Ce film a secoué Hollywood : décryptage d’une victoire qui a tout changé

Découvrez comment Parasite a bouleversé l’histoire des Oscars 2020 en devenant le premier film coréen à remporter le prestigieux prix du meilleur film.

Auteur Laurine Benoit

J’ai vu un paquet de cérémonies de remise de prix. Honnêtement, la plupart du temps, on sait d’avance qui va gagner. Les jeux sont faits des semaines avant. Mais cette soirée-là, il y avait quelque chose de différent dans l’air, une électricité palpable même à travers l’écran. Quand le nom de Parasite a retenti pour le prix suprême, ce n’était pas juste une surprise. C’était un tremblement de terre.

On a senti, à ce moment précis, qu’une page de l’histoire du cinéma se tournait. Franchement, c’est pour ces moments-là qu’on aime le cinéma.

Alors, comment un film en langue étrangère, sans aucune star américaine, a-t-il pu réaliser un tel exploit ? Ce n’est pas juste de la chance ou un simple coup de cœur. C’est le résultat d’une tempête parfaite : un film génial, une stratégie de distribution brillante, et un système de vote qui, pour une fois, a favorisé l’outsider. On va décortiquer tout ça, sans le jargon habituel.

La cérémonie des Oscars 2020 s'est tenue ce dimanche soir avec son lot de vainqueurs et de vaincus

Le secret des votes : la règle méconnue qui a tout fait basculer

Pour comprendre cette victoire, il faut d’abord parler d’un truc un peu technique, mais promis, c’est simple et ça explique tout : le « scrutin préférentiel ». Pour l’Oscar du meilleur film, les votants ne choisissent pas juste UN film. Ils classent tous les nominés, de leur préféré à celui qu’ils aiment le moins.

Pourquoi c’est crucial ? Parce que si aucun film n’obtient 50% des votes de « première place », celui qui en a le moins est éliminé. Ses bulletins sont alors redistribués à leur deuxième choix. Et on continue comme ça jusqu’à ce qu’un film dépasse la barre des 50%.

Ça change tout ! Ce système ne récompense pas forcément le film le plus passionnément aimé, mais souvent celui qui est le plus largement apprécié. Un film comme Joker, par exemple, était hyper clivant : soit on l’adorait (et on le mettait en n°1), soit on le détestait (et on le classait bon dernier). Pareil pour 1917, une claque visuelle qui a pu laisser certains spectateurs un peu froids côté émotion.

Le réalisateur sud-coréen est le grand gagnant de cette cérémonie des Oscars 2020 avec son film Parasite

Parasite, lui, avait un avantage monstre : il était quasi impossible de ne pas l’aimer. C’est une œuvre qui mélange les genres avec une facilité déconcertante. Que vous soyez fan de comédie, de drame social ou de suspense, vous y trouvez votre compte. Du coup, même s’il n’était pas le n°1 de tout le monde, il était très souvent le n°2 ou le n°3. Il a tranquillement récupéré les voix des autres films éliminés, jusqu’à la victoire. C’est une mécanique implacable.

La recette du chef-d’œuvre : quand tout est parfait

Bien sûr, une bonne stratégie ne suffit pas. Le film est une véritable leçon de cinéma. Chaque aspect, du scénario aux décors, est d’une intelligence folle.

Un scénario en forme de poupées russes

Le script est un petit bijou d’écriture. On passe de la comédie au thriller, puis au drame poignant sans jamais sentir la moindre rupture. Tout est fluide. Le symbolisme est partout, mais jamais lourd. Les escaliers, par exemple, illustrent parfaitement la hiérarchie sociale : une famille ne fait que descendre pour rentrer chez elle, l’autre ne fait que monter. Et puis il y a cette idée de génie : l’odeur comme marqueur de classe sociale, un détail si simple et si puissant.

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La maison, un personnage à part entière

La direction artistique est juste bluffante. Bon à savoir : la maison ultra-moderne n’existe pas en vrai. Elle a été entièrement construite en studio, pour les besoins du film. Chaque angle de vue, chaque fenêtre, chaque couloir a été pensé pour servir l’histoire. La baie vitrée immense du salon, par exemple, est un symbole de richesse, mais aussi une vitrine qui expose la famille aux regards. C’est un décor qui raconte quelque chose, bien plus qu’un simple fond.

Le contraste avec le logement miteux de l’autre famille, un appartement en sous-sol (le fameux banjiha), est saisissant. Quand il pleut, l’un est lavé, l’autre est inondé d’eaux usées. C’est l’injustice sociale rendue visible et concrète.

Le montage, l’art de jouer avec nos nerfs

Le rythme du film est d’une précision diabolique. Prenez la séquence où la famille met en place son plan : le montage est rapide, musical, presque jouissif. On est complice. Plus tard, quand la tension monte, les plans s’allongent, le silence s’installe. Le montage nous fait passer du rire à l’angoisse en quelques secondes.

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Petit défi pour vous : la prochaine fois que vous regardez un film, faites attention au rythme des plans. Quand ça s’accélère, c’est souvent pour créer de l’excitation. Quand ça ralentit, c’est pour faire monter la pression. Le réalisateur vous manipule, et c’est ça qui est bon !

Face à la concurrence : pourquoi les autres ont perdu

Cette victoire est d’autant plus marquante que la compétition était rude. Analysons un peu les forces en présence.

  • 1917, la prouesse technique : Le favori des parieurs ! Ce film de guerre en (faux) plan-séquence est une expérience immersive incroyable. Mais cette technique, aussi impressionnante soit-elle, a peut-être un peu éclipsé l’émotion. C’est un exploit qu’on admire, mais on ne s’attache pas forcément aux personnages. Pour vous donner une idée du défi : imaginez une prise de 8 minutes avec des centaines de figurants et des explosions. Si un acteur se trompe à la dernière seconde, c’est une demi-journée de travail pour 200 personnes qui part à la poubelle !
  • Once Upon a Time… in Hollywood, la déclaration d’amour : Une reconstitution sublime d’une époque révolue, bourrée de références. Mais c’est aussi son défaut : le film est fait par Hollywood, pour Hollywood. D’ailleurs, si vous n’êtes pas un cinéphile averti, vous passez à côté de la moitié des blagues. Par exemple : la marque de cigarettes « Red Apple » que l’on voit est une marque fictive qui apparaît dans tous les films du réalisateur. C’est un clin d’œil pour les fans, mais ça peut laisser les autres de marbre.
  • Joker, le phénomène culturel : Le film dont tout le monde a parlé, porté par une performance d’acteur hallucinante. Mais son ton sombre et sa violence ont énormément divisé. Comme on l’a vu, dans un scrutin préférentiel, être clivant est souvent un handicap pour le prix final.

Au final, Parasite était le choix parfait : universel, brillant sur le fond comme sur la forme, et apprécié par une majorité de votants. C’était le point de rencontre entre l’audace artistique et le consensus.

Et les autres prix, alors ?

Une cérémonie, ce n’est pas qu’un seul prix. C’est aussi la reconnaissance de métiers de l’ombre essentiels.

Par exemple, le film Le Mans 66 a raflé les prix du montage et du son. Et c’est amplement mérité ! Le son des moteurs, le crissement des pneus, la tension dans le cockpit… on est DANS la course. De son côté, Les Filles du Docteur March a gagné pour ses costumes, qui réussissent le pari d’être fidèles à l’époque tout en paraissant incroyablement modernes. D’ailleurs, si vous êtes curieux, une simple recherche en ligne sur ces films vous ouvrira les portes de galeries photos et de making-of fascinants.

Alors, on regarde quoi après ?

Si cette victoire vous a donné envie d’explorer davantage, vous avez frappé à la bonne porte. L’accueil critique et public de Parasite a ouvert une voie royale pour le cinéma non-anglophone, qui est de plus en plus visible sur les plateformes comme Netflix ou Prime Video, souvent pour le prix d’un simple abonnement mensuel.

Si vous avez adoré ce film, voici quelques pistes à explorer :

  • Du même réalisateur : Plongez dans ses œuvres précédentes comme Memories of Murder, un polar glaçant, ou Okja, une fable écologique touchante.
  • Dans le même esprit : Cherchez des thrillers sociaux qui mélangent les genres. Des films comme The Square ou Sorry to Bother You jouent aussi avec la satire sociale de manière audacieuse.

Au fond, cette victoire historique nous a rappelé une chose simple : une bonne histoire, peu importe d’où elle vient, peut toucher tout le monde. Et ça, c’est une excellente nouvelle pour tous ceux qui aiment le cinéma.

Inspirations et idées

« Une fois que vous aurez surmonté la barrière d’un pouce de hauteur que sont les sous-titres, vous découvrirez tellement plus de films extraordinaires. »

Cette phrase, prononcée par le réalisateur Bong Joon-ho aux Golden Globes quelques semaines avant les Oscars, est devenue le slogan non officiel de la campagne de Parasite. Une leçon de cinéma en une seule phrase.

La victoire de Parasite a-t-elle vraiment changé la donne pour les films internationaux ?

En partie. Si des films comme le danois Drunk (2021) ou le japonais Drive My Car (nommé en 2022) ont reçu une attention accrue, aucun autre film en langue non-anglaise n’a réussi à décrocher l’Oscar du Meilleur Film depuis. La brèche est ouverte, mais le plafond de verre, bien que fissuré, n’est pas encore brisé.

  • Il dissèque l’écart abyssal entre les riches et les pauvres.
  • Il met en scène le désir universel d’une vie meilleure.
  • Il explore la dynamique familiale avec une justesse troublante.

Le génie de Bong Joon-ho ? Avoir enveloppé ces thèmes universels dans un thriller haletant, drôle et tragique, qui a su toucher les votants bien au-delà de la culture coréenne.

Parasite : un budget estimé à 15,5 millions de dollars.

1917 : une super-production de 95 millions de dollars.

La comparaison est vertigineuse. Cette victoire n’est pas seulement artistique, c’est aussi un rappel puissant qu’au cinéma, la force d’une histoire et la vision d’un auteur peuvent triompher de la puissance financière d’Hollywood.

L’arme secrète : le distributeur NEON. Face aux géants comme Netflix ou Universal, cette jeune société a mené une campagne d’une intelligence redoutable. Pas de matraquage publicitaire, mais des projections ciblées pour les membres influents de l’Académie, une présence constante dans les revues spécialisées comme Variety, et surtout, la mise en avant du charisme et de l’humour du réalisateur.

En 2020, pour la première fois, l’Académie des Oscars comptait plus de 20% de membres non-américains.

Ce n’est pas un détail. L’effort de l’institution pour se diversifier et s’internationaliser après des années de critiques a été un facteur clé. Un corps électoral plus ouvert au monde était forcément plus réceptif à un chef-d’œuvre venu de Corée du Sud.

La victoire de Parasite s’inscrit dans un mouvement plus large : la « Hallyu », ou vague coréenne. Pour comprendre d’où vient ce film, il faut explorer les œuvres de ses prédécesseurs et contemporains, comme Park Chan-wook (Oldboy, Mademoiselle) ou Lee Chang-dong (Burning). On y retrouve ce mélange unique de virtuosité, de critique sociale acérée et de scénarios imprévisibles.

Le saviez-vous ? Le décor principal, la somptueuse maison des Park, n’existe pas. Elle a été entièrement construite en studio par le chef décorateur Lee Ha-jun. Chaque recoin, chaque escalier et chaque fenêtre a été pensé pour servir le scénario et symboliser la fracture sociale qui est au cœur du film. Une véritable prouesse architecturale et narrative.

Laurine Benoit

Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre
Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.