L’Art de l’Herbier : Le Guide Complet pour Créer Votre Collection, de la Cueillette à la Conservation
Créer un herbier, c’est bien plus que faire sécher des fleurs entre les pages d’un livre. Honnêtement, c’est un peu comme devenir le bibliothécaire de la nature. C’est transformer une plante fraîchement cueillie en un témoin silencieux qui pourra traverser les années, une véritable mémoire de la biodiversité qui nous entoure.
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Ce n’est pas une mince affaire, je vous l’accorde, ça demande de la patience et un peu de méthode. Mais ce n’est pas compliqué pour autant ! Je vais vous partager les techniques éprouvées qui garantissent un résultat magnifique et durable, que votre objectif soit de créer un objet de décoration unique ou de vous lancer dans une démarche plus scientifique.
Alors, quel est votre objectif ? Déco ou science ?
Avant même de sortir avec votre sécateur, la première question à se poser est simple : pourquoi voulez-vous créer cet herbier ? Votre réponse va orienter toute votre démarche. Franchement, il n’y a pas de mauvaise réponse, mais deux grandes philosophies se dessinent.

D’un côté, il y a l’herbier décoratif ou de collection. C’est souvent par là qu’on commence, pour conserver le souvenir d’une balade ou la couleur d’une fleur de son jardin. L’esthétique prime. On choisit les plus belles plantes, les feuilles les plus graphiques, et on se permet quelques libertés, comme ne prendre qu’une seule fleur sans sa tige. C’est une excellente façon de s’initier et de créer des objets vraiment sublimes.
De l’autre, il y a l’herbier de référence, plus proche de la démarche scientifique. Ici, chaque planche est un véritable document. Elle doit représenter la plante dans son intégralité (fleurs, feuilles, tige, et parfois racines) pour permettre une identification sans le moindre doute. Même si votre but est purement esthétique, suivre quelques-uns de ces principes vous garantira des résultats de bien meilleure qualité. C’est cette méthode, plus complète, que nous allons détailler.
La récolte sur le terrain : un geste réfléchi
Tout commence sur le terrain. Une plante mal choisie ou mal prélevée donnera toujours un spécimen décevant. C’est un moment qui exige de l’observation et, surtout, beaucoup de respect pour la nature.

L’éthique avant tout : ce qu’il faut savoir
On ne cueille pas n’importe quoi, n’importe où. C’est la règle d’or. Avant chaque sortie, un petit temps de recherche s’impose.
- Espèces protégées : De nombreuses plantes sont protégées. Leur cueillette est interdite et peut coûter très cher en amendes. Pour savoir lesquelles, cherchez en ligne les « listes rouges de la flore » de votre région ou les arrêtés préfectoraux de votre département. Une recherche comme « arrêté préfectoral espèces protégées [nom de votre département] » vous donnera les documents officiels.
- Propriétés privées et espaces protégés : Ça semble évident, mais on ne cueille jamais chez quelqu’un sans son accord. De même, dans les parcs nationaux ou les réserves naturelles, la cueillette est quasi systématiquement interdite.
- Le principe de précaution : C’est la base du respect. Ne prélevez jamais une plante si elle est toute seule. Assurez-vous que la population est assez grande et ne prenez qu’un seul spécimen sur une vingtaine, pour ne pas mettre en danger l’espèce à cet endroit.
- Attention aux plantes toxiques ! Apprenez à reconnaître les plantes dangereuses de votre région. Certaines, comme la Grande Ciguë, peuvent être toxiques même au simple contact. En cas de doute, portez toujours des gants.

La liste de courses du botaniste débutant
Pour bien travailler, il faut les bons outils. Et non, un simple sac en plastique ne suffit pas (il cuit les plantes !). Alors, combien ça coûte de se lancer ? Franchement, on peut démarrer avec un budget très raisonnable.
Le matériel essentiel :
- Un bon sécateur ou des ciseaux précis : Pour une coupe nette. Comptez entre 10€ et 25€ en jardinerie.
- Un petit transplantoir : Indispensable pour déterrer les petites plantes avec leurs racines (environ 5-10€).
- Des sacs en papier kraft ou un cahier : Pour protéger vos trouvailles sans les faire transpirer.
- Un carnet et un crayon : Votre outil le plus précieux ! Le crayon ne bave pas s’il pleut.
Pour aller plus loin (recommandé) :
- Une presse de terrain : Pour commencer à aplatir les plantes dès la récolte. On en trouve des toutes faites autour de 25-40€, mais on peut aussi la fabriquer soi-même.
- Une application d’identification : Si vous débutez, c’est une aide incroyable. Des applis comme PlantNet ou Seek sont gratuites et très performantes pour mettre un nom sur vos trouvailles.
Astuce budget : Fabriquez votre propre presse pour moins de 20€ !
C’est tout simple. Il vous faut : deux planches de contreplaqué (format A4 ou A3), quelques morceaux de carton ondulé de récupération, quatre boulons avec écrous papillon, et du papier journal. Percez les quatre coins des planches, empilez vos plantes entre des feuilles de journal et des couches de carton, et serrez le tout avec les boulons. Et voilà !

Le spécimen idéal et les notes de terrain
Le but est de choisir une plante qui représente bien son espèce : saine, si possible avec des fleurs et/ou des fruits. Pour les petites plantes, on essaie de la prendre entière, avec les racines. Pour un arbre, un rameau de 30-40 cm suffit.
Dès que vous prélevez une plante, notez TOUT dans votre carnet. Une planche sans informations n’a aucune valeur. Notez la date, le lieu précis (avec les coordonnées GPS de votre téléphone, c’est l’idéal), décrivez l’habitat (lisière de forêt, bord de chemin, etc.) et surtout, notez les détails qui disparaîtront au séchage : la couleur exacte de la fleur (le bleu vire souvent au violet), son parfum, la présence de sève…
La science du séchage : l’étape la plus délicate
Le séchage est une course contre la montre. Il faut retirer l’eau de la plante le plus vite possible pour fixer ses formes et ses couleurs. Un séchage trop lent, et c’est la moisissure et le noircissement assurés.

La méthode de la presse à herbier :
- Préparation : Nettoyez délicatement la plante. Si elle est trop grande pour votre feuille, pliez-la en V ou en N. Ne la coupez jamais ! Une pliure est une information en soi.
- L’étalement : C’est tout un art. Sur une feuille de papier buvard ou de journal, étalez votre plante. Avec une pince fine, arrangez les feuilles pour qu’elles ne se superposent pas. Pensez à retourner une ou deux feuilles pour montrer leur face inférieure, c’est souvent un critère d’identification.
- Le montage de la presse : L’empilement est crucial. De bas en haut : planche, carton ondulé, buvard, plante, buvard, carton ondulé… et ainsi de suite. Les cannelures des cartons doivent toutes être dans le même sens pour laisser l’air circuler.
- Serrage et patience : Serrez les sangles ou les vis très fort. N’ayez pas peur d’écraser la plante. Placez la presse dans un endroit sec et aéré. Le plus contraignant : il faut changer les buvards humides tous les jours pendant la première semaine, puis tous les 2-3 jours. C’est le secret pour éviter la moisissure.
Le séchage complet prend d’une à quatre semaines. Une plante est sèche quand elle est rigide et cassante.

Astuces pour les plantes difficiles
Certaines plantes sont de vrais défis !
- Les plantes grasses : Elles pourrissent avant de sécher. La solution radicale est de les plonger quelques secondes dans l’eau bouillante avant de les presser.
- Les conifères : Pour éviter qu’ils ne perdent toutes leurs aiguilles, on peut les badigeonner d’une fine couche de colle à bois diluée avant le séchage.
- Les fleurs très épaisses (chardon, rose) : On peut les couper en deux dans l’épaisseur pour faciliter le pressage.
Le montage et la conservation : l’aboutissement
Votre plante est sèche et fragile. Il est temps de la fixer sur son support définitif pour lui assurer une longue vie.
La fixation et l’étiquetage
Le support doit être une feuille de papier rigide, idéalement du papier sans acide (pH neutre) d’au moins 200g/m². Vous trouverez ça dans les magasins de beaux-arts ou de loisirs créatifs, pour environ 15-20€ les 10 grandes feuilles.

Surtout, oubliez le ruban adhésif ou la colle liquide ! Ça jaunit, vieillit très mal et abîme la plante. La méthode pro consiste à utiliser de fines bandelettes de papier gommé (disponible au même endroit). On les humidifie et on les place à des endroits stratégiques sur la tige. La plante doit être bien maintenue, mais respirer.
En bas à droite, on colle l’étiquette. C’est la retranscription au propre de vos notes de terrain : nom de l’espèce (si vous le connaissez), lieu, date, habitat, et votre nom en tant que collecteur. Une planche bien étiquetée est un trésor d’informations.
Protéger votre travail des ennemis
Votre herbier est prêt ! Il faut maintenant le protéger de la lumière (qui fane les couleurs), de l’humidité (qui moisit) et des insectes (qui dévorent tout).
Conservez vos planches à plat, dans des chemises en carton, à l’abri de la lumière. Le plus grand danger, ce sont les petits insectes qui raffolent des plantes séchées. La solution la plus efficace ? La congélation. Une fois par an, ou à chaque ajout de nouvelles planches, placez vos chemises dans un sac plastique bien fermé et hop, au congélateur pendant au moins 72 heures. Et pas de panique, votre congélateur domestique standard fait parfaitement l’affaire ! C’est la méthode utilisée dans toutes les grandes collections du monde.

Pour finir, quelques conseils d’ami
La patience est la clé. Ne brûlez pas les étapes. Un séchage au fer à repasser, par exemple, est une très mauvaise idée : ça cuit la plante et la rend friable comme du verre.
Petit conseil pour démarrer en douceur : choisissez des plantes faciles ! Le pissenlit, le trèfle, les géraniums sauvages ou les fougères sèchent très bien et donnent des résultats super gratifiants dès le début. Vous pouvez même commencer avec des plantes de votre balcon ou de votre quartier.
Créer un herbier, c’est avant tout un voyage. C’est apprendre à regarder le monde végétal avec un œil neuf, plus précis et plus respectueux. Chaque planche raconte une histoire. J’espère que ce guide vous a donné envie de commencer la vôtre !
Galerie d’inspiration




Pour une conservation digne d’un musée, le choix du papier est crucial. Oubliez la simple feuille d’imprimante, qui jaunira avec le temps. Investissez dans un papier au pH neutre ou sans acide, comme le papier aquarelle Canson Héritage ou le Velin d’Arches. Sa texture valorisera la plante et garantira sa pérennité sur des décennies.



- Un résultat bluffant en quelques minutes.
- Des couleurs exceptionnellement vives.
Le secret ? La presse à fleurs pour micro-ondes ! En combinant la pression à un séchage ultra-rapide, elle empêche l’oxydation et préserve les pigments les plus fragiles, comme ceux des coquelicots ou des pensées.



Mes fleurs délicates s’abîment au pressage, que faire ?
Pour les fleurs très fragiles comme le cosmos ou les myosotis, la délicatesse est de mise. Placez la fleur sur votre papier buvard, puis utilisez une pince à épiler fine pour arranger délicatement chaque pétale dans la position souhaitée avant de refermer la presse. Ne les pressez pas trop fort au début pour éviter de les écraser.



Le saviez-vous ? L’un des plus anciens herbiers connus, celui du naturaliste italien Gherardo Cibo, date des années 1530. Ses planches sont de véritables œuvres d’art, mêlant la plante séchée à des paysages peints à l’aquarelle.



Colle ou pas colle ? La méthode traditionnelle des botanistes consiste à fixer le spécimen avec de fines bandelettes de papier gommé, pour pouvoir le déplacer au besoin. Pour un but décoratif, une colle sans acide est parfaite. Appliquez-la avec un cure-dent en quelques points discrets sous les parties les plus épaisses de la plante.



L’esthétique d’un herbier ne se limite pas aux fleurs. Explorez le potentiel graphique d’autres végétaux :
- Les frondes de fougères pour leurs motifs complexes.
- Les feuilles d’érable aux couleurs automnales.
- Les graminées pour leur finesse et leur mouvement.
- Les fines tranches de fruits (kiwi, carambole) pour des textures inattendues.




Option A : Presse DIY (entre des livres). Économique et simple. Le poids est cependant inégalement réparti, ce qui peut marquer les plantes et ralentir le séchage.
Option B : Presse en bois dédiée. Assure une pression uniforme sur toute la surface grâce à ses vis de serrage. Le résultat est plus professionnel et le séchage plus efficace.
Idéal pour débuter, la presse DIY est parfaite. Si la passion s’installe, un modèle en bois devient un réel atout.



Selon les rapports des Jardins botaniques royaux de Kew, près de 40% des espèces végétales mondiales sont menacées d’extinction.
Créer un herbier, même modeste, devient alors un acte de mémoire. C’est une façon de documenter et de préserver la beauté de la biodiversité locale, un témoignage personnel de la nature à un instant T.



L’ennemi numéro un : l’humidité. Assurez-vous que vos plantes soient parfaitement sèches avant de les récolter (pas de rosée ni de pluie). C’est la garantie d’éviter les moisissures et les taches sombres qui ruineraient votre travail.



Osez l’herbier déconstruit. Au lieu de presser la plante entière, séparez délicatement les pétales, les feuilles et la tige. Vous pourrez ensuite les réassembler sur votre page dans une composition éclatée, presque abstraite. Cette approche met en valeur les formes et les textures de chaque élément individuel.



Pourquoi mes fleurs perdent-elles leur couleur et virent au brun ?
C’est souvent le signe d’une oxydation due à un séchage trop lent. Pour conserver les couleurs vives, surtout les bleus et les rouges, il faut retirer l’humidité le plus rapidement possible. Changez les feuilles de papier buvard ou de journal toutes les 24h au début du processus. C’est le geste qui fait toute la différence.



La tendance est aux cadres flottants, où la plante est prise en sandwich entre deux plaques de verre. Cela donne l’impression que votre composition lévite, créant un effet particulièrement poétique et moderne. C’est idéal pour mettre en valeur une seule feuille graphique ou une fleur délicate.




- Un séchage en 2D pour des tableaux : La presse classique.
- Une conservation en 3D pour des bijoux en résine ou des globes : Le gel de silice.
Le choix dépend de votre projet ! Le gel de silice (disponible en magasin de loisirs créatifs) absorbe l’humidité tout en préservant la forme originale de la fleur. La presse, elle, est l’outil roi de l’herbier traditionnel.



Pour aller plus loin que la simple décoration, inspirez-vous de l’art japonais de l’Oshibana (押し花). Cette discipline ancestrale ne se contente pas de presser des fleurs, elle les utilise pour créer de véritables tableaux, des paysages et des scènes détaillées. Une source d’inspiration infinie pour vos compositions.



Un détail qui change tout : Pour fixer votre plante sans traces visibles, utilisez une colle blanche vinylique au pH neutre, comme la Cléopâtre ‘Adhésive’. Déposez une goutte sur un brouillon, prélevez-en une quantité infime avec la pointe d’un cure-dent et appliquez-la sous les parties les plus épaisses de la plante. Invisible et durable !



Ne négligez pas la lumière. L’exposition directe aux rayons UV du soleil est la cause principale de la décoloration des fleurs séchées. Choisissez un mur qui n’est pas en plein soleil ou, pour une protection maximale, investissez dans un cadre avec un verre anti-UV.



Pensez à l’herbier olfactif. En pressant des plantes aromatiques comme la lavande, la menthe, le thym ou des feuilles d’eucalyptus, vous capturez non seulement leur forme mais aussi une partie de leur parfum. Une fois encadré, un léger courant d’air ou la chaleur d’un rayon de soleil peut subtilement libérer leurs arômes.




Avant de vous lancer, créez-vous une palette de couleurs. Regroupez vos trouvailles par teintes : un camaïeu de jaunes avec des boutons d’or et des pissenlits, une harmonie de bleus avec des myosotis et des véroniques… Cela vous aidera à composer des planches plus cohérentes et percutantes visuellement.



Comment presser une fleur épaisse comme une rose ou un chardon ?
Le défi des plantes volumineuses ! Pour une rose, il est préférable de la presser de profil ou de détacher ses pétales. Pour une fleur très épaisse comme un chardon, la meilleure technique est de la couper en deux dans le sens de la longueur avec un cutter de précision avant de la mettre sous presse.



Redécouvrez le langage des fleurs, très en vogue à l’époque victorienne, pour donner un sens caché à vos créations.
- La fougère : Sincérité
- La lavande : Tendresse
- Le coquelicot : Ardeur fragile
Votre herbier devient alors un message secret, un cadeau encore plus personnel.



Erreur courante : Négliger l’étiquette. Même pour un herbier purement décoratif, noter la date et le lieu de la cueillette au crayon au dos du cadre ou sur la planche transforme un simple objet déco en un véritable souvenir, une capsule temporelle de votre balade.



- Personnaliser la couverture d’un carnet.
- Créer des marque-pages uniques.
- Décorer des bougies en appliquant les fleurs sur la cire chaude.
- Orner des cartes de vœux ou des faire-part.
L’herbier sort du cadre ! Les fleurs pressées sont un matériau délicat et poétique pour sublimer toutes sortes d’objets du quotidien.



Alternative économique : fabriquez votre propre presse ! Deux planches de contreplaqué de 20×30 cm, quatre longs boulons avec écrous papillon et du carton ondulé pour l’aération. C’est une solution très efficace et peu coûteuse pour obtenir une pression bien répartie.


N’oubliez jamais de récolter avec respect. La règle d’or du botaniste : ne jamais cueillir une espèce protégée et toujours laisser plus de spécimens que vous n’en prélevez. L’idée est de conserver un souvenir, pas d’appauvrir la nature.