Lierre Envahissant : Le Guide d’un Pro Pour Vraiment s’en Débarrasser (Sans Tout Casser !)
En plus de vingt ans comme paysagiste, le lierre, je peux vous dire que je le connais. Je l’ai vu sublimer de vieilles bâtisses en pierre, mais j’ai aussi passé des journées entières à l’arracher de murs qu’il menaçait de faire tomber. Je me souviens d’un chantier où j’ai dû affronter un lierre si vieux que ses troncs faisaient le diamètre de ma cuisse. Il avait littéralement avalé un chêne et commençait à soulever la toiture d’une grange. C’est ce genre d’expérience qui m’a appris une chose essentielle : le lierre n’est ni un ami, ni un ennemi. C’est une force de la nature qu’il faut simplement comprendre pour la maîtriser.
Contenu de la page
- Avant de sortir la scie, comprenez votre adversaire
- Diagnostic : ce que je vérifie toujours avant de commencer
- Ma méthode fétiche : la technique de la double coupe
- Les solutions « naturelles » : on démêle le vrai du faux
- Et après, on fait quoi de tous ces déchets ?
- Cas particulier : le lierre sur un grillage
- Inspirations et idées
Alors non, je ne vais pas vous sortir de formules magiques. Je vais plutôt partager avec vous les techniques qui fonctionnent vraiment sur le terrain, celles que j’utilise tout le temps, et surtout, les erreurs à ne jamais commettre.

Avant de sortir la scie, comprenez votre adversaire
On ne se lance pas dans la bataille sans connaître un minimum son sujet. Le lierre commun est une plante incroyablement bien faite pour grimper et survivre. Comprendre comment il fonctionne, c’est la première étape pour gagner la guerre.
Le secret de son accroche : les fameux crampons
Contrairement à une idée reçue tenace, le lierre ne se nourrit pas du mur ou de l’arbre sur lequel il grimpe. Il a ses propres racines bien ancrées dans le sol pour ça. Pour s’agripper, il utilise des racines aériennes spéciales, des crampons, qui sécrètent une sorte de colle naturelle ultra-puissante. Sur un mur sain, en briques ou avec un crépi en bon état, les dégâts sont souvent superficiels. Le vrai danger, c’est sur un support déjà fragile.
Un vieux mur en pierres avec des joints fatigués ? C’est une proie de choix. Les crampons s’y glissent et, avec le poids grandissant de la plante, peuvent finir par desceller les pierres. J’ai vu de mes yeux des lierres arracher des gouttières ou soulever des toitures en ardoise, juste par leur poids et leur prise.

Son cycle de vie : de jeune grimpeur à arbuste
Le lierre a deux visages. Il y a sa phase juvénile, celle que tout le monde connaît : la plante grimpante avec ses jolies feuilles découpées. C’est là qu’il est en mode conquête. Mais une fois qu’il atteint le sommet de son support, baigné de lumière, il change. Il passe en phase adulte. Ses tiges s’épaississent comme du bois, ses feuilles deviennent ovales. C’est à ce moment-là qu’il fleurit en automne (un régal pour les abeilles) puis produit des baies noires, toxiques pour nous mais vitales pour les oiseaux en hiver. La leçon à retenir ? Pour l’empêcher de proliférer et de devenir un monstre, il faut l’empêcher d’atteindre cette phase adulte. En gros : ne le laissez pas monter.
Diagnostic : ce que je vérifie toujours avant de commencer
Chaque situation est différente. Avant même de sortir un outil, je prends toujours un quart d’heure pour faire le tour du propriétaire. Ce simple réflexe évite 90% des catastrophes.

- L’état du support : C’est du parpaing crépi ? De la brique neuve ? Ou un vieux mur de moellons qui a déjà bien vécu ? La méthode ne sera pas la même. Tenter d’arracher un lierre d’un mur fragile, c’est le meilleur moyen de devoir appeler un maçon juste après.
- L’ampleur des dégâts : On parle de quelques jeunes pousses ou d’un réseau de troncs de 10 cm de diamètre qui court sur 15 mètres de haut ? Soyez réaliste sur le temps et l’énergie que ça va vous demander.
- L’environnement : Y a-t-il des câbles électriques ou téléphoniques prisonniers du lierre ? (Croyez-moi, couper le mauvais truc peut vous coûter votre connexion internet). Des plantes fragiles à préserver au pied du mur ? Une toiture juste en dessous ?
Bon à savoir : quand faut-il arrêter et appeler un pro ?
Honnêtement, il faut savoir reconnaître ses limites. Si le lierre dépasse 6-7 mètres de haut, s’il est emmêlé dans des lignes électriques, ou si les tiges principales sont de vrais troncs, ne jouez pas les héros. La sécurité avant tout ! Faire appel à un professionnel vous coûtera probablement entre 300€ et 800€ pour une façade, selon la complexité, mais c’est le prix de la tranquillité et d’un travail bien fait, sans risque.

Ma méthode fétiche : la technique de la double coupe
Pour la plupart des cas sur un mur ou un arbre, j’utilise une méthode simple et redoutable : la double coupe. C’est la base du métier, et c’est terriblement efficace.
Le bon matos pour bien bosser
N’essayez même pas avec de mauvais outils, vous allez vous épuiser pour rien. Voici votre kit de survie :
- Des gants épais : La sève du lierre est irritante. Des gants en cuir ou renforcés sont obligatoires.
- Des lunettes de protection : Indispensable pour éviter les projections dans les yeux.
- Un bon sécateur de force : Pour les tiges jusqu’à 3 cm de diamètre. Comptez entre 20€ et 40€ pour un bon modèle qui vous durera des années.
- Une scie d’élagage japonaise : Elle coupe en tirant et demande beaucoup moins d’effort. Ça se trouve à partir de 25€ chez Castorama ou en ligne, et franchement, ça change la vie.

La méthode, étape par étape
- La première coupe, à hauteur d’homme : Choisissez une hauteur confortable, vers 1,50 m. Avec votre scie ou votre sécateur, coupez TOUTES les tiges sur une bande horizontale de 30 cm de large. Enlevez complètement cette section pour voir le mur nu.
- La deuxième coupe, au ras du sol : Faites exactement la même chose à la base du lierre. Sectionnez tout ce qui sort de terre.
La logique est implacable. La partie haute, désormais coupée de ses racines, va mourir de soif. La partie basse, privée de ses feuilles qui captent l’énergie du soleil, va s’épuiser.
Le plus dur : la patience…
Et maintenant, l’étape la plus difficile : il faut attendre. N’arrachez surtout pas la partie haute tout de suite ! Les crampons sont encore trop forts et vous abîmeriez le mur. Laissez le lierre sécher sur place. Ça peut prendre entre 6 mois et un an. Il va jaunir, puis brunir. Une fois qu’il est complètement sec, il sera bien plus léger et se détachera par grandes plaques, presque sans effort.

Petite astuce de pro : une fois le lierre sec retiré, il restera des traces de crampons. Sur un mur en pierre solide, vous pouvez y aller avec une brosse métallique. Mais attention, sur un crépi ou un support délicat, préférez une brosse en nylon plus douce et un peu d’eau pour ne pas faire de rayures.
Les solutions « naturelles » : on démêle le vrai du faux
Sur internet, on lit de tout et son contraire. Laissez-moi vous dire ce qui marche vraiment et ce qui est une pure perte de temps, voire dangereux.
L’occultation au sol : radical et efficace
Pour le lierre qui rampe au sol, c’est LA meilleure technique. Le principe est simple : le priver de lumière. Après avoir coupé le plus gros à la débroussailleuse, couvrez toute la zone avec une bâche noire bien épaisse ou même de vieux tapis. Laissez en place pendant au moins une saison complète, idéalement 18 mois. En dessous, tout va mourir, et vous récupérerez une terre propre pour vos futures plantations.
Le vinaigre blanc ? Un pétard mouillé
Oui, le vinaigre brûle les feuilles. Mais il ne touche absolument pas aux racines. Résultat, le lierre repartira de plus belle quelques semaines après. C’est utile pour une petite pousse entre deux dalles, mais totalement inefficace sur une vraie invasion.
Le sel ou l’eau salée : L’INTERDICTION FORMELLE !
C’est sans doute le pire conseil qui circule. Je vais être très clair : n’utilisez JAMAIS de sel pour désherber. Le sel stérilise le sol pour des années. Il tue le lierre, c’est vrai. Mais il tue aussi TOUT le reste. J’ai été appelé une fois par un client désemparé : son magnifique magnolia de 40 ans était en train de mourir. Après enquête, on a compris. Son voisin avait généreusement arrosé de sel la base de la clôture mitoyenne pour tuer le lierre. Résultat : non seulement le lierre est revenu, mais le magnolia, dont les racines s’étendaient jusque-là, a été empoisonné. Une catastrophe évitable.
Et après, on fait quoi de tous ces déchets ?
Une question qu’on me pose tout le temps. Une fois le lierre coupé, ne le mettez pas directement au compost, surtout s’il y a des racines. Il est si résistant qu’il pourrait y repartir ! La meilleure solution est de l’étaler sur une bâche au soleil pour le faire sécher complètement. Une fois qu’il est sec et cassant, il peut aller au compost sans risque. Sinon, direction la déchèterie, dans la benne des déchets verts.
Cas particulier : le lierre sur un grillage
Ah, le classique ! C’est un vrai casse-tête. La double coupe est possible, mais c’est un travail de fourmi pour passer la scie entre les mailles. Le plus simple est souvent de tout couper à ras, puis de tirer patiemment sur les tiges sèches quelques mois plus tard. C’est long, mais c’est la seule façon de ne pas déformer ou abîmer votre grillage. Courage !
Inspirations et idées
Arrachage manuel : Idéal pour les jeunes pousses et les zones sensibles (près d’un potager, d’un point d’eau). Demande de l’huile de coude mais offre un contrôle total sans produits chimiques.
Désherbant systémique : À réserver aux souches très récalcitrantes et loin des autres végétaux. Un produit à base de glyphosate, appliqué au pinceau directement sur la coupe fraîche de la tige principale, évite la dispersion et cible la racine.
Le choix dépend de la surface et de votre philosophie de jardinage.
Ne brûlez jamais un tas de lierre arraché ! La fumée dégagée par la combustion de ses feuilles et tiges est toxique et peut provoquer de fortes irritations des voies respiratoires.
Pour venir à bout du lierre, l’équipement est la clé. Voici la panoplie indispensable du paysagiste :
- Un sécateur de force, comme le Felco 2, pour couper net les tiges principales sans s’épuiser.
- Une scie d’élagage japonaise (type Silky) pour les troncs ligneux de plus de 5 cm de diamètre.
- Des gants en cuir épais pour se protéger des échardes et de la sève irritante.
- Une brosse métallique pour nettoyer les résidus de crampons sur les murs en pierre ou en brique après l’arrachage.
Une fois arraché, puis-je mettre le lierre au compost ?
C’est une très mauvaise idée. Le lierre est si résistant qu’un simple fragment de tige ou de racine peut reprendre vie et coloniser votre compost, pour ensuite se propager à nouveau dans le jardin. La méthode la plus sûre est de laisser les restes sécher complètement au soleil sur une bâche pendant plusieurs semaines jusqu’à ce qu’ils soient cassants, ou de les évacuer directement en déchetterie dans la filière déchets verts.
Le lierre (Hedera helix) est l’une des rares plantes à fleurir en automne, offrant une source de nectar et de pollen cruciale pour les abeilles, les guêpes et les syrphes avant l’hiver.
Ce bienfait ne doit pas faire oublier sa vigueur. La solution ? Le maîtriser plutôt que l’éradiquer totalement s’il n’est pas sur un support fragile. Une taille annuelle sévère peut permettre de conserver ses avantages écologiques sans subir sa nature envahissante. C’est un jeu d’équilibre.
Après avoir arraché le lierre d’un mur, des centaines de petites racines aériennes restent incrustées. Pour un fini impeccable, attendez qu’elles sèchent quelques jours, puis frottez vigoureusement le mur avec une brosse métallique. Sur un crépi fragile, préférez une brosse en nylon plus douce. C’est l’étape qui redonne vraiment son aspect net à la façade.
- Une floraison spectaculaire et parfumée au printemps.
- Un feuillage qui change de couleur au fil des saisons.
- Une croissance rapide mais beaucoup plus facile à maîtriser.
Le secret ? Oubliez le lierre et optez pour des alternatives ! Pour un effet couvrant rapide, pensez à la vigne vierge (Parthenocissus) et son feuillage rouge flamboyant en automne. Pour le parfum et les fleurs, un chèvrefeuille ou un jasmin étoilé (Trachelospermum jasminoides) sont des choix élégants et bien moins destructeurs.
Point important : La sécurité avant tout. En attaquant un lierre ancien, le risque principal n’est pas la plante, mais la chute. Assurez toujours la stabilité de votre échelle et ne travaillez jamais seul. Portez des lunettes de protection, car des morceaux de bois, de plâtre ou de pierre peuvent se détacher brusquement en tirant sur les grosses tiges. Votre intégrité physique passe avant un mur propre.
Prévenir le retour du lierre est un marathon, pas un sprint. Une fois la zone nettoyée, adoptez ces réflexes pour garder une longueur d’avance.
- Surveillez la base des murs : Au printemps et en automne, inspectez les zones à risque et arrachez immédiatement la moindre repousse.
- Paillez abondamment : Une couche de 10 cm de paillis (BRF, copeaux) au pied des murs ou des haies privera de lumière les nouvelles pousses et les empêchera de s’installer.
Et si on remplaçait le lierre par un mur végétal structuré ? La tendance est aux treillages design en métal ou en bois sur lesquels on fait grimper des plantes choisies avec soin. Imaginez des clématites aux fleurs étoilées, des rosiers grimpants comme le ‘Pierre de Ronsard’ ou même des fruitiers palissés. C’est passer d’une végétation subie à une composition végétale délibérée, qui raconte une histoire différente à chaque saison.