Retraités: ce piège fiscal qui coûte des milliers au remariage

Auteur Rozenn Allard
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En Allemagne, une nouvelle vie amoureuse sur le tard peut se transformer en un véritable casse-tête fiscal. Pour de nombreux retraités, le remariage, loin d’être un simple bonheur retrouvé, déclenche une mécanique administrative complexe et souvent coûteuse. Une situation qui s’intensifie avec les nouvelles réglementations pour 2024-2025, mettant en lumière les rouages d’un système qui ne fait pas de place au romantisme.

Le cœur du problème réside dans un mécanisme peu connu des non-initiés. Lorsqu’un retraité veuf ou veuve se remarie, il perd son droit à la pension de veuvage (Witwenrente). En compensation, l’État verse une indemnité unique, équivalente à 24 fois le montant de la dernière pension mensuelle perçue. Si cette somme peut sembler être une aubaine, elle est en réalité un cadeau empoisonné. Perçue en une seule fois, elle est considérée comme un revenu exceptionnel et est intégralement imposée sur l’année de sa perception. Pour beaucoup, cela signifie un bond spectaculaire dans une tranche d’imposition bien plus élevée, déclenchant des rappels d’impôts pouvant atteindre, et parfois dépasser, les 10 000 euros.

Un système fiscal de plus en plus contraignant

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Ce phénomène est aggravé par une tendance de fond du système de retraite allemand : la part imposable des pensions augmente inexorablement. À partir de 2025, 83,5 % de la pension brute sera soumise à l’impôt, ne laissant qu’un abattement de 16,5 %. Chaque année, ce seuil grimpe, rognant un peu plus le revenu net des retraités. Pour un couple qui se reforme, cette nouvelle base de calcul, combinée à l’indemnité de fin de droit, crée une situation fiscale explosive.

L’autre complexité typiquement allemande est le système des classes d’imposition (Steuerklassen). Par défaut, les couples mariés sont placés en classe 4, qui suppose des revenus similaires. Or, ce n’est que rarement le cas chez les retraités. Si l’un des conjoints dispose d’une pension nettement supérieure à l’autre, la combinaison des classes 3 et 5 est souvent plus avantageuse. Mais ce choix, qui doit être fait activement par le couple, est souvent négligé par méconnaissance, laissant s’échapper de précieuses économies ou, pire, menant à des régularisations douloureuses.

Cette situation allemande, bien que spécifique dans ses mécanismes, résonne avec des problématiques européennes plus larges. En France, la pension de réversion est également soumise à des conditions de ressources et peut être affectée par un remariage ou un PACS. Si le système des classes d’imposition n’existe pas, le principe demeure : une union tardive redéfinit entièrement le paysage fiscal du foyer. Le cas allemand sert d’avertissement : les systèmes de protection sociale, conçus pour un modèle familial d’après-guerre, sont souvent mal adaptés aux nouvelles réalités démographiques, comme l’allongement de l’espérance de vie et la recomposition familiale chez les seniors.

Planifier pour ne pas subir

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Le calendrier de l’union devient alors un paramètre stratégique. Se marier en fin d’année plutôt qu’en début peut, par exemple, décaler l’impact fiscal de l’indemnité compensatoire et permettre une meilleure anticipation. Si l’abattement fiscal de base pour les couples mariés est le double de celui d’une personne seule (24 192 euros contre 12 096 euros en 2025), cette mutualisation des revenus n’est pas toujours un avantage et peut masquer des effets de seuil importants lors de la déclaration commune.

Un autre élément, souvent oublié, complique encore l’équation : le partage des droits à la retraite (Versorgungsausgleich) issu d’un précédent divorce. Cette décote, calculée pour compenser l’ex-conjoint, reste en vigueur même après un remariage. La pension de base sur laquelle le nouveau calcul fiscal s’appuie est donc déjà réduite, rendant chaque euro d’impôt supplémentaire d’autant plus difficile à supporter.

Face à cette complexité, l’anticipation est la seule stratégie viable. Il est crucial d’effectuer des simulations fiscales avant de prendre toute décision. Des outils en ligne peuvent donner une première indication, mais le recours à un conseiller fiscal s’avère souvent indispensable pour naviguer entre les différentes options : déclaration commune ou séparée, choix des classes d’imposition, optimisation des abattements pour frais professionnels (102 euros) et dépenses spéciales (36 euros), qui doublent également en cas de déclaration commune.

En définitive, cette situation révèle une tension croissante entre les aspirations personnelles et la rigidité des cadres administratifs. Pour les seniors, reconstruire sa vie ne devrait pas impliquer de devoir déchiffrer un code fiscal archaïque. L’amour n’a peut-être pas d’âge, mais l’administration fiscale, elle, ne fait pas de sentiment. Et sans une planification rigoureuse, la facture du bonheur retrouvé peut s’avérer bien plus élevée que prévu.

Rozenn Allard

Rozenn Allard est une journaliste indépendante spécialisée dans l'enquête sur les mouvements d'extrême droite et les questions de société. Elle a notamment collaboré avec le média d'investigation Mediapart. Son travail se caractérise par une approche de terrain rigoureuse et une analyse en profondeur des idéologies contemporaines.