Maya : la légendaire cité de la résistance retrouvée

Auteur Jessica Merchant
maya la lygendaire city de la rysistance retrouvye

C’est une découverte qui résonne comme un écho de résistance à travers les siècles. Au cœur de la jungle dense du Chiapas, au Mexique, des archéologues de l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) ont mis au jour ce qui est considéré comme le dernier bastion de la rébellion maya contre les conquistadors espagnols : la cité mythique de Sak-Balan, la « Terre du Jaguar Blanc ».

Cette trouvaille, fruit de décennies de recherches et de l’alliance entre des technologies de pointe et des chroniques coloniales, n’est pas seulement une nouvelle ruine à cartographier. Elle représente la matérialisation d’un chapitre méconnu de l’histoire américaine, celui d’une souveraineté indigène qui a survécu pendant plus d’un siècle à la plus grande puissance impériale de son temps. L’équipe, dirigée par l’archéologue José Losada Toledo, a localisé le site qui correspond en tous points aux descriptions de cette capitale de la dissidence, cachée dans une des régions les plus inaccessibles du Mexique.

Un siècle de défi au cœur de la jungle

Pour comprendre la portée de cette découverte, il faut remonter à 1586. Alors que l’empire espagnol étend son emprise sur le continent, sa progression se heurte à une résistance farouche. La chute de Lakan Tún, la principale cité des Lacandons, pousse ce peuple maya à une retraite stratégique. Plutôt que de se soumettre, ils s’enfoncent plus profondément dans la selva, cet océan de verdure qui deviendra leur forteresse naturelle.

C’est là qu’ils fondent une nouvelle cité, Sac Bachalan ou Sak-Balan. Pendant 109 ans, cet îlot de culture maya préhispanique va perdurer. Loin d’être un simple campement de réfugiés, il s’agissait d’une véritable société organisée, qui a maintenu ses traditions, sa religion et son autonomie politique, alors même que le monde autour d’elle était en pleine transformation coloniale. C’était un défi direct à l’ordre nouveau, un État dans l’État dont l’existence même était une anomalie pour la couronne espagnole.

La fin de cette indépendance survient en 1695, lorsqu’une expédition menée par le franciscain Pedro de la Concepción parvient à localiser la ville. La conquête militaire qui s’ensuit est rapide. Dans un geste symbolique fort, les Espagnols rebaptisent la cité « Nuestra Señora de Dolores » (Notre-Dame des Douleurs), cherchant à effacer son identité païenne pour la remplacer par un marqueur de la chrétienté triomphante. Pourtant, cette victoire fut de courte durée. Moins de trente ans plus tard, en 1721, le site est totalement abandonné, ses habitants s’étant dispersés ou ayant succombé aux maladies importées. La jungle a alors repris ses droits, et le secret de l’emplacement de Sak-Balan s’est perdu pour près de 300 ans.

La technologie au service de la mémoire

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La redécouverte de Sak-Balan est une illustration fascinante de l’archéologie du XXIe siècle. Les chercheurs ont combiné l’analyse de documents historiques, notamment les écrits détaillés du frère franciscain Diego de Rivas datant de la fin du XVIIe siècle, avec des technologies de pointe. Les descriptions de Rivas, qui évoquaient une ville située sur une plaine près d’un méandre de la rivière Lacantún, ont servi de base.

En croisant ces textes avec des systèmes d’information géographique (SIG) et probablement la technologie LiDAR – un balayage laser aéroporté qui permet de « voir » à travers le couvert végétal –, les archéologues ont pu modéliser le terrain et identifier les zones les plus prometteuses. Le LiDAR, en particulier, a révolutionné l’archéologie en Mésoamérique ces dernières années, révélant des milliers de structures inconnues et changeant notre perception de la densité et de l’organisation des sociétés précolombiennes.

C’est un paradoxe poignant : ce sont les écrits des colonisateurs, décrivant leur cible pour mieux la soumettre, qui ont permis aujourd’hui de rendre hommage à la résistance de ceux qu’ils ont conquis. Les indices, comme le voyage de quatre jours à pied et de deux jours en canoë mentionné dans les chroniques, ont été décisifs pour retrouver les vestiges près des rivières Yatate et Ixan, à la frontière du Guatemala.

Plus qu’une découverte, une réhabilitation historique

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Au-delà de l’exploit archéologique, la localisation de Sak-Balan force à réévaluer le récit dominant de la Conquista. L’histoire, souvent présentée comme une succession de victoires espagnoles rapides et totales, se révèle bien plus complexe. La découverte met en lumière non seulement la durée, mais aussi l’organisation et la résilience de la résistance indigène. Elle donne une voix et un lieu à ceux qui ont refusé la soumission.

Pour les descendants des peuples mayas, et notamment la communauté lacandonne actuelle, cette découverte est d’une importance capitale. Elle valide les récits oraux transmis de génération en génération et offre un point d’ancrage tangible à leur héritage de lutte pour l’autodétermination. C’est la preuve que leurs ancêtres n’ont pas été des victimes passives de l’histoire, mais des acteurs qui ont activement défendu leur monde pendant plus d’un siècle.

Les fouilles qui débutent à Sak-Balan promettent de livrer des secrets précieux. Les archéologues espèrent y trouver des informations sur la vie quotidienne, l’organisation sociale et les pratiques religieuses d’une communauté maya isolée du contact européen prolongé. Comment ont-ils adapté leurs stratégies de survie ? Quelles étaient leurs relations avec les autres groupes mayas non soumis ? Et quelles ont été les circonstances exactes de l’abandon final de la ville ?

Les premières analyses chronologiques sont en cours pour confirmer avec précision les périodes d’occupation. Mais déjà, la découverte du « Pays du Jaguar Blanc » a ouvert un nouveau chapitre, non seulement pour l’étude des Mayas, mais pour la compréhension d’une histoire de la colonisation vue non plus seulement du côté des vainqueurs, mais aussi à travers la persistance tenace des vaincus. Les pierres de Sak-Balan commencent à peine à parler, et leur récit est celui d’un esprit qui a refusé de s’éteindre.

Jessica Merchant

Paysagiste Éco-responsable & Amoureuse des Plantes
Ses passions : Jardins naturels, Plantes locales, Biodiversité
Jessica a grandi dans une ferme bio en Provence, entourée de lavande et d'oliviers. Cette enfance au contact de la nature a façonné sa vision du jardinage. Pour elle, un beau jardin est avant tout un écosystème vivant et équilibré. Après des années à concevoir des espaces verts pour des particuliers, elle partage maintenant ses connaissances avec passion. Son jardin expérimental accueille abeilles, papillons et oiseaux dans une harmonie soigneusement orchestrée. Elle rêve d'un monde où chaque balcon deviendrait un refuge pour la biodiversité.