Cité maya perdue : découverte d’un bastion de la résistance

Auteur Léa Bertrand
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C’est une découverte qui résonne comme un écho à travers les siècles. Au cœur de la jungle du Chiapas, au Mexique, des archéologues de l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) ont mis au jour les ruines de Sak-Balan, la « Terre du Jaguar Blanc ». Plus qu’une simple cité perdue, il s’agissait du dernier sanctuaire du peuple maya Lacandon, un bastion qui a résisté pendant plus d’un siècle à l’avancée de l’Empire espagnol. Cette trouvaille, fruit de décennies de recherches, ne fait pas que combler un vide sur la carte ; elle réécrit un chapitre crucial de la conquête des Amériques.

L’équipe, dirigée par l’archéologue José Losada Toledo, a réussi là où tant d’autres avaient échoué. Leur succès repose sur une alliance fascinante entre le passé et le présent : l’analyse méticuleuse de documents coloniaux et l’utilisation de technologies de pointe comme le Système d’Information Géographique (SIG). En superposant des récits du XVIIe siècle à des cartes topographiques modernes, ils ont pu modéliser les itinéraires de l’époque et isoler une zone de recherche prometteuse, transformant une quête légendaire en une investigation scientifique précise.

Un siècle de défi à la couronne espagnole

Pour comprendre l’importance de Sak-Balan, il faut remonter à 1586. Cette année-là, les conquistadors espagnols s’emparent de Lakan Tún, la capitale maya de la région. Mais pour les Lacandons, cette défaite n’est pas une fin. Refusant la soumission, ils opèrent une retraite stratégique au plus profond de la selva, un environnement hostile pour les Européens mais un allié pour eux. C’est là, dans cet exil volontaire, qu’ils fondent leur nouvelle capitale : Sak-Balan.

Pendant 109 ans, cette cité-refuge a fonctionné comme un État indépendant, une poche de résistance culturelle et politique défiant l’une des plus grandes puissances mondiales de l’époque. Loin d’être une simple cachette, Sak-Balan était le cœur d’une société qui perpétuait ses traditions, sa langue et sa vision du monde, alors même que le continent autour d’elle était en pleine mutation forcée. C’est l’histoire d’une autonomie préservée contre toute attente, un acte de défi prolongé qui nuance fortement le récit d’une colonisation rapide et totale.

Le secret de leur emplacement fut finalement percé en 1695 par une expédition menée par le franciscain Pedro de la Concepción. Peu après, les troupes espagnoles conquirent la ville, la rebaptisant « Nuestra Señora de Dolores ». Mais la victoire fut de courte durée. La ville, vidée de son âme et de sa fonction, fut complètement abandonnée dès 1721, son emplacement exact retournant à l’oubli et au mythe.

Sur la piste d’un moine du XVIIe siècle

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La clé du mystère se trouvait dans les écrits d’un autre franciscain, Diego de Rivas. Ses chroniques, rédigées à la fin du XVIIe siècle, décrivaient Sak-Balan comme étant située sur une plaine près d’un méandre de la rivière Lacantún. Plus précieuses encore étaient ses indications logistiques : il fallait, selon lui, quatre jours de marche pour atteindre la ville depuis le fleuve, puis deux jours de canoë pour rejoindre le confluent des rivières Lacantún et Pasión. Ces détails, longtemps considérés comme anecdotiques, se sont avérés être la feuille de route pour l’équipe de l’INAH.

En analysant les distances de voyage possibles pour un homme du XVIIe siècle, dans un terrain difficile, les chercheurs ont pu délimiter un périmètre de recherche plausible. C’est finalement près des rivières Yatate et Ixan, à la frontière actuelle entre le Mexique et le Guatemala, que les vestiges ont été localisés, correspondant parfaitement aux descriptions historiques.

Chiapas : une terre de résistances, d’hier à aujourd’hui

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La découverte de Sak-Balan prend une dimension particulière dans le contexte du Chiapas. Cette région mexicaine possède une longue et ininterrompue histoire de luttes indigènes pour l’autonomie et la reconnaissance de leurs droits. La résistance des Lacandons au XVIe et XVIIe siècles fait écho à des mouvements plus contemporains, comme le soulèvement zapatiste (EZLN) de 1994, qui a également placé les droits des peuples autochtones au centre de ses revendications.

Cette trouvaille n’est donc pas seulement une affaire d’archéologues. Elle concerne directement les descendants des Mayas qui vivent encore aujourd’hui dans la région. Pour eux, Sak-Balan n’est pas une ruine, mais un symbole puissant de la résilience de leurs ancêtres. La redécouverte de ce lieu de mémoire soulève des questions essentielles sur la propriété du patrimoine et l’importance d’impliquer les communautés locales dans la narration de leur propre histoire.

Les prochaines étapes consisteront en des fouilles plus approfondies et des analyses pour dater précisément les différentes phases d’occupation du site. Les archéologues espèrent en apprendre davantage sur la vie quotidienne, l’organisation sociale et les stratégies de survie qui ont permis à cette communauté de prospérer pendant plus d’un siècle en quasi-autarcie. Les défis sont immenses : le climat, l’isolement et le risque de pillage exigent une logistique complexe et une surveillance constante.

La jungle du Chiapas a gardé ce secret pendant près de 300 ans. Sa révélation n’est pas la fin de l’histoire, mais le début d’un nouveau chapitre. Un chapitre qui ne parle pas seulement de pierres anciennes, mais de la persistance d’une culture face à l’empire, et qui nous rappelle que sous les récits officiels des vainqueurs dorment souvent les histoires, bien plus complexes, de ceux qui ont refusé de disparaître.

Léa Bertrand

Jardinière Passionnée & Cuisinière du Potager
Ses terrains de jeu : Potager bio, Culture en pots, Recettes du jardin
Léa a découvert sa vocation en cultivant son premier potager sur un balcon de 4m². Depuis, elle n'a cessé d'expérimenter et de partager ses découvertes. Issue d'une famille de maraîchers bretons, elle a modernisé les techniques traditionnelles pour les adapter à la vie urbaine. Sa plus grande fierté ? Réussir à faire pousser des tomates sur les toits de Lyon ! Quand elle n'a pas les mains dans la terre, elle concocte des recettes avec ses récoltes ou anime des ateliers de jardinage dans les écoles de son quartier.