Distributeurs : pourquoi la nouvelle loi inquiète les retraités

Auteur Léa Bertrand
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En Allemagne, une nouvelle loi censée rendre les services bancaires plus accessibles suscite une vague d’inquiétude et de critiques chez les personnes âgées. Alors que le pays se prépare à mettre en œuvre des normes plus strictes pour les distributeurs automatiques de billets (DAB), une question demeure : à quoi bon avoir des automates parfaitement accessibles s’il n’y en a plus à proximité ? Cette interrogation, portée par les associations de seniors, met en lumière une tension croissante entre l’inclusion numérique et l’exclusion physique.

Le point de départ est le Barrierefreiheitsstärkungsgesetz (BFSG), la loi sur le renforcement de l’accessibilité, qui entrera pleinement en vigueur le 28 juin 2025. Ce texte, qui transpose une directive européenne de 2019, vise à garantir que les produits et services, y compris les DAB, soient utilisables par tous, indépendamment des capacités physiques ou sensorielles. Sur le papier, l’avancée est notable. Les nouveaux automates devront proposer des polices de caractères plus grandes, un contraste réglable, des annonces vocales, du braille ou encore la compatibilité avec les appareils auditifs.

Pourtant, pour Ursula Lenz, présidente de la fédération des associations de seniors, cette loi est une réponse technocratique à un problème bien plus humain. Elle la qualifie de « nettement insuffisante », soulignant une réalité que les textes réglementaires ignorent. « C’est un pas important, bien sûr, mais ses effets ne se feront sentir que sur le long terme », a-t-elle expliqué au magazine économique Wirtschaftswoche. En effet, la loi prévoit des périodes de transition généreuses : les automates installés avant juin 2025 pourront être exploités jusqu’à la fin de leur durée de vie, dans une limite de 15 ans. Les contrats de service existants ne devront être conformes qu’à partir de juin 2030.

Un problème plus profond : la désertification bancaire

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La critique principale des associations ne porte pas sur les fonctionnalités des nouveaux appareils, mais sur leur simple existence. Le véritable enjeu, selon elles, est la disparition progressive des points d’accès au liquide. Ce phénomène, que l’on nomme en France « désertification bancaire », frappe durement l’Allemagne. Depuis la crise financière de 2008, le secteur bancaire allemand s’est massivement restructuré. Entre 2002 et 2023, le pays a vu le nombre de ses agences bancaires chuter de plus de moitié, passant de 53 000 à seulement 21 000.

Dans un premier temps, le nombre de distributeurs avait compensé ces fermetures, atteignant un pic de 59 000 en 2018. Mais depuis, la tendance s’est inversée. En 2023, il n’en restait plus que 51 000. Chaque agence qui ferme emporte avec elle ses distributeurs, réduisant d’autant l’accès au service pour les habitants, en particulier dans les zones rurales et les petites villes.

« Quand les banques ferment des agences, elles ferment aussi les distributeurs. Elles promeuvent des solutions mobiles ou des automates déportés, mais ce n’est pas une solution pérenne pour nos aînés », insiste Ursula Lenz. Pour une personne âgée à mobilité réduite, devoir parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un distributeur transforme une simple opération en véritable expédition. Le coût de mise à niveau d’un automate, estimé entre 1 500 et 3 000 euros, pourrait même accélérer la décision de certaines banques de ne pas remplacer un appareil en fin de vie, surtout dans les zones à faible rentabilité.

Une dynamique européenne aux multiples visages

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La situation allemande n’est pas un cas isolé. Partout en Europe, les gouvernements et les institutions financières cherchent un équilibre entre la digitalisation massive des services et le maintien d’un service de proximité. La directive européenne 2019/882, à l’origine de la loi allemande, a été pensée pour une société de plus en plus numérique, mais elle se heurte à la réalité d’une population vieillissante encore très attachée à l’argent liquide et au contact humain.

En France, par exemple, le nombre de distributeurs est également en baisse constante, passant sous la barre des 46 000 en 2023. Face à cette érosion, des solutions alternatives émergent, comme les points de retrait chez les commerçants (cashback) ou les partenariats avec des buralistes. Ces initiatives, si elles pallient en partie le manque, ne remplacent pas la simplicité et la sécurité d’un distributeur bancaire traditionnel pour de nombreux usagers.

Le débat met en lumière une divergence d’intérêts fondamentale. D’un côté, les banques (Deutsche Bank, Commerzbank, etc.), soumises à des impératifs de rentabilité, réduisent leurs coûts en fermant leurs réseaux physiques. De l’autre, les associations de consommateurs et de seniors qui défendent un droit d’accès universel aux services financiers de base. Au milieu, le législateur tente d’imposer des normes d’accessibilité qui, sans une politique volontariste sur la couverture territoriale, risquent de rester lettre morte pour une partie de la population.

Les grandes banques allemandes ont déjà commencé à adapter leurs systèmes, mettant à jour les logiciels pour intégrer le paiement sans contact ou des menus simplifiés. Mais ces efforts, bien que conformes à la loi, ne répondent pas à la critique centrale. L’enjeu n’est pas seulement de savoir *comment* on retire de l’argent, mais avant tout *où* l’on peut encore le faire. La nouvelle loi, avec ses amendes pouvant atteindre 100 000 euros en cas de non-conformité, se concentre sur la qualité technique de l’automate, mais reste silencieuse sur la question cruciale de son implantation géographique.

La question reste donc entière : cette loi sera-t-elle une réelle avancée pour l’inclusion, ou simplement un pansement technique sur la plaie béante de la fracture territoriale et numérique ? Pour des millions de retraités allemands, la réponse semble déjà claire : un distributeur parfaitement accessible mais situé à dix kilomètres de chez soi n’est, en fin de compte, pas accessible du tout.

Léa Bertrand

Jardinière Passionnée & Cuisinière du Potager
Ses terrains de jeu : Potager bio, Culture en pots, Recettes du jardin
Léa a découvert sa vocation en cultivant son premier potager sur un balcon de 4m². Depuis, elle n'a cessé d'expérimenter et de partager ses découvertes. Issue d'une famille de maraîchers bretons, elle a modernisé les techniques traditionnelles pour les adapter à la vie urbaine. Sa plus grande fierté ? Réussir à faire pousser des tomates sur les toits de Lyon ! Quand elle n'a pas les mains dans la terre, elle concocte des recettes avec ses récoltes ou anime des ateliers de jardinage dans les écoles de son quartier.