Emballage de viande : l’erreur que l’on fait tous en triant

Auteur Rozenn Allard
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C’est un geste banal, presque un réflexe à la fin de la préparation d’un repas. La barquette de viande est vide, le film plastique retiré. La main se lève, hésite une seconde entre la poubelle jaune et la poubelle classique. Un doute s’installe : ce plastique, ce polystyrène, ne devrait-il pas être recyclé ? Dans la majorité des cas, la réponse est non. Et l’erreur que nous commettons, pensant bien faire, a des conséquences bien plus importantes qu’on ne l’imagine sur toute la chaîne de recyclage.

La règle, bien que contre-intuitive à l’heure de l’extension des consignes de tri, est formelle : tous les emballages souillés par de la viande, du poisson ou d’autres résidus alimentaires gras vont dans la poubelle des ordures ménagères (le bac noir ou gris). Cela concerne les barquettes en plastique ou en polystyrène, les films de protection, ainsi que le papier paraffiné du boucher. La raison est simple : la contamination.

Le parcours d’un déchet mal trié : une réaction en chaîne

Pour comprendre pourquoi ce geste anodin est si problématique, il faut suivre le parcours de nos déchets. Une fois collectés, les emballages du bac jaune arrivent dans un centre de tri. Là, des machines sophistiquées (tri optique, aimants, courants de Foucault) et des opérateurs humains séparent les différents matériaux : plastiques, métaux, cartons. C’est ici que la barquette de viande souillée devient un grain de sable qui enraye toute la mécanique.

Les résidus organiques comme le sang, la graisse et les jus de viande s’imprègnent dans les matériaux. Lors du processus de recyclage, ces contaminants dégradent la qualité de la matière première secondaire. Un plastique recyclé à partir de déchets souillés sera de moins bonne qualité, plus fragile et impropre à un usage alimentaire. Pour le papier et le carton, les corps gras créent des taches et affaiblissent les fibres, rendant le produit final inutilisable. Une seule barquette mal triée peut ainsi contaminer un lot entier de plusieurs kilogrammes de plastique propre, le rendant à son tour irrécyclable.

Le lot contaminé doit alors être écarté et redirigé vers l’incinération ou l’enfouissement. Le coût est double : non seulement les ressources investies dans la collecte et la tentative de tri sont perdues, mais il faut payer une seconde fois pour le traitement en tant que déchet non valorisable. Une dépense qui se répercute in fine sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) payée par les contribuables.

L’illusion du « tout plastique » et le faux-débat du rinçage

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La confusion est d’autant plus grande que la France a généralisé « l’extension des consignes de tri ». Ce projet, visant à simplifier le geste du citoyen, permet de jeter tous les emballages en plastique dans le bac jaune : pots de yaourt, films, sacs, barquettes… Mais cette simplification a une condition implicite et essentielle : les emballages doivent être vides, et non souillés au point de compromettre le recyclage. Un pot de yaourt raclé suffit, car les résidus sont minimes. La contamination par la viande crue, elle, est d’une tout autre nature, bactériologique et chimique.

Face à ce constat, une question se pose : pourquoi ne pas simplement rincer la barquette ? Si l’intention est louable, la réponse des experts du secteur, comme ceux de l’ADEME (Agence de la transition écologique) ou de Citeo (l’éco-organisme en charge du recyclage des emballages), est unanime : c’est une fausse bonne idée. Laver à grande eau une barquette en plastique consomme de l’eau potable et de l’énergie, annulant, voire dépassant, le bénéfice écologique de son recyclage. Le bilan environnemental global devient alors négatif. Le principe est donc de vider, mais pas de laver.

Une responsabilité partagée entre consommateurs et industriels

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Si le consommateur a un rôle crucial à jouer, il n’est pas le seul maillon de la chaîne. La responsabilité incombe aussi aux industriels de l’agroalimentaire et aux fabricants d’emballages. Le principe de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) les oblige à financer la filière de recyclage via une éco-contribution. Mais leur rôle va plus loin : celui de l’éco-conception.

Des recherches sont en cours pour développer des emballages plus vertueux. Certaines grandes surfaces testent des barquettes dont le film plastique se sépare plus facilement, ou des emballages mono-matériau plus aisément recyclables. Le retour du papier de boucher est une alternative, mais là encore, s’il est fortement imbibé de sang et de gras, sa destination reste la poubelle des ordures ménagères, ou le compost s’il est certifié comme tel.

En attendant ces innovations, le pouvoir du citoyen réside dans ce simple choix, répété des millions de fois chaque jour dans les foyers français. Accepter qu’un emballage, même en plastique, n’est pas toujours recyclable est une étape essentielle pour rendre le système de tri plus efficace et économiquement viable. Ce geste de renoncement – mettre la barquette dans la poubelle noire – est en réalité le véritable geste écologique.

Rozenn Allard

Rozenn Allard est une journaliste indépendante spécialisée dans l'enquête sur les mouvements d'extrême droite et les questions de société. Elle a notamment collaboré avec le média d'investigation Mediapart. Son travail se caractérise par une approche de terrain rigoureuse et une analyse en profondeur des idéologies contemporaines.