fois le diagnostic fait, voici les étapes à suivre, sans exception :
Protéger : Bâchez le sol, les meubles. Utilisez un bon ruban de masquage (prévoyez 5-10€ pour un rouleau de qualité, ça vous évitera des bavures).
Lessiver : Même un mur qui semble propre est gras. Un lavage à la lessive type St Marc, suivi d’un bon rinçage à l’eau claire, est obligatoire pour que la peinture accroche. Laissez sécher complètement !
Réparer : Rebouchez les trous et fissures avec un enduit de rebouchage. Si le mur est vraiment abîmé, un enduit de lissage sur toute la surface sera nécessaire.
Poncer : Une fois l’enduit sec, on ponce. D’abord au grain moyen (120), puis au grain fin (180) pour une surface parfaitement lisse. On dépoussière bien après.
La sous-couche : C’est l’étape que tout le monde veut sauter, et c’est la pire erreur. Pour le bordeaux, elle est vitale.
L’ASTUCE DE PRO QUI VA VOUS FAIRE GAGNER DU TEMPS (ET DE L’ARGENT !) Ne mettez pas une sous-couche blanche ! Demandez à faire teinter votre sous-couche en gris moyen. Pourquoi ? Un bordeaux sur un fond blanc demande trois, voire quatre couches pour être bien opaque et profond. Sur un fond gris, la couleur couvrira beaucoup plus vite. Deux couches de finition suffiront la plupart du temps. C’est une économie de peinture (qui est chère !) et de temps de séchage.
La technique d’application : le coup de main du peintre
Votre mur est prêt, votre peinture de qualité est là. C’est le moment ! Le secret, c’est de travailler de manière régulière et assez rapide, pour ne jamais laisser la peinture sécher en cours de route.
Votre liste de courses pour un mur parfait :
Une brosse à réchampir (8-15€) : C’est ce pinceau rond et pointu qui permet de faire les angles et les bords avec une précision redoutable. Indispensable.
Un rouleau de qualité (10-12mm de fibres) (5-10€) : Ne prenez pas le premier prix. Un bon manchon ne perd pas ses poils et dépose la peinture uniformément.
Un bac à peinture avec grille (environ 5€) : Pour bien charger le rouleau sans en mettre partout.
Un bon ruban de masquage (5-10€) : La clé pour des lignes nettes.
Des bâches de protection (10-15€).
Comment peindre comme un pro
Commencez toujours par « réchampir », c’est-à-dire peindre les angles, le long du plafond, des plinthes et autour des prises sur environ 5 cm de large. Faites-le zone par zone, pour que les bords restent humides.
Ensuite, attaquez le reste du mur au rouleau avec la méthode des passes croisées :
Chargez : Appliquez la peinture verticalement sur environ 1m².
Croisez : Sans recharger le rouleau, passez-le à l’horizontale pour bien étaler.
Lissez : Terminez par de légers passages verticaux, de haut en bas, pour unifier le tout.
Passez à la zone suivante en chevauchant un peu la précédente. Le but est de toujours travailler « humide sur humide » pour éviter les marques de reprise. Sur un grand mur, l’idéal est d’être à deux : un qui réchampit et l’autre qui suit au rouleau.
Petite astuce pour la quantité : En général, 1 litre de peinture couvre environ 10 à 12 m² pour une couche. Mesurez votre mur (hauteur x largeur) pour estimer vos besoins. N’oubliez pas qu’il vous faudra deux couches de finition !
Comment marier le bordeaux ?
Un mur bordeaux ne vit jamais seul. Pour le mettre en valeur, les neutres sont vos meilleurs amis : un beige lin, un gris chaud, ou un blanc cassé pour les plafonds et boiseries adouciront l’ensemble. Pour un style plus audacieux, un vert sapin ou un rose poudré créent des harmonies magnifiques et très actuelles.
Cette couleur s’adapte à tous les styles : majestueuse avec des moulures dans un appartement haussmannien, plus terrienne et rustique dans un mas provençal, ou incroyablement chaleureuse face à un mur de briques dans un loft.
Les erreurs à ne surtout pas faire (et quand appeler à l’aide)
Au fil des ans, on m’a souvent appelé pour rattraper des projets qui ont mal tourné. Voici le top 3 des erreurs :
Zapper la sous-couche (ou la sous-couche teintée). La sanction est immédiate : couleur non uniforme, et obligation de passer 3 ou 4 couches.
Utiliser du mauvais ruban de masquage. Il bave ou arrache la peinture en l’enlevant. Pensez à le retirer délicatement quand la peinture est encore un peu humide, pas complètement sèche.
Faire une retouche sur un mur sec. Si vous voyez un défaut, ne le touchez surtout pas ! Vous allez créer une auréole. La seule solution est de poncer très légèrement tout le pan de mur et de le repeindre en entier.
Franchement, même avec de l’expérience, on peut se faire avoir. Au début de ma carrière, j’ai voulu aller trop vite. J’ai mal rincé un mur après l’avoir lessivé… Résultat : la peinture a cloqué par endroits. J’ai perdu une journée à tout poncer et tout recommencer. Croyez-moi, ça apprend la patience !
Alors, soyez honnête avec vous-même. Peindre un mur en bordeaux, ça prend du temps. Pour une pièce de taille moyenne, comptez un bon week-end : le samedi pour toute la préparation (protection, lessivage, réparations, séchage, sous-couche) et le dimanche pour les deux couches de finition. Si vous n’avez ni le temps, ni la patience, ou si vos murs sont en mauvais état, faire appel à un pro n’est pas une dépense, c’est un investissement. Comptez en moyenne entre 30€ et 50€ du m², fournitures et main d’œuvre comprises. C’est le prix de la tranquillité et d’un résultat impeccable.
Le bordeaux est un allié déco formidable. Il demande du respect et de la méthode, mais le jeu en vaut largement la chandelle. Alors, lancez-vous !
Galerie d’inspiration
Le saviez-vous ? Le bordeaux était historiquement une couleur de luxe, car les pigments pourpres et rouges profonds comptaient parmi les plus coûteux et difficiles à produire, souvent réservés à l’aristocratie et au clergé.
Cette perception de prestige et de richesse perdure aujourd’hui. Utiliser un bordeaux profond comme le
Comment le bordeaux se transforme-t-il au fil de la journée ?
Le jour, sous une lumière naturelle et vive, il révèle ses sous-tons rouges et énergiques, apportant de la chaleur sans être agressif. Le soir, sous un éclairage artificiel chaud (autour de 2700K), il devient plus sombre, presque chocolat, créant une atmosphère feutrée, intime et enveloppante. Idéal pour un salon ou une bibliothèque.
L’association du bordeaux au velours est un classique, mais pour un effet plus contemporain, osez le contraste des matières.
Le lin lavé : pour une touche décontractée et bohème, sur des rideaux ou un canapé.
La céramique Zellige : ses irrégularités captent la lumière de manière unique sur une crédence de cuisine.
Le métal brossé : des touches de laiton ou de bronze sur des luminaires ou des poignées réchauffent sa profondeur.
Point crucial : Une couleur aussi saturée que le bordeaux exige une sous-couche. Mais pas n’importe laquelle. Demandez à votre fournisseur de teinter votre primaire d’accroche en gris moyen. Cette base neutre permet de masquer les imperfections du mur et d’obtenir la véritable profondeur du bordeaux en seulement deux couches de finition, au lieu de trois ou quatre. Un gain de temps et d’argent.
Une chaleur immédiate, même dans une pièce orientée au nord.
Un cadre parfait pour mettre en valeur des œuvres d’art ou des objets dorés.
Une impression d’intimité et de confort, presque comme dans un cocon.
Le secret ? L’audace de peindre le plafond dans la même teinte bordeaux que les murs, pour un effet boîte spectaculaire et très haute couture.
Peur de vous lasser ? Intégrez le bordeaux par touches maîtrisées plutôt que sur un mur complet. C’est une excellente stratégie pour les plus prudents ou les petits budgets.
Des coussins en velours sur un canapé gris ou beige.
Le fond d’une bibliothèque ou d’une niche murale.
Un tapis à dominante bordeaux pour ancrer le mobilier.
Un set de chaises de salle à manger dépareillées avec une ou deux assises bordeaux.
La tendance du
La tendance de l’
Finition mate : Idéale pour un effet velouté et profond, elle gomme les petites imperfections du mur. Parfaite pour une chambre ou un salon cosy. Attention, elle est plus fragile et sensible aux traces de doigts.
Finition velours ou satinée : Plus résistante et lessivable, elle est recommandée pour les lieux de passage comme un couloir ou une cuisine. Elle réfléchit légèrement la lumière, rendant la couleur plus vivante.
Notre conseil : le velours est le meilleur compromis entre esthétique et praticité.
Un mur bordeaux, surtout dans une finition mate, peut être délicat à entretenir. Pour une petite tache ou une éraflure, évitez de frotter avec une éponge agressive, ce qui lustrerait la peinture et créerait une auréole. Tamponnez très délicatement avec un chiffon microfibre à peine humide. Pour les retouches, utilisez un mini-rouleau plutôt qu’un pinceau pour éviter les marques de reprise.
« Une pièce peinte dans une couleur sombre et riche ne paraît pas plus petite, elle paraît infinie. » – Dorothy Draper, décoratrice américaine.
Pour une harmonie audacieuse et pointue, mariez le bordeaux à des teintes inattendues. Oubliez les accords trop évidents et testez :
Le Rose Poudré : pour une ambiance douce, féminine et terriblement chic.
Le Vert Sapin : un duo profond et végétal, d’une élégance très british.
L’Ocre ou le Jaune Moutarde : pour un contraste chaud et vibrant, plein de personnalité.
Le bordeaux est-il fait pour toutes les pièces ?
S’il excelle dans les pièces de réception (salon, salle à manger) et les espaces intimes (chambre, bureau), il peut être plus risqué dans une petite entrée sans lumière naturelle. En cuisine, il est magnifique sur des façades de meubles, associé à un plan de travail en marbre ou en quartz clair. Dans la salle de bain, préférez-le sur un carrelage ou un meuble-vasque plutôt que sur un mur entier, en veillant à utiliser une peinture spéciale pièces humides.
Le piège du total look : Évitez de peindre les quatre murs et le plafond en bordeaux dans une pièce de taille standard. Cela peut vite devenir oppressant. Préférez un seul mur d’accent, celui qui reçoit la lumière ou derrière un meuble clé comme le canapé ou la tête de lit, pour donner de la profondeur sans saturer l’espace.
Le bordeaux se marie à merveille avec les essences de bois. Pour un style scandinave revisité, associez-le à du chêne clair ou du frêne. Pour une ambiance plus feutrée et mid-century, le noyer sera son meilleur allié, ses tons chauds et profonds faisant écho à la richesse de la couleur.
Des façades de cuisine laquées chez Reform CPH.
Un canapé en velours comme le modèle
Envie de vous lancer sans repeindre tout un mur ? Redonnez vie à un petit meuble chiné.
Choisissez une console, une table de chevet ou une petite commode. Après un léger ponçage et une sous-couche, appliquez une peinture bordeaux satinée pour un entretien facile. Changez les poignées pour des modèles en laiton doré pour une finition précieuse. C’est un projet rapide qui apporte un maximum d’effet.
Obsession du moment : L’alliance du bordeaux et du terrazzo. Que le terrazzo contienne des éclats de rouge ou qu’il soit neutre, le contraste avec un mur ou un meuble bordeaux est spectaculaire. C’est la rencontre entre une couleur intemporelle et un matériau graphique et ludique, pour un intérieur qui a du caractère et une âme.
Décoratrice Contemporaine & Chasseuse de Tendances Ses spécialités : Design moderne, Éclairage d'ambiance, Mobilier design
Chloé a l'œil pour repérer les tendances avant qu'elles n'arrivent dans les magazines. Après plusieurs années dans le merchandising visuel pour de grandes enseignes, elle s'est lancée dans le conseil déco. Son appartement lyonnais est un véritable showroom où elle teste toutes ses idées avant de les partager. Fascinée par l'impact de la lumière sur nos émotions, elle collectionne les luminaires vintage qu'elle mélange avec des pièces ultra-modernes. Son secret ? Ne jamais suivre les règles à la lettre.