L’océan cache 20 millions de tonnes d’or, selon la NASA

Depuis des millénaires, l’or fascine l’humanité. Symbole de richesse, de pouvoir et de stabilité, il a motivé des empires et déclenché des guerres. Mais la quantité totale d’or extraite par l’homme au cours de son histoire, environ 200 000 tonnes, semble dérisoire face à une révélation vertigineuse : nos océans abriteraient une réserve de 20 millions de tonnes d’or. Une information souvent associée à la NASA, qui met en lumière l’immensité des richesses cachées sous la surface.
Cette quantité colossale, 100 fois supérieure à tout ce que nous avons jamais possédé, a de quoi enflammer les imaginations. Pourtant, avant de rêver à une nouvelle ruée vers l’or, il faut se confronter à la réalité scientifique. Cet or n’existe pas sous forme de pépites ou de filons attendant d’être collectés. Il est chimiquement dissous dans les 1,35 milliard de kilomètres cubes d’eau salée de la planète. La concentration est infinitésimale : environ 13 milliardièmes de gramme par litre d’eau. Extraire ne serait-ce qu’un gramme nécessiterait de filtrer et de traiter des volumes d’eau équivalents à des milliers de piscines olympiques, un processus dont le coût énergétique et financier dépasserait de très loin la valeur du métal récupéré. Pour l’heure, ce trésor liquide reste donc un fantasme de chimiste, un simple fait scientifique sans application pratique.
La véritable course aux trésors des abysses
Cependant, si l’or dissous demeure inaccessible, une autre course aux trésors, bien plus concrète et controversée, se prépare dans les profondeurs. Les fonds marins, au-delà de 200 mètres de profondeur, recèlent d’immenses gisements de minéraux solides, non pas d’or pur, mais de métaux bien plus stratégiques pour notre époque : le cobalt, le nickel, le cuivre et le manganèse. Ces ressources se présentent principalement sous trois formes : les nodules polymétalliques, des concrétions rocheuses jonchant les plaines abyssales ; les encroûtements cobaltifères sur les flancs des monts sous-marins ; et les sulfures hydrothermaux près des cheminées volcaniques sous-marines.
Ce n’est plus la joaillerie qui motive cette quête, mais la transition énergétique. Le cobalt et le nickel sont des composants essentiels des batteries de voitures électriques, les terres rares sont indispensables à la fabrication des éoliennes et de l’électronique de pointe. Alors que les gisements terrestres s’épuisent ou sont concentrés dans des zones géopolitiquement instables, les fonds marins apparaissent comme une nouvelle frontière, un eldorado potentiel pour l’industrie du 21e siècle.
Une arène géopolitique sous-marine

Cette perspective a déclenché une intense compétition internationale, largement invisible du grand public. L’arène de cette compétition est l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), un organisme des Nations Unies chargé de réglementer l’exploration et l’exploitation des ressources minérales dans les eaux internationales. Des pays comme la Chine, la Russie, la Corée du Sud, le Japon, mais aussi plusieurs nations européennes, dont la France, ont déjà obtenu des contrats d’exploration couvrant des millions de kilomètres carrés de fonds marins.
La France, grâce à ses territoires d’outre-mer, dispose de la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde, lui conférant des droits souverains sur d’immenses étendues sous-marines potentiellement riches en minéraux. Des instituts de recherche comme l’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) sont à la pointe de l’exploration de ces environnements extrêmes depuis des décennies. La course n’est donc pas seulement économique, elle est aussi stratégique : le contrôle de ces ressources futures est un enjeu de souveraineté et d’indépendance industrielle.
Le prix écologique à payer

Mais cette nouvelle ruée vers l’or n’est pas sans opposants. Les scientifiques et les organisations environnementales tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences potentiellement dévastatrices de l’exploitation minière en haute mer. Les fonds marins ne sont pas le désert que l’on imagine. Ils abritent des écosystèmes uniques, souvent millénaires et extrêmement fragiles, dont nous commençons à peine à comprendre le fonctionnement. Beaucoup d’espèces abyssales, adaptées à l’obscurité totale et à une pression écrasante, ont une croissance très lente et une capacité de reproduction faible.
Les techniques d’extraction envisagées, qui s’apparentent à un raclage des fonds marins par des robots géants, pourraient anéantir des habitats entiers de manière irréversible. Les critiques pointent du doigt plusieurs risques majeurs : la destruction physique des écosystèmes, les panaches de sédiments qui pourraient étouffer la faune sur des centaines de kilomètres carrés, la pollution sonore et lumineuse perturbant des espèces adaptées au silence et à l’obscurité, et la potentielle libération de métaux toxiques dans la colonne d’eau.
Ce débat place l’humanité face à un dilemme complexe. Faut-il sacrifier le dernier sanctuaire sauvage quasi intact de la planète pour alimenter une transition verte qui vise, paradoxalement, à la préserver ? La question reste ouverte, opposant les impératifs économiques et stratégiques à court terme à un principe de précaution écologique à long terme. La première autorisation d’exploitation minière commerciale pourrait être accordée dans les prochaines années, marquant un point de non-retour pour le plus grand et le plus mystérieux des écosystèmes terrestres.