Le Jardin Anglais : Créez Votre Propre Fouillis Organisé (Même Pour les Débutants)
On me demande souvent comment faire pour avoir un vrai jardin à l’anglaise. Beaucoup imaginent un coin de nature un peu sauvage, très romantique, et surtout, facile à vivre. L’idée est belle, c’est sûr. Mais après plus de vingt ans passés à dessiner des jardins, j’ai appris une chose essentielle : le jardin anglais n’est absolument pas un terrain laissé à l’abandon. C’est même tout l’inverse.
Contenu de la page
- 1. Avant de toucher à la pelle, comprenez votre terrain
- 2. Passez à la conception : les secrets des pros
- 3. Les éléments clés et leurs secrets de fabrication
- 4. Le choix des plantes : la bonne plante au bon endroit
- 5. L’entretien : l’art de guider et d’éditer
- L’erreur de débutant à éviter à tout prix
- Un dialogue avec la nature
- Inspirations et idées
Ce fameux aspect sauvage est en réalité une illusion parfaitement orchestrée. C’est un jardin qui demande plus d’observation que de gros efforts, plus de connaissance des plantes que de force dans les bras. Oubliez donc l’idée d’un jardin sans entretien ; pensez plutôt à un entretien différent, une sorte de dialogue permanent avec votre terrain. Allez, je vous emmène avec moi et je vous partage mon approche, celle qui m’a permis de créer des jardins qui semblent avoir toujours été là.
1. Avant de toucher à la pelle, comprenez votre terrain
Avant même de penser à planter quoi que ce soit, il faut saisir la philosophie du truc. Le jardin à la française, c’est la maîtrise totale, la nature forcée dans des lignes droites et des formes géométriques. Le jardin anglais, lui, fait le contraire : il cherche à imiter la nature, à la sublimer. Il joue avec les courbes, les chemins qui serpentent et des associations de plantes qui ont l’air d’être apparues par hasard. Mais croyez-moi, chaque plante est choisie avec soin et chaque vue est pensée comme un tableau.

La base de tout : le sol est votre patron
C’est l’erreur que je vois partout, tout le temps. Un client, tout feu tout flamme, achète toutes les plantes qui lui plaisent en jardinerie sans la moindre idée de la nature de son sol. Six mois plus tard, la moitié des plantes sont mortes ou végètent péniblement. Le sol, c’est le chef d’orchestre. Vous devez le connaître.
Pour un résultat pro, une analyse en laboratoire agricole est un excellent investissement. Ça coûte entre 50 € et 100 €, et pour trouver un labo, il suffit de taper « analyse de sol agricole + votre département » sur internet. Vous saurez tout : le pH (acide ou calcaire) et la texture (sableux, argileux…). Un sol argileux est riche mais lourd, tandis qu’un sol sableux est léger mais pauvre. Savoir ça, c’est la clé pour choisir des plantes qui s’épanouiront sans se battre constamment contre la nature.

D’ailleurs, si votre budget est plus serré, pas de panique ! Achetez un simple kit de test de pH en jardinerie pour moins de 15 €. Ce sera moins précis, bien sûr, mais c’est mille fois mieux que de naviguer à l’aveugle.
Observez la lumière, le vent et l’eau
Si vous le pouvez, prenez une année pour observer votre terrain. Prenez des photos à différentes heures, à différentes saisons. Repérez les zones qui grillent au soleil en été et celles qui restent à l’ombre. Notez où le vent s’engouffre et où l’eau de pluie a tendance à stagner. Ces observations sont de l’or. Elles vous diront où placer le banc pour la sieste et quel arbuste appréciera le soleil du matin.
2. Passez à la conception : les secrets des pros
Une fois que vous connaissez bien votre terrain, sortez un carnet. Un simple croquis suffit, pas besoin d’être un artiste. L’important est de placer les éléments qui vont structurer votre jardin, même en hiver.

L’ossature, les « os » du jardin
L’ossature, c’est ce qui reste visible quand les feuilles sont tombées : les arbres, les grands arbustes, les chemins, un muret… Commencez par placer les arbres, car ils donnent de la hauteur. Pensez TOUJOURS à leur taille adulte ! Planter un grand arbre à cinq mètres de la maison est une erreur classique qui coûte une fortune à réparer des années plus tard.
Ensuite, dessinez les chemins. Ils doivent être sinueux pour inviter à la découverte. Prévoyez une largeur de 80 cm pour être à l’aise, et 1,20 m si vous voulez vous y promener à deux. Ces allées vont naturellement créer des « pièces » dans votre jardin : une pelouse ici, un grand massif là.
Le secret des massifs à l’anglaise : planter en masse
La signature du jardin anglais, c’est le « mixed-border », cette large plate-bande où se mélangent arbustes, vivaces, graminées et bulbes. Pour un effet naturel, on ne plante jamais une plante toute seule. On plante par groupes, en créant des taches de couleur et de texture.

La règle est simple : utilisez des nombres impairs. Plantez 3, 5 ou 7 plants de la même fleur ensemble, en les disposant en triangle ou en nuage. Répétez ensuite ce même groupe un peu plus loin dans le massif pour créer du rythme et de l’unité.
Mon kit de démarrage pour un coin de soleil de 3m² (budget environ 80€) :
Pour vous lancer, voici une recette qui marche à tous les coups. Achetez :
- 1 graminée haute (un Miscanthus, par exemple) pour la structure et la verticalité.
- 3 pieds de sauge vivace (Salvia ‘Caradonna’ est incroyable) pour la couleur.
- 5 géraniums vivaces (comme le Geranium ‘Rozanne’) pour couvrir le sol et fleurir longtemps.
Plantez-les en groupes comme expliqué, et voilà ! Vous avez déjà une scène qui a de l’allure et qui fonctionnera dès la première année.
3. Les éléments clés et leurs secrets de fabrication
Un jardin anglais réussi combine plusieurs éléments. Choisissez ceux qui vous plaisent et qui sont adaptés à votre espace.

Les chemins : bien plus qu’un passage
L’ambiance de votre jardin dépendra beaucoup du matériau de vos allées. L’option la plus naturelle et la plus économique, c’est sans conteste les copeaux de bois. On trouve des sacs pour environ 5€ en jardinerie, et l’odeur après la pluie est un pur bonheur. Il faudra juste en rajouter une petite couche tous les deux ou trois ans. Pour un rendu plus durable, le gravier est un excellent choix, à condition de poser un feutre géotextile dessous pour éviter les mauvaises herbes. Enfin, il y a les dalles en pierre posées en « pas japonais ». C’est plus cher à l’achat (comptez entre 5€ et 15€ la dalle), mais c’est très esthétique et facile à poser soi-même. Attention, certaines surfaces lisses peuvent devenir de vraies patinoires en hiver ! Un petit coup de nettoyeur haute pression par an peut être nécessaire.
L’étang : un miroir pour le ciel
Un point d’eau, même petit, transforme un jardin. Il attire les oiseaux, les libellules… C’est un projet un peu technique, mais accessible. La solution la plus fiable est la bâche EPDM, une membrane en caoutchouc super solide qui peut durer plus de 30 ans. N’essayez pas d’économiser avec une bâche en plastique bas de gamme, la première racine la percera. Pensez à créer une pente douce sur l’un des bords pour que les animaux puissent boire et sortir facilement.

Attention, point crucial sur la sécurité : la loi est très stricte. Tout bassin non clôturé doit être équipé d’un dispositif de sécurité normalisé (alarme, barrière…). C’est votre responsabilité, renseignez-vous bien.
La prairie fleurie : un choix plus exigeant qu’il n’y paraît
Pour réussir une prairie fleurie, il ne suffit pas de jeter des graines sur la pelouse. L’herbe est trop riche et étouffera tout. Il faut faire l’inverse de ce qu’on fait d’habitude : appauvrir le sol. Décapez la pelouse et la terre de surface, puis semez un mélange de graines spécial « sol pauvre » que vous trouverez chez des semenciers spécialisés en ligne. L’entretien se limite à une ou deux fauches par an, après la montée en graines des fleurs.
4. Le choix des plantes : la bonne plante au bon endroit
C’est la partie la plus fun ! Mais elle doit se baser sur tout votre travail d’observation. Je classe toujours les plantes en trois catégories.

- L’ossature (arbres et arbustes) : Ils forment la charpente. Pensez aux hortensias en climat frais, aux cistes et lavandes en climat sec, ou aux lilas en sol calcaire.
- Les acteurs principaux (vivaces et graminées) : Ils assurent le spectacle. Pour le soleil, les sauges, échinacées et gauras sont des valeurs sûres. À mi-ombre, pensez aux géraniums vivaces, aux cœurs-de-Marie et aux anémones du Japon. N’oubliez JAMAIS les graminées (Pennisetum, Stipa…) pour la légèreté et le mouvement. On ne les taille qu’en fin d’hiver pour profiter de leur silhouette givrée.
- Les invités surprises (plantes qui se ressèment) : Les ancolies, digitales ou coquelicots adorent s’inviter où bon leur semble. Laissez-les faire (avec modération !). C’est ce qui donne cette touche de spontanéité si charmante. Bon à savoir : la digitale est magnifique mais très toxique. Manipulez-la avec des gants et soyez vigilant avec les enfants.
Et si vous n’avez pas de jardin ? Créez un mini-jardin anglais en pot !
Prenez un grand pot d’au moins 40 cm de diamètre. Au centre, placez une graminée pour la hauteur. Sur le bord, un lierre ou une autre plante retombante. Et pour remplir, quelques fleurs de saison. C’est le même principe de fouillis organisé, mais en version miniature !

5. L’entretien : l’art de guider et d’éditer
Entretenir un jardin anglais, c’est moins tailler et nettoyer frénétiquement que d’observer et d’intervenir au bon moment. C’est un travail d’édition.
En fin d’hiver, on fait le grand ménage en coupant les tiges sèches des vivaces et graminées. C’est aussi le moment d’apporter un peu de compost au pied des plantes les plus gourmandes (une couche de 2 cm suffit amplement). L’été, on supprime quelques fleurs fanées pour relancer la floraison, et on arrache les semis spontanés qui sont au mauvais endroit. En automne, on plante les bulbes pour le printemps suivant et on utilise les feuilles mortes comme paillage pour les massifs. C’est gratuit et excellent pour le sol !
L’erreur de débutant à éviter à tout prix
Je pourrais vous en citer des dizaines, mais la plus grande erreur est de vouloir que tout soit parfait la première année. C’est tout simplement impossible. Un jardin anglais, c’est comme un bon vin : il se bonifie avec le temps. Les résultats les plus spectaculaires apparaissent après trois, cinq, voire dix ans. Alors, le mot d’ordre est : patience !
Un dialogue avec la nature
Créer un jardin anglais, c’est un projet qui rend humble. Il faut accepter qu’on ne contrôle pas tout. Parfois, une plante que vous adorez ne se plaira pas, tandis qu’une autre, que vous n’attendiez pas, deviendra la star du massif. Votre jardin ne sera jamais vraiment « fini ». Il évoluera avec vous et avec les saisons.
Le vrai plaisir est dans ce cheminement. Dans l’observation d’une nouvelle fleur qui s’ouvre, dans le bruissement du vent dans les graminées, et dans l’immense satisfaction de voir un écosystème bien vivant s’installer là où il n’y avait qu’une simple pelouse.
Inspirations et idées
- ‘Gertrude Jekyll’ : une variété David Austin iconique pour son parfum puissant de rose ancienne et ses rosettes parfaites.
- ‘Souvenir de la Malmaison’ : une rose Bourbon aux fleurs plates, couleur nacre, qui évoquent un charme désuet.
- ‘New Dawn’ : un grimpant vigoureux et très résistant aux maladies, idéal pour habiller un mur ou une pergola de cascades de fleurs rose pâle.
Le secret ? Ne taillez pas trop sévèrement ces variétés pour conserver leur port souple et naturel.
L’astuce du paysagiste : intégrez le
Le saviez-vous ? L’association de la lavande et des rosiers n’est pas qu’esthétique. La lavande a un effet répulsif reconnu sur les pucerons.
En intégrant quelques pieds de lavande ‘Hidcote’ ou ‘Grosso’ dans vos massifs de roses, vous créez une barrière olfactive naturelle. C’est le principe de la lutte biologique, pilier d’un jardinage à l’anglaise qui favorise les équilibres écologiques plutôt que les traitements chimiques systématiques.
Vos massifs semblent trop rigides, artificiels ?
C’est souvent dû à une plantation en lignes ou en blocs carrés. Pour un effet naturel, pensez en
L’esprit du jardin anglais se niche jusque dans le choix des outils. Oubliez le plastique et préférez des matériaux nobles qui se patinent. Un transplantoir en acier inoxydable forgé à la main de la marque anglaise Burgon & Ball ou une serfouette en bronze offrent une connexion plus authentique à la terre. Ces objets ne sont pas de simples instruments, mais des compagnons de jardinage qui racontent une histoire.
Pour vos allées, quel matériau choisir ?
Option A (le charme rustique) : Les briques de récupération. Elles apportent une patine inégalable et de la structure. Leur pose sur un lit de sable permet à de petites plantes (thym serpolet, petites campanules) de coloniser les joints.
Option B (l’intégration naturelle) : Le paillis d’écorce de pin. Souple sous le pied, il se fond dans le paysage et supprime les mauvaises herbes. Idéal pour les chemins serpentant entre les massifs.
« Un jardin est un grand professeur. Il enseigne la patience et l’observation attentive ; il enseigne l’assiduité et l’économie ; mais par-dessus tout, il enseigne une confiance absolue. »
Cette citation de Gertrude Jekyll, figure emblématique du jardin anglais, résume parfaitement la philosophie à adopter : observer, apprendre et faire confiance à la nature.
Ne négligez pas les feuillages ! L’erreur du débutant est de ne penser qu’aux fleurs. Or, ce sont les textures et les couleurs des feuilles qui assurent le spectacle toute l’année.
- Associez le feuillage plumeux des fougères au feuillage large des Hostas.
- Mélangez le gris argenté des Stachys byzantina (oreilles d’ours) avec le pourpre d’un Heuchère.
- Utilisez des graminées comme le Stipa pour apporter du mouvement et de la légèreté.
Rien n’égale l’atmosphère d’un jardin anglais au crépuscule. C’est le moment où les couleurs vives s’adoucissent en pastels, où les parfums du chèvrefeuille, du jasmin étoilé et des roses du soir s’intensifient. Le simple bruissement d’une graminée dans la brise et le dernier chant d’un merle suffisent à créer une symphonie apaisante. Un instant suspendu, purement magique.
- Une structure verticale qui se fond dans le décor.
- Un support idéal pour les pois de senteur ou les clématites.
- Un coût de fabrication absolument nul.
Le secret ? Un simple tuteur en tipi (ou obélisque) réalisé au printemps avec des branches de noisetier ou de saule fraîchement coupées et simplement liées au sommet. En séchant, la structure se rigidifie et se patine naturellement.