De l’Argile à la Magie : Les Coulisses de la Création d’une Figurine de Collection

Un incontournable pour les fans de Star Wars : découvrez la réplique grandeur nature de Baby Yoda qui va faire fondre votre cœur !

Auteur Laurine Benoit

Depuis que je suis gamin, mon atelier a cette odeur bien particulière : un mélange de résine, de silicone et de peinture. Pour moi, c’est l’odeur du travail bien fait, de l’imaginaire qui prend forme. Mon métier, c’est de donner vie à des créatures pour des collectionneurs ou pour le monde du cinéma. Et franchement, voir l’étincelle dans les yeux des gens, c’est ce qui me motive.

Dernièrement, une petite créature aux grandes oreilles a fait fondre tout le monde. On la voit partout, et certaines marques de collection en proposent des versions bluffantes de réalisme, souvent en collaboration avec des studios d’effets spéciaux. C’est un travail qui met en lumière tout un savoir-faire.

Mais comment on passe d’une simple image à un objet si réaliste qu’on s’attendrait à le voir cligner des yeux ? Ce n’est pas de la sorcellerie, promis ! C’est un mélange de technique, de chimie et, honnêtement, de beaucoup de patience. Allez, je vous ouvre les portes de l’atelier. Je vais vous partager les étapes, les matériaux et les petits secrets que nous, les artisans, utilisons. Ce n’est pas un simple tuto, mais un vrai aperçu du métier, pour que vous compreniez le respect qu’on doit à la matière pour atteindre un résultat qui claque.

Sideshow Collectibles s'apprête à distribuer une réplique officielle de baby Yoda

1. Décoder la Forme : Entre Anatomie et Sculpture

Saisir l’âme du modèle

Tout commence par le regard. Avant même de toucher un bloc d’argile, il faut observer, analyser, comprendre. Même une créature de fiction a sa propre anatomie, sa propre logique. On étudie les proportions : la taille de la tête par rapport au corps, l’écartement des yeux, la courbure des oreilles… Un millimètre de travers, et une expression curieuse peut virer au triste. C’est ce détail qui crée l’émotion.

Pour ça, on se gave de références. L’idéal, c’est d’avoir les fichiers 3D originaux des studios. Mais le plus souvent, on se débrouille avec des centaines de photos sous tous les angles pour créer notre propre modèle de référence, qu’on appelle le « maître ».

Le duel : Sculpture numérique ou traditionnelle ?

Aujourd’hui, deux mondes s’affrontent en douceur. D’un côté, la sculpture numérique avec des logiciels spécialisés qui permettent une précision folle. On peut zoomer pour sculpter des pores de peau microscopiques et annuler une erreur d’un clic. Le fichier est ensuite imprimé en 3D avec une résine haute définition pour obtenir un prototype physique parfait.

Une figurine officielle et grandeur nature de Baby Yoda va être fabriquée par Sideshow Collectibles

Mais la sculpture à la main, la bonne vieille méthode, a encore toute sa place. C’est comme ça que j’ai appris. On utilise des argiles spécifiques, souvent à base d’huile comme la Monster Clay ou la Chavant, qui ne sèchent jamais. Ça veut dire qu’on peut peaufiner une forme pendant des semaines. Le contact avec la matière, sentir les volumes sous ses doigts… c’est irremplaçable. Un pain d’un kilo de Monster Clay, par exemple, coûte environ 25-30€ et vous pouvez le réutiliser à l’infini. Le choix dépend du projet : le numérique est souvent plus rapide pour une production en série, tandis que la main garde une âme unique.

Peu importe la méthode, à la fin, la sculpture doit être IM-PEC-CABLE. Chaque texture, chaque ride, chaque détail sera fidèlement copié par le moule. Les qualités, mais aussi les défauts !

2. Le Moulage : L’Art de Capturer une Empreinte

La petite chimie des silicones

Le moulage, c’est l’étape la plus technique. Un moule raté, et c’est des semaines de sculpture qui peuvent partir à la poubelle. On utilise principalement des silicones qui durcissent à température ambiante, mais il y a deux grandes familles.

Baby Yoda l'Enfant tient sa figurine officielle à l'échelle 1:1, fabriquée par Sideshow et Legacy Effects

D’un côté, vous avez les silicones à l’étain. C’est l’option la plus abordable, souvent autour de 25-35€ le kilo. Ils sont plus tolérants, pardonnent quelques petites erreurs de dosage. Le bémol ? Ils ont une durée de vie limitée. Au bout de quelques années, ils peuvent se fragiliser. Parfait pour débuter ou pour un moule qui ne servira qu’une poignée de fois.

De l’autre, il y a la Rolls-Royce : les silicones au platine. Là, on est sur une qualité supérieure, qu’on retrouve dans le médical ou l’alimentaire. Ils sont ultra stables, ne rétrécissent quasiment pas et capturent le moindre détail. C’est ce qu’on utilise pour les pièces de collection haut de gamme. Le prix s’en ressent, comptez plutôt entre 40€ et 60€ le kilo. Leur seul, mais énorme, défaut : ils sont incroyablement susceptibles ! Le moindre contact avec du soufre (présent dans certaines argiles !), de l’étain, ou même des gants en latex, et ils refuseront de durcir. C’est ce qu’on appelle l’inhibition.

Une réplique à l'échelle de Baby Yoda est désormais disponible en précommande pour 350 dollars

D’ailleurs, j’ai appris ça à mes dépens… Au début de ma carrière, j’ai ruiné une sculpture complexe. J’avais utilisé une argile contenant une trace de soufre. Mon beau silicone platine tout neuf est resté une bouillie collante. J’ai tout perdu. Depuis, c’est devenu un réflexe : je fais TOUJOURS un mini-test sur un bout de mon argile avant de couler des litres de produit. Un petit geste qui évite de grandes catastrophes.

Le moule en deux parties : pas à pas

Pour une tête, on fait généralement un moule en plusieurs parties. Voici comment ça se passe, en simplifié :

  1. Créer un plan de joint : On enterre la moitié de la sculpture dans un lit d’argile bien lisse. Cette surface définira la ligne de séparation entre les deux moitiés du moule.
  2. Ajouter des clés : On creuse des petits dômes dans l’argile. Ces clés (ou « détrompeurs ») permettront aux deux parties du moule de s’emboîter parfaitement.
  3. La première couche : On applique une fine couche de silicone au pinceau pour bien capturer tous les détails sans bulles d’air. Puis on coule le reste pour obtenir une épaisseur d’environ 1 à 2 cm.
  4. La chape de soutien : Le silicone est souple. Pour qu’il ne se déforme pas, on crée une coque rigide par-dessus, la « chape ». On peut la faire en plâtre, mais pour plus de légèreté et de solidité, on opte souvent pour de la résine polyester et de la fibre de verre.
  5. Retourner et recommencer : Une fois la première moitié sèche, on retourne le tout, on enlève l’argile, on nettoie. On applique un agent démoulant pour que les deux parties du silicone ne fusionnent pas, et on répète les étapes 3 et 4 pour la seconde moitié.

Attention, sécurité ! On ne le dira jamais assez : le travail de ces produits chimiques exige des précautions. Le port de gants en nitrile (oubliez le latex !) et de lunettes de protection est non négociable. Et la pièce doit être très, très bien ventilée, surtout avec les résines polyester dont les vapeurs sont toxiques.

3. Le Tirage : Donner Corps à la Créature

Le bon matériau pour le bon effet

Le moule est prêt ! On peut maintenant créer des copies, qu’on appelle des « tirages ». Le choix du matériau est clé pour le rendu final.

  • La résine polyuréthane : C’est la star pour les figurines rigides. On mélange deux composants liquides, et en quelques minutes, ça durcit pour devenir un plastique solide, léger et facile à peindre. Un kit de démarrage se trouve pour environ 30-40€.
  • Le silicone platine : Pour un effet de peau réaliste sur une tête ou des mains, on peut couler du silicone souple directement dans le moule. On peut même le teinter dans la masse pour avoir une couleur de base. Le toucher est incroyable, mais c’est une technique plus coûteuse et complexe.
  • La mousse polyuréthane : Pour remplir un corps souple sans qu’il pèse une tonne, on utilise des mousses qui s’expanse. C’est une technique courante pour les marionnettes de cinéma.

Les techniques de pro pour un tirage parfait

Pour un résultat nickel, on ne se contente pas de verser le produit et d’attendre. Deux techniques font toute la différence :

Le rotomoulage, c’est génial pour faire des pièces creuses. On verse un peu de résine dans le moule fermé, et on le fait tourner lentement sur deux axes. La résine se plaque contre les parois et forme une coque fine et solide. L’avantage ? C’est beaucoup plus léger et ça consomme bien moins de matière. Pour vous donner une idée : une tête pleine pèserait 3 kg et coûterait 60€ de résine. En rotomoulage, on tombe à 600g et seulement 12€ de matière. Le calcul est vite fait !

L’autre astuce, c’est le dégazage sous vide. Quand on mélange les produits, on emprisonne de l’air, ce qui crée des micro-bulles qui peuvent ruiner un tirage. Pour les éliminer, on place le mélange dans une cloche à vide. La pression chute, les bulles grossissent et remontent à la surface. On obtient un matériau parfaitement lisse. C’est un équipement indispensable pour un résultat pro.

4. La Peinture : L’Instant Où la Vie Apparaît

Une sculpture parfaite et un tirage propre, c’est bien. Mais sans une peinture de qualité, ça reste un bout de plastique. C’est la peinture qui donne la vie.

Le casse-tête de la peinture sur silicone

Si la tête est en silicone, peindre dessus est un vrai défi. Rien n’accroche sur cette matière. Il faut utiliser des peintures spéciales, elles-mêmes à base de silicone (comme les produits de la gamme Psycho Paint de Smooth-On). On les mélange à des pigments et à un solvant pour pouvoir les appliquer à l’aérographe.

AVERTISSEMENT SÉCURITÉ MAJEUR : L’utilisation de ces solvants est dangereuse. Un simple masque anti-poussière ne sert à RIEN. Il vous faut un masque respiratoire professionnel avec des cartouches pour vapeurs organiques et travailler dans un espace avec une extraction d’air efficace. On ne plaisante pas avec sa santé.

Les couches de la vie

Une peau réaliste n’est jamais d’une seule couleur. Elle est translucide. On travaille donc en appliquant de multiples couches très fines et transparentes :

  1. La base : Une couleur de peau générale, un peu pâle.
  2. Les marbrures : On ajoute des touches subtiles de rouge, de bleu, de jaune pour simuler les vaisseaux sanguins sous la peau. C’est ce qui donne de la profondeur.
  3. Les couleurs de surface : On vient poser le rose des joues ou du bout des oreilles, les ombres dans les creux…
  4. Les détails fins : Au pinceau, on ajoute les petites veines, les taches de rousseur…
  5. Le vernis : Un vernis mat partout, sauf sur les yeux et l’intérieur de la bouche, où l’on met un vernis ultra-brillant pour simuler l’humidité. C’est cet éclat dans le regard qui trompe notre cerveau et donne l’illusion de la vie.

5. Finitions : Quand le Diable se Cache dans les Détails

On y est presque ! Mais ce sont ces dernières étapes qui transforment une bonne réplique en chef-d’œuvre.

Pour le léger duvet sur la tête ou les poils des oreilles, on oublie les perruques. Pour un réalisme maximal, on utilise le flocage : on projette de fines fibres de nylon avec un applicateur électrostatique qui les fait se planter droites dans une fine couche de colle. L’effet velours est bluffant. La technique ultime, c’est l’implantation manuelle (ou « hair punching »). Avec une aiguille spéciale, on implante les poils un par un dans le silicone. C’est un travail de fourmi qui peut prendre des jours, mais le résultat est absolument imbattable.

Le vêtement aussi doit raconter une histoire. On choisit un tissu brut, on le teint pour avoir la nuance parfaite, puis on le « vieillit ». On le frotte, on le ponce, on le tache… On crée des traces d’usure pour qu’il ait l’air d’avoir vécu. Quant aux accessoires, comme un petit levier de vitesse, on peut les faire en résine avec la technique du « cold cast » : on mélange de la poudre de métal à la résine. Une fois polie, la pièce a l’aspect et la froideur du métal, sans le poids ni le coût.

Artisanat, Industrie et Conseils pour se Lancer

Mon travail d’artisan, c’est souvent de créer des pièces uniques, où chaque exemplaire est peint à la main. Les grandes entreprises, elles, industrialisent le processus avec des équipes dédiées pour optimiser chaque étape et produire en série. Aucune approche n’est meilleure, elles répondent juste à des besoins différents : l’une rend l’art accessible au plus grand nombre, l’autre offre une pièce avec une âme unique.

Si l’aventure vous tente, un conseil : commencez petit ! N’essayez pas de faire une pièce hyper complexe tout de suite, c’est le meilleur moyen de se décourager.

  • Votre kit de démarrage pour sculpter : Un pain de 1kg de Monster Clay (~25€), un set d’ébauchoirs de base (~15€) et un peu d’alcool isopropylique pour lisser (~5€). Pour moins de 50€, vous avez de quoi vous amuser des heures.
  • Votre tout premier moule (l’exercice à 5€) : Prenez une figurine ou une pièce de Lego. Construisez un petit coffrage autour avec d’autres Legos. Coulez un peu de silicone à l’étain dedans. Juste pour voir, pour sentir la matière et démystifier le processus.

Vous trouverez tout ce matériel chez des fournisseurs spécialisés en France et en Europe, souvent en ligne, qui sauront vous conseiller. Et sachez quand faire appel à un pro. Si vous rêvez d’une pièce unique, contactez un artisan. C’est un investissement, mais c’est l’assurance d’avoir une œuvre créée juste pour vous.

Voilà, la prochaine fois que vous croiserez une de ces figurines de collection, j’espère que vous y verrez plus qu’un objet. Vous y verrez des heures de travail, des doutes, des échecs surmontés et la fierté d’avoir réussi à capturer un fragment de magie dans la matière.

Laurine Benoit

Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre
Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.