Derrière le Rideau des Clubs : Ce que les Films ne Vous Diront Jamais

Préparez-vous à plonger dans l’univers fascinant du pole dance avec le film Queens, où le glamour et la réalité se rencontrent.

Auteur Laurine Benoit

On a tous en tête ces films hollywoodiens sur les clubs de danse, avec les paillettes, les billets qui volent et les histoires de rivalité. C’est spectaculaire, c’est certain. Mais après plus de dix ans passés sur scène, des petits clubs de province aux établissements plus chics de grandes capitales, je peux vous dire une chose : la réalité est bien plus intéressante et, franchement, bien plus exigeante.

Loin de vouloir critiquer ces films, qui ont le mérite de mettre un coup de projecteur sur un univers méconnu, j’ai envie de vous ouvrir les portes des coulisses. Pas celles du drame scénarisé, mais celles du quotidien. On va parler du travail, de la sueur, de la technique et des règles d’un métier qui est avant tout une discipline sportive et un art de la performance. Allons-y !

Plus qu’une danse, un sport qui défie la gravité

Quand on voit une danseuse enchaîner les figures sur une barre, ça semble presque magique, aérien. La vérité, c’est que chaque mouvement est une pure application des lois de la physique. Le premier secret, c’est la friction. Notre peau qui accroche sur le métal, c’est ce qui nous permet de tenir. C’est la raison toute simple pour laquelle nos tenues sont si minimalistes. Ce n’est pas qu’un choix esthétique, c’est une nécessité technique. Avec trop de tissu, on glisse, et c’est la chute assurée.

Le film Queens sur le milieu du strip tease à New York avec Jennifer Lopez a dévoilé sa bande annonce

Ensuite, il y a la fameuse force centrifuge. Vous savez, comme un patineur qui accélère sa rotation en ramenant les bras près du corps ? C’est exactement le même principe. Une figure groupée tournera vite, tandis qu’une figure avec les membres étendus sera plus lente, plus planante. Maîtriser ça, c’est pouvoir jouer avec le rythme et donner une âme à sa danse.

Mais le vrai maître du jeu, c’est le gainage. Les abdos, les muscles du dos… c’est notre centre de contrôle. Sans un tronc en béton, impossible de tenir la tête en bas. J’ai passé des centaines d’heures à faire des exercices au sol avant même de rêver de tenter des figures complexes en hauteur. C’est le travail de l’ombre, celui que personne ne voit mais qui fait toute la différence.

Le Kit de Départ : Combien ça coûte de se lancer ?

Avant de maîtriser quoi que ce soit, il faut s’équiper. Et ça a un coût. Pour celles qui se posent la question, voici un petit aperçu du kit de survie de la débutante :

Jennifer Lopez Cardi B et Constance Wu incarne une équipé de stripteauses dans le film Queens qui sortira le 19 octobre 2019
  • Les talons professionnels : On ne parle pas de vos talons de soirée ! Il faut des chaussures spécifiques, souvent de la marque Pleasers, conçues pour la danse. Elles ont une plateforme qui facilite l’équilibre. Comptez entre 80€ et 150€ pour une bonne paire.
  • Un bon grip : C’est un produit qu’on applique sur les mains pour ne pas glisser. Le plus connu est Dry Hands. C’est un petit flacon qui vous sauvera la vie, et qui coûte environ 15€.
  • Des genouillères : Essentielles pour le travail au sol (le « floorwork ») afin de protéger vos articulations. Une bonne paire coûte autour de 20€ dans les magasins de danse ou de sport.
  • Les cours : C’est le plus gros investissement. Un cours de pole dance à l’unité coûte entre 20€ et 35€. La plupart des studios proposent des cartes de 10 cours ou des abonnements mensuels, ce qui est plus avantageux si vous êtes sérieuse.
Le film Queens avec JLo et Constance Wu s'inspire de faits réels issus du monde du stip tease new-yorkais

L’Art de la Scène et du Contact

Dans les films, les danseuses ont des noms de scène. Ça, c’est une des choses les plus vraies. Ce nom, c’est une protection, une armure. Il crée une séparation nette entre la femme sur scène et la personne dans la vie de tous les jours. C’est absolument VITAL pour l’équilibre mental.

Au fil de ma carrière, j’ai eu plusieurs personnages. Un plus rock, un autre plus sophistiqué… Chaque personnage vient avec sa propre musique, ses costumes, et même sa manière d’interagir avec les clients. Car il faut bien comprendre que le public ne vient pas seulement pour un spectacle visuel ; il vient pour une ambiance, une histoire, une évasion. Une bonne danseuse est aussi une excellente comédienne.

D’ailleurs, il faut savoir lire une salle. L’ambiance n’est jamais la même. Un samedi soir avec des touristes en fête n’a rien à voir avec un mardi calme et ses quelques habitués. Il faut sentir l’énergie et s’y adapter en permanence, parfois changer de musique ou de style en un clin d’œil. C’est une intelligence de situation qui s’apprend sur le tas.

Carbi B signe la bande originale de Queens et y incarne une strip teaseuse aux côtés de Jennifer Loez

Le « Jargon » du Club, pour ne pas être perdue

Au fait, pour y voir plus clair, voici quelques termes du métier :

  • House Fee (ou frais de maison) : C’est une sorte de « loyer » que la danseuse paie au club chaque soir pour avoir le droit de travailler sur place. Le montant varie énormément : ça peut être 20€ dans un petit club de province, mais grimper à plus de 100€ par nuit dans un établissement de luxe à Las Vegas.
  • Lap Dance : C’est une danse privée, réalisée pour un seul client, généralement dans un espace un peu à l’écart de la scène principale.
  • Champagne Room : Un salon privé où un client peut passer du temps avec une ou plusieurs danseuses, en commandant des bouteilles de champagne (très) chères. C’est là que les plus gros revenus sont générés.

Argent, Indépendance et Dangers : La Face Cachée

Parlons argent. L’histoire d’arnaque racontée dans un film célèbre, où l’on drogue des clients, est un acte criminel qui a mené ses auteures en prison. Il est crucial de le dire : ce n’est absolument pas représentatif du métier. Confondre ça avec le travail quotidien de milliers de femmes est une insulte.

La vraie source de revenu, c’est un travail de vente très fin. Il s’agit de créer une expérience, de mettre le client à l’aise, de lui vendre un moment d’évasion privilégié. Ça demande du charisme et de l’écoute. On est avant tout des travailleuses indépendantes. On paie nos frais, et le reste est pour nous (même si le club prend un pourcentage sur les ventes en salon privé).

Petit conseil que j’aurais aimé avoir au début : devenez une pro de la gestion. Mon astuce qui m’a sauvé la vie : à la fin de chaque nuit, je virais systématiquement 30% de mes gains sur un compte épargne séparé. Sans réfléchir. Ce compte servait pour les impôts, les vacances, les périodes creuses… et la future reconversion.

Gérer les Frontières et le Regard des Autres

La sécurité est LA priorité. Physiquement, une chute de plusieurs mètres peut être dramatique. On apprend à vérifier son matériel, à connaître ses limites. Mais le plus grand danger est souvent psychologique. Il faut savoir poser des limites claires. La règle d’or que j’enseigne aujourd’hui : « Non » est une phrase complète. Pas besoin de se justifier.

Et puis il y a ce dont on ne parle jamais : comment gérer le regard des autres ? La famille, les amis, le nouveau petit ami… Annoncer ce que l’on fait n’est pas toujours simple. Il n’y a pas de solution miracle. Certaines choisissent de rester discrètes, d’autres l’assument pleinement. L’important est d’être en paix avec son choix et de se rappeler que l’on exerce un métier légal, exigeant, et que l’on est une athlète et une cheffe d’entreprise. Point.

L’Après-Scène : Penser à la Suite

Une carrière de danseuse de haut niveau ne dure pas éternellement. Le corps a ses limites. Il est donc vital de penser à la sortie dès le début. L’argent gagné doit être un tremplin, pas juste une fin en soi.

On développe tellement de compétences sans même s’en rendre compte : la discipline de fer, la résilience face à l’échec, la gestion d’une activité, des compétences pointues en vente et en communication… J’ai vu des anciennes collègues devenir des agentes immobilières redoutables, des coachs sportives, ou ouvrir leur propre business. La clé, c’est d’anticiper.

Une Leçon de Force

Au final, la réalité de ce métier est une histoire de force. La force physique pour maîtriser son corps comme une gymnaste. La force mentale pour naviguer dans un environnement complexe et poser ses limites. Et la force entrepreneuriale pour gérer sa carrière de A à Z.

C’est un métier difficile, souvent mal jugé, mais les femmes qui y excellent avec intégrité sont tout sauf des victimes. Elles sont des athlètes, des artistes et des businesswomen. Et ça, c’est une réalité qui mérite bien plus qu’un scénario hollywoodien.

Laurine Benoit

Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre
Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.