Asticots sur une poule ? Le guide d’urgence pour ne pas paniquer (et bien réagir)
J’élève des poules depuis un bon bout de temps, plus de vingt ans pour être précis. J’ai connu la joie des couvées réussies et le plaisir de voir mes animaux gambader, pleins de vie. Mais je me suis aussi frotté aux côtés plus sombres de l’élevage. Et franchement, l’une des pires choses qui puisse arriver, c’est la myiase. Un mot un peu barbare pour désigner une infestation d’asticots.
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La première fois que ça m’est arrivé, j’ai senti un mélange de dégoût profond et de panique totale. Mais j’ai agi vite, et c’est ce qui a sauvé ma poule. Ce n’est vraiment pas une situation agréable, et il faut être clair : c’est une urgence vétérinaire qui ne prévient jamais.
Les poules sont des championnes pour cacher leur souffrance. C’est un réflexe de survie pour ne pas avoir l’air d’une proie facile. Du coup, quand une poule montre enfin des signes de faiblesse, le problème est souvent déjà bien avancé. La myiase est particulièrement vicieuse : des mouches pondent sur une zone humide du plumage, souvent près du cloaque ou sur une petite plaie. En moins d’une demi-journée, ça éclot. Et là, les asticots commencent leur sale boulot en se nourrissant des tissus de la poule. Une vraie course contre la montre commence.

Cet article n’est pas là pour vous faire peur, mais pour vous armer. Je vais vous donner les clés pour repérer les premiers signes, intervenir en urgence et, surtout, mettre en place des stratégies pour que ça n’arrive plus. C’est un savoir-faire qu’on apprend souvent dans la douleur, alors mon but est de vous épargner ça.
Pourquoi ça arrive ? Comprendre le mécanisme
Pour combattre un ennemi, il faut le connaître. La myiase n’est pas une maladie, mais une infestation. Les coupables ? Généralement les mouches vertes ou bleues, celles qu’on voit partout. Dans la nature, elles sont utiles, elles nettoient les carcasses. Le problème, c’est que pour elles, une zone souillée et humide sur un animal vivant, ça ressemble étrangement à de la matière en décomposition.
Le processus est d’une rapidité déconcertante. Une seule mouche peut pondre des centaines d’œufs. Elle cherche l’endroit parfait : chaud, humide, riche en protéines. Une petite blessure qui suinte, des fientes collées aux plumes de l’arrière-train… c’est le paradis pour elle. Ensuite, tout s’accélère. Grâce à la chaleur corporelle de la poule (environ 41°C), les œufs éclosent en 8 à 12 heures à peine. Les larves, minuscules au début, se mettent immédiatement à grignoter la peau et les tissus. Leurs sécrétions digestives liquéfient la chair, ce qui attire… encore plus de mouches. C’est un cercle vicieux infernal.

Une poule qui allait bien le matin peut être en danger de mort le soir même. L’inspection quotidienne, surtout par temps chaud et humide, n’est pas une option, c’est une obligation.
Les facteurs de risque à avoir à l’œil
Certaines situations rendent vos poules plus vulnérables. Il faut être particulièrement vigilant si :
- L’arrière-train est souillé : C’est la cause numéro 1. Une diarrhée, une alimentation un peu trop riche ou simplement des plumes très denses (typique chez certaines races comme les Orpingtons) peuvent retenir les fientes. C’est un véritable aimant à mouches.
- Il y a des blessures : La moindre petite égratignure due au picage ou à un grillage peut devenir une porte d’entrée.
- Il fait chaud et humide : L’été, après une averse orageuse, c’est le moment de redoubler de vigilance.
- La poule est affaiblie : Une poule âgée, malade ou en surpoids fait moins bien sa toilette. Elle devient une cible de choix.
- Le poulailler est sale : Une litière humide et des fientes qui s’accumulent créent un environnement propice à la prolifération des mouches.

Savoir repérer l’infestation : les signes qui ne trompent pas
Un bon éleveur est avant tout un bon observateur. Pour la myiase, les premiers signes sont souvent comportementaux.
Votre poule n’est plus elle-même. Elle s’isole du groupe, a l’air abattue, reste prostrée dans un coin, les plumes ébouriffées. Parfois, elle se picore frénétiquement l’arrière-train, essayant de se soulager. Si vous voyez ça, il faut agir.
Enfilez des gants et attrapez la poule calmement. Le premier indice, souvent, c’est l’odeur. Je ne l’oublierai jamais. C’est une odeur douceâtre et écœurante de chair en décomposition. Votre nez vous alertera avant même que vos yeux n’aient vu quoi que ce soit. Écartez les plumes autour du cloaque. Si elles sont humides, collées, c’est mauvais signe. Et puis… vous les verrez. Des petits vers blanchâtres qui grouillent. La peau en dessous sera à vif, rouge, enflammée. Parfois, ça ressemble à de la viande hachée. C’est choquant, je vous préviens, mais il faut regarder pour évaluer l’étendue des dégâts.

Le protocole d’urgence : quoi faire, étape par étape
OK, vous avez trouvé des asticots. Pas de panique. Respirez un bon coup. Il faut agir méthodiquement. Préparez-vous, car l’opération complète peut prendre entre 45 minutes et bien plus d’une heure et demie si l’infestation est sévère.
Étape 1 : Préparez votre « Trousse d’Urgence Myiase »
Avoir tout sous la main est essentiel pour ne pas stresser davantage l’animal. Isolez immédiatement la poule dans une caisse de transport propre pour la mettre au calme et la protéger des autres. Voici ce qu’il vous faut :
- Une bassine
- De l’eau tiède (autour de 38°C)
- Du savon doux (savon de Marseille ou un reste de shampoing pour bébé)
- Une pince à épiler fine (la plus précise possible)
- Des gants en latex ou nitrile (indispensable !)
- Des serviettes propres et un rouleau de papier absorbant
- Un sèche-cheveux (avec une option air FROID ou tiède)
- Des ciseaux à bouts ronds
- Un antiseptique vétérinaire : la chlorhexidine ou de la Vétédine (povidone iodée). Vous trouverez ça en pharmacie ou chez le vétérinaire pour environ 8-12€.
- Un sac poubelle solide.

Étape 2 : Le bain pour nettoyer et déloger
Remplissez la bassine de quelques centimètres d’eau tiède savonneuse. Plongez-y uniquement l’arrière-train de la poule en la tenant fermement mais doucement. Laissez tremper 5-10 minutes. L’eau va ramollir les saletés et l’inconfort va faire bouger les asticots, les rendant plus visibles.
Étape 3 : Le retrait manuel (l’étape la plus difficile)
C’est le moment le plus critique. Posez la poule sur une serviette et, avec la pince à épiler, retirez un par un TOUS les asticots que vous voyez. Soyez méticuleux, ils se cachent dans les replis de la peau. Mettez-les dans le sac poubelle.
Astuce peu ragoûtante mais efficace : pour être sûr de neutraliser les larves, vous pouvez verser un peu d’eau bouillante dans le sac avant de le fermer hermétiquement.
Étape 4 : Dégager la zone
Une fois le plus gros des larves retiré, utilisez les ciseaux à bouts ronds pour couper les plumes souillées et celles qui recouvrent la plaie. Le but est de mettre la zone à l’air libre pour qu’elle sèche et pour faciliter les soins. C’est ce qu’on appelle une « taille sanitaire ». Allez-y doucement, en coupant à environ 1 cm de la peau pour ne jamais la blesser.

Étape 5 : Le séchage, une étape cruciale
Une zone humide attirerait de nouvelles mouches. Tamponnez délicatement avec du papier absorbant ou une serviette propre. Ensuite, utilisez le sèche-cheveux. Attention ! Mettez-le impérativement sur la position la plus FROIDE ou à peine tiède, et tenez-le à 30 cm de la peau pour ne pas la brûler. La peau d’une poule est très fine.
Étape 6 : La désinfection
La zone est propre et sèche ? Parfait. Maintenant, on désinfecte. C’est là qu’il ne faut pas se tromper sur le dosage. Si vous utilisez de la Vétédine, il faut la diluer. La bonne couleur, c’est celle d’un « thé léger », soit environ 1 volume de produit pour 10 volumes d’eau. La chlorhexidine est souvent vendue déjà diluée, mais lisez bien la notice. Imbibez une compresse et nettoyez généreusement toute la zone.
Étape 7 : L’appel au vétérinaire (non négociable)
Même si vous avez l’impression d’avoir tout géré, appelez un vétérinaire. Une infestation d’asticots est une plaie ouverte et une porte d’entrée pour des infections bactériennes graves. La poule a probablement besoin d’antibiotiques et d’antidouleurs. Une consultation d’urgence pour une poule peut coûter entre 50€ et 100€, sans compter les médicaments. C’est un budget, mais j’ai appris à mes dépens que c’est souvent ce qui sauve l’animal.

La convalescence : bichonner sa patiente
Le travail n’est pas fini. Gardez la poule à l’infirmerie, dans sa cage propre avec une litière changée tous les jours. Proposez-lui de l’eau fraîche (avec éventuellement des électrolytes et vitamines pour volailles, trouvables en coopérative agricole pour 10-20€) et une nourriture riche pour l’aider à se refaire une santé (pâtée, vers de farine, œuf brouillé…).
Inspectez et nettoyez la plaie deux fois par jour. Surveillez le moindre signe d’infection (rougeur qui s’étend, pus, odeur…). Ne la réintégrez au groupe que lorsque la plaie est 100% guérie et que les plumes commencent à repousser.
Mieux vaut prévenir : la stratégie sur le long terme
Croyez-moi, une fois qu’on a vécu ça, on fait tout pour l’éviter. La prévention repose sur trois piliers simples : hygiène, surveillance, et lutte contre les mouches.
- Un poulailler impeccable : Litière toujours sèche (le chanvre est super pour ça), fientes retirées chaque jour. C’est la base.
- Une surveillance active : En été, une fois par semaine, attrapez chaque poule pour un « check-up » de l’arrière-train. Des fientes collées ? Un petit coup de gant humide et c’est réglé. Pensez aussi à leur offrir un bon bain de poussière (terre, sable, cendre), c’est leur douche naturelle.
- Réduire les mouches : Installez des pièges à mouches (ceux en forme de sac avec un appât sont très efficaces et coûtent moins de 10€ en jardinerie) à l’extérieur du poulailler pour les attirer loin de vos poules. Planter de la lavande ou de la menthe autour peut aussi aider.
Gérer une myiase, c’est une véritable épreuve. J’ai fait des erreurs au début, en pensant qu’un simple nettoyage suffirait. J’ai perdu une poule comme ça, et la leçon a été dure. On ne peut pas toujours les sauver, mais on leur doit d’agir vite et bien. Être éleveur, ce n’est pas que ramasser des œufs. C’est être le gardien de la santé de ses animaux. Et face à la myiase, être préparé fait toute la différence.
