Vider sa piscine dans le jardin : Le guide pour ne pas griller votre pelouse (et respecter la loi !)
On a tous eu cette idée, pas vrai ? Surtout avec les étés qui tapent de plus en plus fort. On regarde ces dizaines de mètres cubes d’eau dans la piscine et on se dit : « Et si j’utilisais ça pour arroser ? ». L’intention est bonne, c’est sûr. Mais attention, c’est une opération bien plus délicate qu’il n’y paraît.
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En tant que paysagiste, j’ai vu des jardins magnifiques, chouchoutés pendant des années, se transformer en champ de bataille en une seule après-midi. La cause ? Une vidange de piscine faite à la va-vite. L’eau de votre bassin n’est pas de l’eau de pluie. C’est un cocktail chimique qui, mal géré, peut devenir un véritable poison pour vos plantes et votre sol.
Alors, la vraie question n’est pas « peut-on ? » mais « comment on fait ça bien ? ». Laissez-moi vous guider, sans jargon compliqué, avec des conseils de terrain. Le but est simple : vous aider à prendre la bonne décision pour votre jardin, votre portefeuille et l’environnement.

D’abord, c’est quoi cette eau, au juste ?
Avant même de penser à tourner une vanne, il faut comprendre ce que vous vous apprêtez à déverser. Chaque type de piscine a ses petites particularités, et elles sont cruciales.
Pour les piscines au chlore classiques, c’est le cas le plus courant. Le chlore est un super désinfectant contre les algues et les bactéries. Le problème, c’est qu’il ne fait pas la différence avec les racines de vos rosiers… La bonne nouvelle, c’est que le chlore « actif » est très sensible aux UV du soleil. Il se dégrade assez vite à l’air libre. L’objectif est de le faire chuter à un niveau proche de zéro, disons sous les 0,3 ppm (parties par million), ce qui est parfois le taux de l’eau du robinet.
Maintenant, l’erreur que presque tout le monde fait : la piscine au sel. Beaucoup de mes clients sont persuadés d’avoir une piscine « sans chlore ». C’est faux ! Une piscine au sel est une piscine au chlore. Simplement, au lieu de mettre des galets, vous mettez du sel, et un appareil (l’électrolyseur) le transforme en chlore. Vous avez donc le même problème de chlore, PLUS un problème de sel. Et le sel, lui, ne s’évapore pas. Il s’accumule dans le sol et peut le rendre stérile à long terme.

Et pour les autres traitements ? Si votre piscine tourne au brome ou au PHMB, mon conseil est simple et direct : oubliez l’arrosage de votre jardin avec cette eau. Ces produits sont très stables, ne se dégradent quasiment pas et peuvent contaminer durablement votre terre. Le risque est bien trop grand.
Enfin, n’oubliez pas le pH ! On le délaisse souvent, mais c’est essentiel. L’eau de votre piscine a un pH idéal entre 7,2 et 7,6. Déverser une eau trop acide ou trop basique sur votre sol, c’est lui infliger un choc chimique qui peut bloquer l’assimilation des nutriments par vos plantes.
Ce que dit la loi (la partie moins fun, mais obligatoire)
Avant toute chose, un petit coup de fil peut vous éviter de gros ennuis. J’ai vu des propriétaires recevoir des amendes plutôt salées pour avoir pollué un fossé ou saturé le réseau communal. En France, la règle est claire : il est interdit de jeter l’eau de sa piscine, pleine de produits chimiques, dans le circuit des eaux de pluie (le caniveau, la bouche d’égout dans la rue). Cette eau file directement dans les rivières sans être traitée.

Alors, que faire ?
- La voie officielle : Le tout-à-l’égout. C’est le même réseau que vos toilettes. Mais attention, vous devez impérativement demander l’autorisation à votre mairie ou au service des eaux (Suez, Veolia…). Ils peuvent vous imposer un débit lent et parfois, une petite taxe.
- La tolérance : Vider sur son propre terrain. C’est souvent accepté, mais à des conditions très strictes : l’eau doit être « propre » (sans désinfectant), le débit très faible pour ne pas inonder le voisin, et vous ne devez pas risquer de polluer une nappe phréatique.
Mon conseil de pro : Prenez 5 minutes et appelez le service technique de votre mairie. Pas besoin d’être un expert, une phrase simple suffit : « Bonjour, je prévois de vider ma piscine et j’aimerais simplement connaître la réglementation en vigueur sur la commune. » Ça lève tous les doutes et ça vous couvre.
Le plan d’action, pas à pas
Vous avez le feu vert de la mairie ? Parfait ! Maintenant, la patience devient votre meilleure amie. Voici la méthode que j’applique sur le terrain.

D’abord, le bon timing et le bon matos
Le meilleur moment pour vider sa piscine est souvent soit au début du printemps, avant la remise en route, soit à l’automne. Le sol est généralement plus apte à recevoir de l’eau à ces périodes.
Côté matériel, pas de panique, la liste est courte :
- Une pompe vide-cave submersible : C’est l’outil indispensable pour un débit maîtrisé. Comptez entre 30€ et 80€ dans n’importe quel magasin de bricolage type Leroy Merlin ou Castorama.
- Un long tuyau de refoulement (20-25m) : Pour pouvoir arroser différentes zones sans déplacer la pompe.
- Un kit de test fiable : Oubliez les bandelettes ! Préférez un kit à gouttes (environ 15€), bien plus précis pour mesurer le chlore et le pH.
La méthode en 5 étapes
Étape 1 : On coupe tout ! (1 à 2 semaines avant)
Arrêtez l’électrolyseur, ne mettez plus de galets de chlore, plus d’anti-algues, plus rien. Laissez la filtration tourner encore un peu au début si vous voulez, mais stoppez tous les ajouts.

Étape 2 : Laissez faire le soleil
Enlevez la bâche ! Les UV sont vos meilleurs alliés pour détruire naturellement le chlore. Votre eau va peut-être commencer à verdir un peu. Ne paniquez pas, c’est même bon signe ! Ça veut dire que le désinfectant n’agit plus et que la vie reprend.
Étape 3 : On teste, on ne devine pas
Avec votre super kit à gouttes, mesurez le chlore et le pH. Votre objectif : un chlore le plus proche possible de 0 ppm et un pH entre 6,5 et 7,8. C’est non négociable.
Petit conseil : si après deux semaines, votre taux de chlore ne baisse pas (souvent à cause d’un excès de stabilisant), n’insistez pas. La vidange au jardin est trop risquée. Passez au plan B : le tout-à-l’égout (avec l’autorisation, bien sûr !).
Étape 4 : Le test ultime
Prenez un arrosoir, remplissez-le avec l’eau de la piscine et arrosez un coin de pelouse sans grande valeur. Attendez 3-4 jours. Si l’herbe ne jaunit pas, c’est tout bon.

Étape 5 : Le drainage lent et contrôlé
Branchez votre pompe vide-cave. N’inondez jamais un seul endroit. Déplacez le tuyau toutes les 15-20 minutes, en privilégiant les grandes surfaces comme la pelouse. Évitez le potager et le pied des arbres fruitiers. Pour vous donner une idée concrète, avec une pompe de 5 m³/h et une piscine de 40 m³, la vidange prendra 8 heures (40 ÷ 5). Oui, c’est long, mais c’est le prix de la tranquillité.
ATTENTION : Le piège à 5000€ que tout le monde oublie !
Ceci est crucial, surtout si vous avez une piscine avec un liner. Une piscine ne doit JAMAIS rester vide très longtemps. L’eau exerce une pression qui plaque le liner contre les parois. Sans cette pression, le liner peut bouger, faire des plis irrécupérables ou même se déchirer sous l’effet du soleil et des variations de température. La pression du terrain peut aussi endommager la structure.

Une vidange doit être faite pour une réparation ou un changement d’eau, et la piscine doit être remplie à nouveau le plus vite possible. Ne la laissez pas vide pendant des semaines !
Et si j’ai fait une bêtise ? Le plan de sauvetage
Ça arrive. On a été trop pressé et maintenant, la pelouse a des plaques jaunes. Pas de panique. La solution s’appelle le lessivage. Arrosez massivement la zone touchée avec de l’eau propre (l’eau du robinet) pendant plusieurs jours. Le but est de diluer les produits chimiques et de les entraîner plus profondément dans le sol. Ensuite, un bon apport de compost aidera votre sol à se remettre du choc.
Pour résumer, on retient quoi ?
Vider sa piscine au jardin, c’est possible, mais ça ne s’improvise pas. C’est un acte de responsabilité.
- Anticipez : Coupez les traitements 1 à 2 semaines avant.
- Vérifiez : Un coup de fil à la mairie, c’est gratuit et ça évite les amendes.
- Testez : Chlore proche de 0, pH neutre. C’est la base.
- Soyez lent : Une pompe vide-cave est votre meilleure amie.
- Prudence absolue : Avec une piscine au sel, le tout-à-l’égout est souvent plus sûr. Et ne laissez JAMAIS une piscine avec liner vide trop longtemps.
Franchement, avec un peu de méthode et de patience, votre jardin et votre piscine peuvent rester les meilleurs amis du monde. Prenez le temps de bien faire les choses, et tout se passera bien !

Galerie d’inspiration


Le saviez-vous ? Déverser l’eau de sa piscine dans le réseau d’eaux pluviales ou directement dans la nature est interdit et passible d’une amende pouvant atteindre 450 €.
Cette réglementation (article L1331-10 du Code de la Santé Publique) vise à protéger les cours d’eau et les nappes phréatiques de la pollution chimique. Avant de vidanger, il est impératif de se renseigner auprès de sa mairie, car certaines communes imposent un raccordement au tout-à-l’égout après neutralisation de l’eau, tandis que d’autres peuvent autoriser une infiltration dans le sol sous conditions très strictes.
Et si le problème n’était pas la vidange, mais le type de piscine ?
De plus en plus de propriétaires se tournent vers une alternative radicale : la piscine naturelle. Contrairement à un bassin chloré, elle fonctionne comme un petit écosystème où des plantes aquatiques et des micro-organismes filtrent et purifient l’eau. Résultat : pas de produits chimiques, pas de casse-tête pour la vidange. L’eau, vivante, peut être utilisée sans risque pour l’arrosage. C’est un investissement initial plus conséquent, mais une solution pérenne qui transforme la contrainte en atout pour votre jardin.