Un village englouti sous ce lac ? L’incroyable histoire allemande

En arrivant sur les rives du Geierswalder See, dans la région de la Lusace en Allemagne, la première impression est celle d’une sérénité absolue. L’eau scintille, des voiliers glissent doucement et des cyclistes profitent d’une piste parfaitement aménagée. On remarque surtout ces maisons design, presque futuristes, qui semblent flotter sur l’eau. Pourtant, sous cette carte postale idyllique se cache une histoire poignante : celle d’un village entier, Scado, englouti en 1964.
Ce contraste saisissant entre un passé industriel douloureux et un présent tourné vers l’avenir est ce qui rend ce lieu si unique. Ce n’est pas juste un lac de plus en Allemagne ; c’est un véritable livre d’histoire à ciel ouvert, et je dois avouer que l’expérience est bien plus profonde qu’une simple journée de détente au bord de l’eau.
Un village sacrifié sur l’autel du charbon
Là où les familles s’amusent aujourd’hui en paddle, se trouvaient autrefois les rues et les maisons du village de Scado. Dans les années 60, la région était au cœur de l’exploitation du lignite, ce charbon brun qui a alimenté l’industrie de l’ex-RDA. Pour accéder au gisement, il a fallu prendre une décision radicale : raser le village et déplacer ses quelque 6000 habitants. En 1964, les bulldozers ont tout emporté, et la mine à ciel ouvert a commencé à dévorer le paysage.
Aujourd’hui, seule une simple plaque commémorative au bord du lac rappelle cette histoire. Se tenir là, en regardant l’immensité de l’eau, est un moment vraiment émouvant. On essaie d’imaginer la vie d’avant, les bruits du village, les jardins… C’est un rappel puissant que les paysages que nous admirons ont souvent des histoires complexes et parfois douloureuses.
De la cicatrice industrielle au paradis aquatique

Après la fermeture de la mine, la nature a lentement repris ses droits. La gigantesque fosse a été mise en eau, un processus qui a pris des années, pour devenir le Geierswalder See, un lac de 653 hectares. Ce qui était une « paysage lunaire » stérile est aujourd’hui une destination florissante. J’ai été particulièrement impressionné par la qualité des infrastructures.
Le meilleur moyen de découvrir le lac est sans doute à vélo. Le sentier circulaire de 16 kilomètres est plat, parfaitement goudronné et accessible à tous. La location d’un vélo coûte environ 15 € pour la journée, un investissement que je recommande vivement. En pédalant, on passe de petites plages de sable à des zones plus sauvages, avec des vues imprenables sur le lac et les fameuses maisons flottantes. L’eau est d’une clarté surprenante, atteignant jusqu’à 34 mètres de profondeur, ce qui en fait un spot prisé pour la voile et la plongée.
Dormir sur l’eau : l’expérience des maisons flottantes

La véritable attraction, celle qu’on voit sur toutes les photos, ce sont ces maisons flottantes. Ce ne sont pas des cabanes rustiques, mais de véritables villas d’architecte posées sur l’eau, avec de grandes baies vitrées et des terrasses privées. C’est le symbole ultime de la transformation de la région : l’innovation et le design qui s’installent sur les vestiges de l’industrie.
J’ai discuté avec un couple qui y séjournait, et leur enthousiasme était communicatif. Se réveiller avec le clapotis de l’eau et une vue à 180 degrés sur le lac doit être une expérience inoubliable. C’est un luxe, bien sûr. Il faut compter entre 200 € et 350 € la nuit en haute saison, et il est impératif de réserver des mois à l’avance. Si votre budget le permet, c’est clairement le genre de folie qui transforme un simple week-end en un souvenir marquant. Pour une option plus classique mais avec une vue magnifique, l’hôtel Leuchtturm (le phare) est une excellente alternative.
Conseils pratiques pour votre visite
Pour profiter au mieux de ce lieu unique, voici quelques conseils basés sur mon expérience :
- S’y rendre : Le plus simple depuis la France est de prendre un vol pour Berlin ou Dresde. De là, la location d’une voiture est quasi indispensable. Le lac se trouve à environ 1h30 de route de Dresde et 2h de Berlin.
- Meilleure période : La période d’avril à octobre est idéale. Pour ma part, je conseille mai, juin ou septembre. Vous profiterez de températures agréables pour le vélo et les activités nautiques, avec beaucoup moins de monde qu’en plein été.
- Où manger : Pour un repas avec vue, le restaurant de l’hôtel Leuchtturm est parfait pour goûter au poisson frais du lac (plats principaux autour de 25-35 €). Pour une ambiance plus décontractée, vous trouverez des « Imbiss » (snacks) le long de la piste cyclable proposant des classiques allemands comme la Currywurst pour moins de 10 €.
- La culture sorabe : Vous remarquerez que tous les panneaux sont bilingues, en allemand et en sorabe. Les Sorabes sont une minorité slave vivant dans la région depuis des siècles, avec leur propre langue et leurs traditions. C’est un peu comme découvrir la Bretagne ou le Pays Basque en France, une culture fière au sein d’une nation plus grande.
Le Geierswalder See est bien plus qu’une destination de vacances. C’est une leçon d’écologie, de résilience et de mémoire. On y vient pour la beauté du paysage, mais on en repart avec une réflexion profonde sur la capacité de l’homme à détruire puis à réinventer son environnement. C’est un voyage qui marque l’esprit, un symbole d’espoir flottant sur les cicatrices du passé.