Adapter un monstre du jeu vidéo : pourquoi c’est si dur et comment enfin réussir le pari
Une nouvelle ère pour Resident Evil s’annonce sur Netflix ! Plongez dans l’univers horrifique et captivant des zombies.

En tant que fan inconditionnel de l'univers Resident Evil, je ressens une excitation palpable à l'idée de voir cette franchise emblématique prendre vie sur le petit écran. Avec des zombies affamés et la redoutable Umbrella Corporation en toile de fond, cette adaptation pourrait redéfinir le genre. Préparez-vous à une aventure palpitante qui allie action et science-fiction !
Depuis que je suis dans le milieu de la création, que ce soit en formant de futurs scénaristes ou en bossant avec des studios, il y a une question qui revient tout le temps sur la table : les adaptations. Et franchement, un nom éclipse tous les autres : Resident Evil. Ce n’est pas juste une série de jeux, c’est un monument, une pierre angulaire du survival horror. J’ai vu la franchise naître et j’ai analysé chaque tentative de la porter à l’écran, avec un œil à la fois de fan et de professionnel.
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Le défi est juste énorme. Adapter cette licence, ce n’est pas faire un simple film de zombies. C’est capturer une sensation, une atmosphère si particulière… ce mélange d’angoisse, de gestion de la survie et d’exploration. Plusieurs s’y sont risqués, avec plus ou moins de succès. On a eu les films d’action qui ont cartonné au box-office, une tentative plus récente de coller aux jeux, une série animée sur une plateforme de streaming, et même une série live-action qui a été annulée quasi instantanément. Tous ces projets sont des cas d’école passionnants. Ils nous montrent à quel point il est difficile de transformer la peur que l’on ressent manette en main en une angoisse palpable sur un écran. Cet article, ce n’est pas une critique, mais plutôt un partage d’expérience pour comprendre ce qui coince si souvent.

Au cœur de la peur : Décortiquer l’ADN du survival horror
Pour bien adapter, il faut d’abord déconstruire. Le génie des premiers jeux ne réside pas tant dans ses monstres que dans sa mécanique, une sorte de « physique de la peur » que les créateurs originaux ont orchestrée avec une précision d’horloger.
Le premier pilier, c’est la gestion des ressources. Dans les jeux classiques, votre inventaire est minuscule, parfois six ou huit places. Une arme, ses munitions, une herbe pour vous soigner… chaque objet est un choix cornélien. Prenez-vous ce ruban pour sauvegarder, au risque de devoir laisser derrière vous des munitions précieuses ? Cette limitation n’est pas un gadget, elle génère une angoisse permanente. Vous n’avez jamais assez de balles. Ce zombie mérite-t-il vraiment qu’on lui en sacrifie une ? À l’écran, cette interaction disparaît. Le défi est donc de traduire ce sentiment de précarité. Au lieu d’un simple « Je n’ai plus de balles ! », il faut le montrer. Imaginez une petite scène :

CLAIRE (chuchotant pour elle-même) : Ok… trois balles. Une pour défoncer la serrure. Il en reste deux pour ce qu’il y a derrière. Allez, on respire…
Ça, c’est tout de suite plus parlant, non ?
Le deuxième pilier, c’est l’architecture de l’angoisse. Le manoir isolé, le commissariat dévasté… ce sont des personnages à part entière. Les couloirs sont étroits, les angles de caméra fixes des premiers opus cachaient volontairement le danger. Le jeu vous force à faire des allers-retours, à mémoriser les lieux, créant un faux sentiment de sécurité qu’il s’amuse ensuite à briser. Un film ne peut pas se permettre ça. Il faut donc être malin : jouer avec les ombres, le son d’une griffe sur le sol au hors-champ, une porte qui grince… L’oppression doit être visuelle et sonore.
Enfin, il y a le rythme. L’alternance entre tension et répit est cruciale. Après une séquence de pure panique, vous trouvez une « safe room ». La musique s’adoucit, devient mélancolique. C’est un refuge. Ces moments de calme sont essentiels pour permettre au spectateur de respirer et de s’attacher aux personnages. Une scène où deux survivants partagent leurs maigres rations n’est pas du remplissage, c’est l’équivalent narratif d’une salle de sauvegarde.

Le grand écart : Les pièges classiques de l’adaptation
Avec cet ADN en tête, on voit bien où ça peut déraper. Le piège le plus courant, c’est de confondre action et tension. C’est un peu l’effet qu’ont eu les premières adaptations cinématographiques : elles ont gardé les noms, les monstres, la corporation maléfique, mais ont troqué le survival horror pour de l’action débridée.
Commercialement, c’était un coup de génie, rapportant plus d’un milliard de dollars. Mais en transformant les protagonistes en super-héros invincibles, la vulnérabilité, et donc la peur, a disparu. C’est un choix, mais ce n’est plus l’esprit du jeu. Au fond, la question est simple. D’un côté, vous avez l’ADN du jeu : un survivant ordinaire, un inventaire limité, chaque balle compte, la fuite est une option. De l’autre, le piège de l’adaptation : un super-héros, des munitions quasi infinies, des chorégraphies de combat, et l’affrontement systématique. Toute adaptation doit choisir son camp.

Un autre écueil majeur est la gestion de l’histoire. Le lore de la série est incroyablement dense, parfois même contradictoire. Entre les différents virus, les conspirations… il y a de quoi noyer le spectateur. Dans les jeux, on découvre tout ça via des documents, des journaux intimes. À l’écran, ça se transforme vite en dialogues d’exposition indigestes. Pour l’anecdote, j’ai bossé sur un projet où on voulait être ultra-fidèle. On a tourné des scènes où les persos lisaient des rapports… Au montage, c’était une purge. Lent, artificiel, un vrai tue-l’amour. La leçon : l’info doit être vécue, pas lue. Montrez-la à travers ses conséquences.
Enfin, parlons des monstres. Un Licker est terrifiant dans le jeu parce qu’il est aveugle et réagit au son. Vous apprenez à marcher pour l’éviter. À l’écran, pour qu’il soit plus qu’une créature en CGI, il faut construire sa présence. Le montrer peu. Le suggérer. Pensez au premier Alien. On ne voit la créature que quelques minutes en tout, et c’est ce qui la rend mythique. Les monstres iconiques de la saga méritent ce traitement : en faire des événements, pas juste de la chair à canon.
Comment réussir l’impossible ? Quelques pistes concrètes
Alors, on fait comment ? Il n’y a pas de recette miracle, mais des approches qui me semblent bien plus prometteuses.
Une solution serait l’approche de l’anthologie. Au lieu de vouloir raconter pour la énième fois l’histoire des héros connus, pourquoi ne pas se concentrer sur des histoires de survivants anonymes ? Ça a déjà été exploré dans certains jeux dérivés. Imaginez un pitch : « Saison 1 : On suit l’armurier Kendo et sa fille durant les 72 heures qui ont précédé la chute totale de Raccoon City. » Ça permet de retrouver l’ambiance sans être écrasé par les attentes des fans.
Une autre voie, très proche, est celle de la narration parallèle. Créer de nouveaux personnages qui vivent les événements cultes en arrière-plan. Une série pourrait suivre une poignée d’habitants essayant de s’échapper de la ville pendant que, au loin, on entend les échos des aventures des personnages principaux. On croise des lieux connus, mais l’enjeu reste à échelle humaine.
Bon à savoir : il faut parler budget. Créer des monstres crédibles coûte une fortune. Un Licker ou un Tyrant de qualité à l’écran, ça se chiffre vite. Un seul plan de 5 secondes bien animé peut facilement taper dans les 20 000€ à 50 000€ sur une production TV. La solution est donc dans la retenue. La rareté fait l’impact. L’horreur la plus efficace est souvent celle qu’on imagine.
Embrasser la folie et les vrais thèmes
Pour vraiment réussir, une adaptation doit aussi accepter la part de folie de la saga. Car au-delà de l’horreur, il y a ce côté grand-guignol, presque baroque. Des requins mutants géants, des méchants en lunettes de soleil qui déclament des monologues sur l’évolution… Essayer de rendre ça sobre et réaliste serait une trahison.
Il faut oser ce côté série B, le maîtriser. Savoir passer de l’horreur pure à l’action décomplexée, puis à une scène de conspiration absurde. C’est cet équilibre instable qui fait tout le charme de la franchise.
Et surtout, il faut creuser les thèmes. La série parle de la responsabilité des scientifiques, des dérives d’un capitalisme sans éthique, de la fragilité de notre civilisation. Une série a le temps d’explorer ça. C’est ce qui peut élever une simple histoire de monstres au rang d’œuvre marquante.
Pour finir, un dernier conseil à quiconque se lancerait dans cette aventure : il faut respecter l’œuvre, sans en devenir esclave. Ignorer les fondamentaux de l’histoire, c’est s’aliéner les fans. À l’inverse, vouloir caser à tout prix chaque clin d’œil et chaque réplique culte transforme l’œuvre en un patchwork sans âme. La clé, c’est de comprendre ce qui nous a fait peur à l’origine : la vulnérabilité et l’attente du danger. L’horreur, c’est un virus. Pour qu’il se propage, il lui faut le bon laboratoire.
Et vous, d’ailleurs, si vous deviez pitcher une série ou un film Resident Evil en une phrase, ce serait quoi ? Balancez vos idées dans les commentaires !
Inspirations et idées
« Une adaptation réussie ne consiste pas à retranscrire l’intrigue, mais à retranscrire le ressenti. » – Neil Druckmann (créateur de The Last of Us)
Cette phrase du créateur d’une des adaptations les plus acclamées résume tout. Avant de penser au scénario, les showrunners doivent se demander : qu’est-ce que le joueur ressentait à ce moment précis ? La peur de l’inconnu, la satisfaction d’une énigme résolue, le stress d’un inventaire plein… C’est la traduction de ces émotions qui fait la différence entre un hommage et une simple copie.
Le Licker contre le Nemesis : deux philosophies de la peur. Le Licker est une terreur purement animale, aveugle et sensible au moindre bruit. Son adaptation réussie repose sur le sound design et la surprise. Le Nemesis, lui, est une horreur psychologique : un poursuivant intelligent et implacable. Pour lui, il faut créer un sentiment de traque inéluctable, où aucun lieu n’est un refuge permanent. On ne filme pas ces deux créatures de la même manière.
Pourquoi les angles de caméra fixes des premiers jeux étaient-ils si efficaces ?
Plus qu’une contrainte technique, c’était un choix de mise en scène délibéré. Inspirés du cinéma d’horreur, ces cadres fixes créaient des angles morts, dissimulant la menace juste hors du champ de vision. Le joueur entendait un grognement avant de voir sa source, transformant chaque coin de couloir en une source d’angoisse potentielle. C’est un outil de suspense qu’une caméra à l’épaule moderne peine à recréer, car elle montre tout, tout le temps.
Le secret d’un monstre réussi à l’écran ne réside pas toujours dans le budget CGI. Parfois, l’essentiel est ailleurs :
- Un sound design qui glace le sang avant même l’apparition.
- Le jeu des acteurs : leur terreur crédible vend celle de la créature.
- L’utilisation intelligente du hors-champ.
- Un mélange d’effets pratiques (latex, animatronique) pour un rendu plus tangible.
Le saviez-vous ? L’ancêtre spirituel de Resident Evil n’est pas un film de zombies de Romero, mais un jeu vidéo méconnu de 1989 adapté du film d’horreur japonais Sweet Home.
Développé par Capcom et réalisé par Kiyoshi Kurosawa, il a posé les bases que Shinji Mikami perfectionnera plus tard : un manoir angoissant, des énigmes, un inventaire limité et des portes qui se chargent pour masquer les temps de chargement tout en créant du suspense.
Dans une adaptation, le lieu est un personnage à part entière. Le Manoir Spencer n’est pas qu’un décor, c’est une machine à angoisse. Ses couloirs étroits, ses pièces faussement luxueuses et son agencement labyrinthique sont conçus pour piéger. Oublier cette dimension et le réduire à une simple maison hantée, c’est perdre 50% du pouvoir terrifiant de l’œuvre originale.
- Les fans de la première heure se sentent compris et respectés.
- Les nouveaux spectateurs découvrent un univers sans se sentir perdus.
- La tension est palpable, même sans avoir la manette en main.
Le secret d’une telle réussite ? Cesser de voir le jeu comme un storyboard. Il faut le traiter comme une partition musicale, en adaptant le rythme et les émotions pour un nouvel instrument : le cinéma.
L’erreur fatale : Le dialogue surexplicatif. Quand un personnage crie « Il faut viser le point faible sur son dos ! », il anéantit toute la tension. Dans le jeu, le joueur découvre cette faiblesse par l’expérimentation, la panique et le soulagement. Une adaptation doit montrer cette découverte visuellement, par une action ou un détail, sans jamais la verbaliser platement.
L’une des plus grandes réussites de Resident Evil 4 est sa capacité à faire évoluer la menace. Un simple villageois n’est plus juste un zombie lent, il devient plus tard un Ganado capable de courir et d’utiliser des outils. Puis, il mute en Plaga une fois décapité. Cette montée en puissance constante empêche le joueur (et donc le spectateur potentiel) de jamais se sentir en sécurité ou de maîtriser la situation.
Rien n’est plus terrifiant que le son d’un danger qu’on ne voit pas.