Le retour du blog : pourquoi écrire redevient tendance ?

Auteur Nicolas Kayser-Bril
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Dans le vacarme incessant des réseaux sociaux, où les vidéos de quelques secondes et les messages éphémères règnent en maîtres, un mouvement silencieux mais puissant prend de l’ampleur : le retour du blog. Après des années de domination par des plateformes exigeant concision et immédiateté, de plus en plus de personnes redécouvrent les vertus d’une forme d’expression plus personnelle, plus lente et plus profonde. Un retour aux sources numériques, en quelque sorte.

Contrairement aux flux de TikTok ou d’Instagram qui nous submergent d’un courant ininterrompu d’images et de notifications, le blog offre un espace de respiration. C’est un lieu pour la réflexion, pour le développement d’une pensée nuancée, loin de la tyrannie des « likes » et de la course à l’attention. Il n’est plus question de se plier aux caprices d’un algorithme opaque, mais de reprendre le contrôle de son propre récit. Cette renaissance n’est pas une simple vague de nostalgie ; elle est le symptôme d’une fatigue numérique généralisée et d’une quête renouvelée d’authenticité.

La fin d’un cycle et l’épuisement du modèle social

Pour comprendre ce retour, il faut se souvenir de la première ère dorée du blogging, au début des années 2000. En France, des plateformes comme Skyblog ont été un véritable phénomène culturel, initiant toute une génération à la publication en ligne, à la construction d’une identité numérique et à la création de communautés. C’était un web plus artisanal, décentralisé, où chaque blog était un univers en soi. Puis Facebook, Twitter et enfin Instagram sont arrivés, centralisant l’attention et promettant une audience instantanée en échange de nos contenus et de nos données. Le blog, jugé trop lent, trop exigeant, a alors été délaissé.

Aujourd’hui, le vent tourne. La promesse d’une connexion permanente s’est transformée en une pression constante. Le terme de « créateur de contenu » a remplacé celui d’auteur, impliquant une obligation de production effrénée pour rester visible. Beaucoup ressentent un épuisement face à ce modèle. Le blog apparaît alors comme un acte de résistance : un moyen de créer un « jardin numérique » personnel, un espace que l’on cultive à son rythme, dont on choisit les règles et l’apparence. C’est la différence fondamentale entre être locataire sur la propriété de Meta et être propriétaire de son propre lopin de terre numérique.

Ce désir de contrôle est également une réponse aux préoccupations croissantes concernant la vie privée. En hébergeant son propre blog, on maîtrise les données collectées, une alternative séduisante à l’heure où le modèle économique des géants de la tech est constamment remis en question, notamment en Europe avec le RGPD.

Une nouvelle forme d’hygiène mentale et économique

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L’article original soulignait à juste titre que bloguer est une forme d’hygiène mentale. Tout comme on tenait autrefois un journal intime sur papier, l’écriture en ligne permet d’organiser ses pensées, de donner du sens à ses expériences et de prendre du recul. Dans un monde post-pandémique où les questions de santé mentale sont devenues centrales, l’écriture s’affirme comme un puissant outil thérapeutique. C’est un dialogue avec soi-même avant d’être une communication vers les autres. Loin de la performance sociale, on peut se permettre d’être vulnérable, de douter, d’explorer des idées inachevées.

Mais ce renouveau a aussi une dimension économique non négligeable. Une nouvelle génération de plateformes comme Substack, Ghost ou Medium a redéfini le modèle. Elles facilitent la monétisation directe du contenu via des abonnements payants (newsletters), permettant aux auteurs de tisser un lien direct et financier avec leur lectorat. Ce modèle, qui privilégie la qualité et la fidélité à la quantité et au buzz, représente une alternative viable à l’économie de l’attention basée sur la publicité. On ne cherche plus à plaire au plus grand nombre, mais à convaincre un noyau de lecteurs engagés que son travail a de la valeur. C’est un basculement majeur : le pouvoir revient progressivement de l’annonceur vers le lecteur, et du diffuseur vers le créateur.

Ce phénomène touche aussi bien des journalistes indépendants cherchant à s’affranchir des rédactions que des experts partageant leur savoir dans une niche, ou simplement des passionnés désirant documenter leur parcours. Le blog redevient un outil d’émancipation professionnelle et intellectuelle.

Comment se lancer, sans la pression du résultat ?

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La beauté de ce mouvement est son accessibilité. Démarrer un blog en 2025 n’a jamais été aussi simple. Des solutions comme WordPress, Wix, ou les plus minimalistes Ghost et Bear Blog, permettent de créer un espace en quelques minutes, sans connaissances techniques. Le plus important reste de suivre quelques principes simples : écrire avec régularité pour créer un rendez-vous, trouver sa propre voix sans chercher à imiter, et surtout, ne pas avoir peur d’être soi-même.

L’obsession de l’audience, héritée des réseaux sociaux, est le principal obstacle à surmonter. Au début, l’important n’est pas le nombre de lecteurs, mais l’acte d’écrire lui-même. C’est en forgeant son style et en explorant les sujets qui nous animent réellement que l’on finit, souvent par surprise, par attirer des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt. Même si un seul texte parvient à inspirer, à informer ou à faire réfléchir une seule personne, l’objectif est atteint. Car ce retour au blog est avant tout une affirmation : dans un monde de bruit, prendre le temps de formuler une pensée claire et personnelle est devenu un acte plus pertinent que jamais.

Nicolas Kayser-Bril

Nicolas Kayser-Bril est un journaliste de données (data journalist) reconnu pour son expertise dans l'analyse de chiffres et la visualisation de données. Il a co-fondé l'agence de journalisme de données Journalism++ et est l'auteur d'ouvrages sur le sujet. Il enquête sur des sujets variés (économie, société, technologie) en se basant sur des faits quantitatifs.