Devenir Décorateur d’Intérieur : Le Vrai Job Derrière les Belles Photos

Auteur Chloé Lambert

Je me souviens encore de mon tout premier projet en solo. J’étais jeune, bouillonnant d’idées, et le client rêvait d’une ambiance « chaleureuse et moderne ». Sans hésiter, j’ai proposé un mur rouge carmin et des meubles design très épurés. Sur le papier, c’était sublime. Mais j’avais zappé l’essentiel : observer comment la famille vivait VRAIMENT. Le mur rouge, si chic sous les spots de ma présentation 3D, devenait écrasant le soir dans leur petit salon. La table basse, pensée comme un objet d’art, servait en réalité de bureau pour les devoirs des enfants… Mes choix étaient beaux, mais ils n’étaient pas justes. Ce fut une leçon, un peu dure, mais fondamentale. La déco, ce n’est pas placarder sa propre vision. C’est avant tout écouter, décoder un mode de vie pour le traduire en un espace qui soit à la fois beau et, surtout, fonctionnel.

Au fait, une question qui revient sans cesse : c’est quoi la différence avec un architecte d’intérieur ? C’est simple, mais crucial. En tant que décoratrice, j’agis sur l’existant. Je suis la styliste de la maison. Je joue avec les couleurs, les matières, la lumière, le mobilier pour créer une atmosphère, une âme. L’architecte d’intérieur, lui, peut toucher à la structure même du bâtiment. Il a le droit de casser un mur porteur, de créer une fenêtre ou de déplacer des canalisations. Son métier engage une responsabilité bien plus lourde, avec des assurances spécifiques, car il modifie le squelette de la maison. On est très complémentaires, en fait. Souvent, il dessine les volumes, et moi, je leur donne vie.

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Cet article, ce n’est pas un catalogue de formations. C’est un partage d’expérience, sans filtre. Si vous songez à cette voie, que ce soit pour une première carrière ou une reconversion, je vous offre un aperçu honnête de ce qui vous attend. Un métier bien plus technique et humain que ce que les émissions télé veulent bien nous montrer.

Partie 1 : Les Fondations Essentielles du Métier

L’écoute et la psychologie : votre premier outil

Franchement, le talent créatif pur ne représente qu’une petite partie du job. La compétence numéro un, c’est l’écoute. Un client ne sait pas toujours mettre les bons mots sur ses envies. Il faut apprendre à lire entre les lignes. J’ai eu un couple qui me parlait d’un intérieur « minimaliste ». En discutant, en regardant leurs objets, j’ai compris qu’ils ne voulaient pas d’un espace froid et vide. Leur vrai besoin, c’était un endroit bien rangé, facile à vivre, sans pollution visuelle. Le mot-clé était « organisation », pas « minimalisme ». On a donc bossé sur des rangements sur mesure, malins et intégrés. Le résultat leur ressemblait, il n’était pas la copie d’une page de magazine.

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Il faut aussi avoir une petite fibre de psychologue. On entre dans l’intimité des gens, parfois au milieu de tensions familiales. Un projet de déco, ça peut faire ressortir des désaccords dans un couple. L’un veut du bleu, l’autre du vert… Mon rôle, c’est de trouver le juste milieu, le compromis qui rendra tout le monde heureux. Sans être thérapeute, la diplomatie est essentielle.

La technique, le secret derrière l’esthétique

Avoir bon goût, c’est bien, mais ça ne suffit pas pour dessiner un plan qui tient la route. La rigueur technique est indispensable. Avant même de penser à une couleur, je dégaine mon télémètre laser (un bon investissement, comptez entre 50€ et 100€ chez Castorama ou en ligne). Je mesure tout, au centimètre près. Une erreur de 5 cm, et le canapé commandé sur mesure ne passe plus la porte. Croyez-moi, ça n’arrive qu’une fois.

La science des couleurs et de la lumière : Choisir une couleur n’est pas qu’une affaire de goût, c’est presque de la physique. Il faut comprendre comment la lumière naturelle va transformer une teinte. Un gris perle magnifique sur un échantillon peut virer au bleu tristounet dans une pièce orientée au nord, alors qu’il paraîtra doux et chaleureux au sud. C’est pour ça que je ne valide JAMAIS une couleur sans l’avoir testée en grand sur le mur concerné. On observe le rendu le matin, à midi, et le soir avec les lumières allumées. D’ailleurs, petit test amusant : prenez une photo de votre mur blanc à 9h, 14h, et 20h. Vous verrez que ce n’est jamais la même couleur. Voilà, vous touchez au cœur de notre métier !

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La connaissance des matériaux : On ne choisit pas un matériau juste pour son look. Il faut penser durabilité, entretien, budget. Un parquet en chêne massif, c’est superbe, un vrai investissement à vie (autour de 80€ à 150€ le m²), mais il se raye et n’aime pas l’eau. Pour une cuisine ouverte avec des enfants, je conseillerai plus volontiers un grès cérame imitation bois, bien plus résistant et souvent plus abordable (entre 40€ et 70€ le m²). Pareil pour les tissus : le velours est sublime mais c’est un aimant à poussière et à poils d’animaux. Le lin est chic et naturel, mais il se froisse rien qu’en le regardant. Mon rôle, c’est de présenter les options honnêtement, avec les avantages et les inconvénients de chaque solution.

Partie 2 : Les Chemins pour se Lancer et se Former

Il n’y a pas de voie royale pour devenir décorateur. J’ai croisé d’excellents pros avec des parcours très variés. Le diplôme peut rassurer, mais c’est la compétence sur le terrain qui fait toute la différence.

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La voie académique : pour des bases solides

Suivre une formation reconnue par l’État, comme un BTS ou un DN MADE, est le chemin le plus balisé. Ces cursus de 2 ou 3 ans après le bac sont parfaits pour acquérir le jargon technique, apprendre à dessiner des plans, et dialoguer avec les artisans. Les parcours plus longs, de niveau Master dans de prestigieuses écoles d’arts appliqués, ouvrent les portes des grandes agences en formant des concepteurs de haut niveau. Si vous êtes jeune, c’est une voie sûre, notamment grâce aux stages qui vous plongent directement dans le bain.

La reconversion professionnelle : une seconde chance passionnante

De plus en plus de gens se tournent vers ce métier après 30, 40 ou 50 ans. C’est mon cas ! Et mon ancienne vie de commercial m’aide tous les jours à gérer mes budgets et négocier avec les fournisseurs. Pour ceux qui se reconvertissent, les formations à distance sont tentantes. Attention, il faut bien choisir !

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  • Vérifiez la certification : La formation est-elle inscrite au RNCP ? C’est un gage de sérieux reconnu par l’État.
  • Regardez le contenu pratique : Assurez-vous qu’elle inclut des projets concrets, la création d’un book, et l’apprentissage de logiciels (comme SketchUp pour la 3D).
  • Cherchez le contact humain : Un tuteur pour vous suivre ? Des corrections personnalisées ? Une formation 100% en ligne sans personne à qui parler est rarement suffisante.

Petit conseil pour démarrer lundi matin : complétez TOUJOURS une formation en ligne par des stages. Contactez des décorateurs, des cuisinistes… Proposez votre aide. C’est la meilleure école.

L’autodidacte : la voie du courage (et de la débrouille)

Peut-on y arriver sans diplôme ? Oui. Est-ce facile ? Absolument pas. Votre meilleur (et seul) atout sera votre portfolio, votre book. Il doit être béton. Personne pour vous confier un projet ? Créez-le vous-même ! Définissez 3 projets fictifs pour montrer votre talent : par exemple, l’aménagement d’un studio d’étudiant avec un budget serré de 2000€, la conception d’une suite parentale de luxe, et la rénovation fonctionnelle d’une cuisine familiale. Ça prouve que vous êtes polyvalent et créatif.

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Partie 3 : Un Projet de A à Z, la Vraie Vie de Chantier

Un projet de déco, c’est un marathon. Voici les étapes clés que je suis pour chaque client.

  1. Le rendez-vous découverte (1-2h) : Je deviens détective. Je pose des questions sur la vie, pas sur la déco. Qui vit ici ? Quels sont vos rituels ? Où posez-vous vos clés ? C’est la phase la plus importante pour cerner les vrais besoins.
  2. Le devis et le contrat : La transparence, c’est la base de la confiance. Mon devis détaille ma mission et mes honoraires. Pour vous donner une idée, un simple coaching couleur ou agencement peut être facturé au forfait, entre 400€ et 800€ la pièce. Une mission de conception plus complète (planches d’ambiance, vues 3D, liste d’achats) pour un salon de 30m² se situe plutôt entre 1500€ et 3000€. Pour un projet complet avec suivi de chantier, on est souvent sur un pourcentage du montant des travaux, en général entre 10% et 15%. C’est aussi à ce moment que je présente mon assurance Responsabilité Civile Professionnelle (RC Pro), qui est obligatoire et coûte entre 300€ et 600€ par an.
  3. La phase de conception : C’est la partie fun ! Je commence par des planches d’ambiance (moodboards). Une fois le style validé, je passe aux plans 2D pour optimiser l’espace, puis à la 3D pour que le client puisse vraiment se projeter. C’est magique, les visuels 3D aident énormément à la décision. Cette phase prend en moyenne 2 à 4 semaines pour une pièce.
  4. Le dossier de consultation : C’est le cahier des charges technique que j’envoie aux artisans. Il détaille tous les travaux, les références, les finitions. C’est un travail de l’ombre, fastidieux mais essentiel pour avoir des devis comparables et maîtriser le budget.
  5. Le suivi de chantier : C’est là que tout prend forme… et que les imprévus arrivent ! Mon rôle est de coordonner les artisans, de vérifier la conformité des travaux et de trouver des solutions quand un mur n’est pas droit. C’est la phase la plus longue et stressante. Pour une rénovation simple, on part sur 1 à 2 mois. Pour un projet de rénovation complète, ça peut facilement durer de 3 à 6 mois.

Partie 4 : Construire sa Carrière (et Éviter les Pièges)

Le réseau d’artisans : votre bien le plus précieux

Un décorateur seul n’est rien. Mon peintre, mon menuisier, mon électricien… ce sont mes partenaires de confiance. J’ai mis des années à bâtir ce réseau. La qualité de leur travail, c’est la qualité de mon projet. Je les chouchoute, je paie leurs factures sans retard, et en échange, ils me sauvent la mise quand il y a un pépin.

Les 3 erreurs du débutant à éviter absolument

Avec le temps, on apprend de ses erreurs. Si je peux vous en épargner quelques-unes, ce sera déjà ça de gagné :

  • L’oubli fatal : Ne pas mesurer les passages ! La cage d’escalier, l’ascenseur, les angles des couloirs… Le canapé sublime qui reste bloqué sur le palier, c’est un grand classique du cauchemar de décorateur. Mesurez TOUT.
  • Le temps invisible : Sous-estimer le temps passé sur l’administratif, les devis, les mails, la compta. On passe presque autant de temps devant son ordinateur que sur un chantier.
  • Le mauvais feeling : Apprendre à dire « non » à un client avec qui le courant ne passe pas dès le premier rendez-vous. Un projet, c’est une aventure humaine. Si la confiance n’est pas là au départ, le chemin sera pénible pour tout le monde.

Se spécialiser pour exister

Le marché est plein de talents. Pour se démarquer, se spécialiser est une excellente idée. Certains de mes confrères sont devenus des experts en cuisines ou salles de bain. D’autres ne font que des boutiques ou des restaurants, avec des contraintes réglementaires très spécifiques. D’autres encore se sont tournés vers l’éco-conception, avec des matériaux sains et durables. Trouver sa niche, c’est attirer la bonne clientèle et devenir une référence.

Un métier de passion… et de beaucoup de rigueur

Se lancer dans la décoration d’intérieur, c’est un projet magnifique. Honnêtement, voir les yeux d’un client qui brillent quand il découvre son nouveau chez-lui, ça n’a pas de prix. Mais ne vous laissez pas berner. Les belles photos sur les réseaux sociaux ne montrent pas les heures passées dans la poussière, à négocier des devis ou à gérer un retard de livraison.

C’est un vrai métier de chef d’orchestre, qui demande de la créativité, bien sûr, mais surtout une organisation de fer, une bonne dose de sang-froid et un immense sens des responsabilités. Si vous êtes prêt à embrasser toutes ces facettes, des plus grisantes aux plus ingrates, alors vous avez peut-être trouvé votre voie. Le chemin est exigeant, mais le jeu en vaut la chandelle. Parce qu’au fond, notre job, c’est d’améliorer un peu la vie des gens. Et ça, c’est un sacré privilège.

Inspirations et idées

Une idée reçue tenace : faut-il savoir dessiner à la perfection ?

Pas nécessairement comme un artiste ! Si une sensibilité au dessin aide, les outils numériques ont changé la donne. La maîtrise d’un logiciel comme SketchUp pour la modélisation 3D rapide ou d’une application comme Procreate sur iPad pour des croquis d’intention est aujourd’hui plus cruciale. L’objectif n’est pas l’œuvre d’art, mais de communiquer efficacement une vision et des proportions au client.

Le marché français de la décoration et de l’aménagement d’intérieur représente plus de 15 milliards d’euros.

Cette dynamique prouve que le métier a de l’avenir, mais elle entraîne aussi une concurrence accrue. Pour se démarquer, la spécialisation est une piste sérieuse : design biophilique, aménagement pour le télétravail, expertise en habitat senior, ou encore la rénovation éco-responsable avec des matériaux biosourcés.

Le carnet d’adresses : c’est le véritable actif immatériel du décorateur. Tisser des liens de confiance avec un panel d’artisans fiables – un peintre minutieux, un menuisier créatif, un électricien force de proposition – est aussi important que le talent créatif. C’est la garantie d’une exécution fidèle à la vision et d’une gestion de chantier sereine pour le client.

  • Une validation claire de la direction esthétique.
  • Un fil conducteur pour chaque décision d’achat.
  • Une définition précise de la palette de couleurs ET de textures.

Le secret d’un moodboard qui fonctionne ? Aller au-delà des images. Intégrez de vrais échantillons : un carré de tissu de chez Pierre Frey, une lamelle de parquet, une poignée de porte en laiton… Ces éléments tangibles transforment une simple inspiration en un véritable projet sensoriel.

Penser un espace, c’est aussi orchestrer une expérience pour tous les sens. La vue est évidente, mais quid des autres ? Pensez à la douceur d’un plaid en mohair, à l’acoustique feutrée apportée par un tapis épais en laine de chez cc-tapis, à la fraîcheur d’un plan de travail en pierre naturelle, ou même à la signature olfactive discrète d’un diffuseur.

Kit de survie pour le premier rendez-vous :

  • Un télémètre laser (type Bosch PLR) pour des mesures rapides et fiables.
  • Un nuancier de référence, comme le Colour Chart de Farrow & Ball ou celui de Ressource.
  • Une tablette pour présenter votre portfolio et créer un moodboard en direct.
  • Un carnet, non pas pour tout noter, mais pour capturer les mots-clés du client et observer sa gestuelle.

« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’apparence du design, mais ce qu’il accomplit. » – Ilse Crawford

Option A : La prestation de conseil. Idéale pour les petits budgets. Mission courte (2-3h), focalisée sur des solutions concrètes (couleurs, agencement). Le client reçoit un compte-rendu et met en œuvre lui-même.

Option B : Le projet complet. De la conception à la livraison. Inclut plans 3D, shopping-list, coordination des artisans et suivi de chantier. C’est la formule la plus confortable pour le client, mais aussi la plus engageante.

Proposer ces deux niveaux permet de s’adapter à une clientèle plus large.

Face à la demande du client, le rôle du décorateur est de distinguer l’éphémère du durable. L’astuce est de réserver les tendances fortes aux éléments faciles et peu coûteux à remplacer.

  • L’audace sur les accessoires : coussins, luminaires, petits objets déco, un lé de papier peint audacieux sur un seul mur.
  • La pérennité sur le gros œuvre : un sol de qualité, un canapé aux lignes intemporelles, des menuiseries sur mesure.

Un bon projet commence par un bon contrat. Loin d’être une simple formalité, c’est un outil de travail qui sécurise les deux parties. Il doit définir précisément le périmètre de la mission (simple conseil, projet clé en main…), la nature des livrables (planches d’ambiance, vues 3D, shopping list détaillée…), la structure des honoraires (au forfait, au pourcentage, à l’heure) et un échéancier de paiement clair.

Chloé Lambert

Décoratrice Contemporaine & Chasseuse de Tendances
Ses spécialités : Design moderne, Éclairage d'ambiance, Mobilier design
Chloé a l'œil pour repérer les tendances avant qu'elles n'arrivent dans les magazines. Après plusieurs années dans le merchandising visuel pour de grandes enseignes, elle s'est lancée dans le conseil déco. Son appartement lyonnais est un véritable showroom où elle teste toutes ses idées avant de les partager. Fascinée par l'impact de la lumière sur nos émotions, elle collectionne les luminaires vintage qu'elle mélange avec des pièces ultra-modernes. Son secret ? Ne jamais suivre les règles à la lettre.