Le Purin d’Ortie : Mon Guide pour Réussir cet Or Vert (Même si vous Débutez)
La première fois que j’ai senti l’odeur du purin d’ortie, je ne l’ai pas oubliée. C’était dans le fond du jardin d’un vieux paysagiste qui m’apprenait le métier. Il a soulevé le couvercle d’un grand fût bleu et une odeur… puissante, animale, un mélange de terre et de fermentation, m’a frappé en plein visage. J’ai fait un bond en arrière. Il a éclaté de rire : « Ça, c’est l’or du jardinier. Ça pue, mais ça marche. »
Contenu de la page
Ces mots me sont restés. Le purin d’ortie, ce n’est pas de la magie, c’est un outil incroyablement polyvalent. Mais une question revient toujours : est-ce que ça vaut vraiment le coup de se lancer dans cette alchimie odorante ? Franchement, oui. Un bidon de purin d’ortie de qualité en jardinerie, ça peut vite coûter entre 15€ et 25€ le litre. Le vôtre ne vous coûtera que quelques efforts et un peu de patience. Et entre nous, la satisfaction de nourrir son jardin avec sa propre production, ça n’a pas de prix.

Comprendre sa double personnalité : ami et ennemi du jardin
Ce qui est fascinant avec le purin d’ortie, c’est qu’il a deux visages. Selon comment vous l’utilisez, il peut soit détruire, soit nourrir. Tout est une question de concentration.
En mode « désherbant », quand il est utilisé pur, il agit comme un herbicide de contact. Imaginez donner une surdose de vitamines à une petite plante : elle ne peut pas gérer cet excès brutal. La forte concentration en azote et en composés organiques de la fermentation va littéralement brûler les feuilles. On appelle ça la phytotoxicité. C’est radical sur les jeunes pousses et les mauvaises herbes annuelles qui n’ont pas de réserves pour s’en remettre. Mais attention, ce n’est pas un produit miracle qui va tuer un liseron jusqu’à la racine. Il ne fait que griller ce qui est en surface.
En mode « engrais », c’est là que la magie opère. Une fois dilué, le choc toxique disparaît. Il devient un super-aliment pour vos plantes, riche en azote pour un feuillage bien vert, en potassium pour les fleurs et les fruits, et en fer pour éviter le jaunissement (la fameuse chlorose). Il ne tue pas les pucerons, mais il rend la plante si forte et vigoureuse qu’elle devient beaucoup moins appétissante pour eux. C’est la base d’un jardinage préventif et résilient.

La Recette de l’Alchimiste : Ma Méthode Pas à Pas
La patience est vraiment l’ingrédient secret. J’ai vu trop de débutants vouloir aller trop vite et rater leur préparation. Suivez le guide, c’est simple !
1. La liste de courses (version récup’ !)
- Des orties fraîches : Gratuites ! Le meilleur moment pour les cueillir, c’est au printemps, avant qu’elles ne fassent leurs graines. C’est là qu’elles sont le plus chargées en azote.
- Un contenant : Visez la récup’ sur Leboncoin ou dans votre entourage ! Un grand fût en plastique ou une vieille poubelle (environ 80-100L) c’est parfait. Sinon, comptez 20-30€ en magasin. Surtout, JAMAIS de métal, car l’acidité de la fermentation l’oxyderait et libérerait des cochonneries dans votre purin.
- Des gants épais et des manches longues : Non négociable ! Une bonne paire de gants de jardinage, c’est 10-15€. Croyez-moi, c’est un bon investissement.
- De l’eau de pluie : L’idéal. Si vous n’avez que l’eau du robinet, laissez-la reposer 24h à l’air libre pour que le chlore s’évapore. Le chlore tuerait les bonnes bactéries qui font tout le travail.
- Un vieux tissu pour filtrer : Un vieux drap ou une toile de jute feront l’affaire.

2. La préparation et la fermentation
La règle d’or est facile à mémoriser : 1 kg d’orties fraîches pour 10 litres d’eau. Pour vous donner une idée, 1 kg d’orties, ça remplit un seau de 10-15 litres sans être tassé, ou l’équivalent d’un gros sac de courses.
Hachez grossièrement les orties. Pas besoin de faire de la dentelle, des morceaux de 5-10 cm, c’est très bien. Petit hack de feignant : si vous avez une vieille poubelle solide, mettez les orties dedans et donnez quelques coups de débroussailleuse. C’est un peu barbare, mais diablement efficace !
Mettez vos orties hachées dans le contenant, couvrez d’eau et placez le tout à l’ombre, loin de la terrasse. Oui, l’odeur va attirer des mouches, c’est normal. Couvrez avec un couvercle non hermétique ou le tissu pour laisser l’air circuler. Chaque jour, remuez le mélange pendant une minute. C’est crucial pour bien l’oxygéner.

Alors, c’est prêt quand ? C’est LA question ! Observez les bulles. Quand vous remuez, au début, plein de petites bulles de fermentation remontent. Le purin est prêt quand, après avoir touillé, il n’y a quasiment plus de bulles. Ça prend 7 à 10 jours en plein été, et plutôt 15-20 jours au printemps. Le liquide sera devenu brun-verdâtre et opaque.
Au fait, on peut utiliser des orties sèches ? Absolument ! C’est pratique si on veut en faire en hiver. Le ratio change : comptez environ 150g d’orties sèches pour 10 litres d’eau. L’efficacité est très bonne, même si je garde une préférence pour la richesse des plantes fraîches.
3. SOS Purin Raté : que faire ?
Pas de panique ! Une cuvée qui tourne mal, ça arrive.
- « Ça sent les égouts, pas le foin moisi ! » : C’est le signe d’une putréfaction (manque d’oxygène). Votre purin n’est pas forcément foutu. Remuez-le vigoureusement deux fois par jour pour le ré-oxygéner. Si l’odeur ne s’améliore pas après 2-3 jours, il vaut mieux le vider sur le compost (très dilué) et recommencer.
- « J’ai oublié de remuer pendant 3 jours… » : Ce n’est pas grave. Reprenez le remuage quotidien. La fermentation prendra juste un peu plus de temps.

4. La filtration et le stockage
Ne sautez pas cette étape, sinon vous allez vous arracher les cheveux à déboucher votre pulvérisateur. Filtrez le liquide à travers un tissu fin dans un autre seau. Pressez bien la pulpe restante pour en extraire tout le jus. Et ne jetez surtout pas cette pulpe ! C’est un super activateur de compost ou un paillage de luxe au pied des courges.
Conservez votre purin filtré dans des bidons en plastique opaques (d’anciennes bouteilles de lait ou de lessive bien rincées, par exemple), dans un endroit frais et à l’abri de la lumière comme une cave ou un garage. Il se garde plusieurs mois sans problème.
Comment l’utiliser comme un pro ?
En mode désherbant (avec prudence)
Utilisez-le pur, non dilué, un jour de grand soleil. Arrosez directement sur les adventices dans les allées en gravier ou entre des dalles. Soyez précis ! Une éclaboussure sur les feuilles de vos rosiers les brûlera. Si ça arrive, rincez la feuille à l’eau claire immédiatement. C’est une solution de nettoyage, pas d’éradication totale pour les plantes à racines profondes.

Le piège à éviter : Ne récoltez JAMAIS d’orties qui sont déjà montées en graines. Sinon, vous risquez de semer des orties partout où vous utiliserez votre purin… ce serait un comble !
En mode engrais (le vrai trésor)
C’est là qu’il brille. Mais le dosage est la clé.
- Arrosage au pied des plantes (tomates, courges, choux, rosiers…) : Diluez à 10%, soit 1 litre de purin pour 10 litres d’eau.
- Pour les jeunes plants et semis fragiles : Diluez à 5%, soit 0,5 litre pour 10 litres d’eau.
Arrosez directement au pied des plantes, sur une terre déjà un peu humide, tous les 15 jours pendant la période de forte croissance (de mai à juillet environ). Pour une plante gourmande comme un pied de tomate, un demi-litre du mélange dilué à chaque arrosage est une bonne base.
Quelles plantes éviter ? Évitez de fertiliser les légumineuses (pois, haricots), qui fabriquent leur propre azote. N’en donnez pas non plus aux légumes-racines (carottes, radis) car ça développerait le feuillage au détriment des racines. J’ai fait l’erreur une fois : des fanes de carottes magnifiques, mais des racines minuscules ! Idem pour l’ail et l’oignon, qui se conserveraient moins bien.

Conseil d’ami : Arrêtez les apports quand vos tomates commencent à bien grossir. À ce stade, elles ont plus besoin de potassium. C’est le moment de passer au purin de consoude, si vous en avez sous la main, qui est parfait pour la fructification.
Alors, prêt à vous lancer ? Votre mission ce week-end, si vous l’acceptez : trouvez un petit coin d’orties et lancez une mini-cuvée dans un seau de 5 litres. Vous verrez, c’est un savoir-faire simple, économique, et incroyablement gratifiant. Vous m’en direz des nouvelles !
Galerie d’inspiration


Vos plants de tomates raffoleront du purin d’ortie en début de saison. Riche en azote, il booste la croissance du feuillage, créant une plante robuste. Appliquez-le dilué à 10% en arrosage au pied toutes les deux semaines, juste après la plantation. Une fois les premières fleurs apparues, basculez vers un purin plus riche en potassium, comme le purin de consoude, pour encourager une fructification abondante.

Option A (Purin d’Ortie) : Le sprinter de la croissance. Ultra-riche en azote, il est parfait au printemps pour lancer la végétation, donner un coup de fouet aux jeunes plants et verdir les feuillages fatigués.
Option B (Purin de Fougère) : Le bouclier naturel. Moins nourrissant, il est surtout réputé pour sa richesse en phosphore et ses propriétés répulsives contre les pucerons, notamment les pucerons lanigères du pommier.
Utilisez-les en alternance pour une protection et une nutrition complètes.

Le saviez-vous ? L’ortie (Urtica dioica) est une plante bio-indicatrice. Sa présence massive sur une parcelle signale souvent un sol riche en azote et en matières organiques, mais potentiellement déséquilibré et engorgé en fer.

Pour limiter l’odeur puissante de la fermentation, le secret est d’ajouter un activateur qui harmonise le processus. Nul besoin de produits complexes :
- Une poignée de feuilles de sauge ou de camomille fraîche dans le fût.
- Quelques grammes d’argile bentonite en poudre, qui agira comme un capteur d’odeurs.
- Un brassage régulier (tous les jours) oxygène la préparation et favorise les bonnes bactéries, limitant les fermentations nauséabondes.

Puis-je utiliser l’eau de pluie pour mon purin ?
Absolument, et c’est même la meilleure option ! L’eau de pluie est naturellement douce, non calcaire et sans chlore. Le chlore présent dans l’eau du robinet peut freiner, voire anéantir, l’activité des micro-organismes essentiels à une bonne fermentation. Si vous n’avez qu’accès à l’eau du réseau, laissez-la reposer dans un arrosoir ou un seau pendant 24 à 48 heures à l’air libre pour que le chlore s’évapore avant de l’utiliser.

- Une meilleure assimilation des nutriments par les racines.
- Une résistance accrue aux maladies comme le mildiou.
- Une activité microbienne du sol visiblement stimulée.
Le secret ? L’ajout d’une cuillère à soupe de mélasse noire non sulfurée par 10 litres de purin lors de la dilution. Ce sucre non raffiné nourrit les bactéries bénéfiques présentes dans le purin et dans le sol, décuplant leur efficacité.

Point important : la filtration. Un purin mal filtré peut boucher la pomme de votre arrosoir ou, pire, votre pulvérisateur. La solution la plus simple est d’utiliser un vieux drap ou un morceau de toile de jute tendu au-dessus d’un seau propre. Pour une filtration encore plus fine, les sacs à lait végétal en nylon, réutilisables et peu coûteux, sont étonnamment efficaces pour obtenir un liquide limpide, parfait pour une vaporisation sans accroc.

Selon une étude de l’INRAE, un sol sain et biologiquement actif peut rendre jusqu’à 30% des nutriments naturellement présents mais non assimilables, disponibles pour les plantes.
C’est précisément là que le purin d’ortie excelle. Au-delà de son apport direct en azote, il agit comme un prébiotique pour votre jardin. Il nourrit et multiplie les bactéries et champignons du sol qui, à leur tour, décomposent la matière organique et libèrent des minéraux essentiels. Vous ne faites pas que nourrir vos plantes, vous réanimez l’écosystème entier qui les soutient.
Le choix du contenant est crucial pour éviter toute réaction chimique indésirable. Privilégiez toujours un grand récipient en plastique alimentaire, comme les fûts bleus de récupération souvent utilisés pour les olives, ou un grand seau de type Hozelock. Le bois est aussi une excellente option (un vieux tonneau non traité). Évitez à tout prix le métal : l’acidité du purin en fermentation pourrait oxyder le contenant et libérer des particules métalliques nocives pour vos plantes et votre sol.