Photographier l’Automne : Le Guide de Terrain pour des Couleurs Éclatantes
Je me souviens encore de cette matinée d’octobre dans le Morvan. L’air était vif, piquant, avec cette odeur de terre humide si caractéristique. J’étais là, posté avant l’aube, à attendre que la magie opère. Et puis, les premiers rayons du soleil ont percé la brume… Les hêtres se sont littéralement enflammés, leurs feuilles dorées prenant feu sous la lumière. Ce n’était pas juste une belle image, c’était une sensation brute, une émotion que j’ai mis des années à apprendre à capturer.
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Franchement, je ne suis pas un grand théoricien. Mon savoir, je l’ai acquis sur le terrain, les mains gelées, en passant des milliers d’heures à observer, à tester, et très souvent, à me planter. Cet article, c’est un peu mon carnet de route que je vous ouvre. On va parler de lumière, du matos qui compte VRAIMENT, et des techniques que j’utilise pour transformer ce que vous ressentez en une photo qui claque. Prêts ?

La lumière d’automne : plus qu’une ambiance, un outil
En photo, la lumière, c’est notre matière première. Et en automne, elle a quelque chose de spécial. Comprendre sa nature, c’est déjà faire 50% du boulot pour réussir ses clichés. Et non, ce n’est pas de la sorcellerie, juste un peu de physique au service de votre créativité.
L’heure dorée et l’heure bleue : vos meilleures alliées
On entend partout parler de l’« heure dorée ». C’est ce moment magique juste après le lever du soleil et juste avant son coucher. En automne, c’est encore plus marqué. Le soleil reste bas sur l’horizon, et ses rayons traversent plus d’atmosphère. Résultat : la lumière est filtrée, les tons bleus s’effacent, et il ne reste qu’une lumière chaude, douce, presque orangée. C’est elle qui fait flamber les jaunes et les rouges des feuillages. Les ombres s’allongent, sculptent le paysage et lui donnent une profondeur incroyable.

Puis vient l’heure bleue, juste avant l’aube ou après le crépuscule. L’ambiance est totalement différente : froide, diffuse, feutrée. Les contrastes sont faibles, ce qui est parfait pour des scènes calmes et mystérieuses, comme un lac nimbé de brume ou une forêt silencieuse. C’est là que les couleurs chaudes des feuilles ressortent de manière spectaculaire sur les tons froids du décor.
Pourquoi un ciel gris est votre ami
Beaucoup de photographes débutants rangent leur appareil dès que le ciel se couvre. Grosse erreur ! Pour la photo en forêt, un ciel nuageux, c’est une véritable aubaine. Imaginez les nuages comme un gigantesque diffuseur de lumière naturel. Fini les ombres dures et les taches de soleil qui créent des contrastes ingérables. Vous obtenez une lumière uniforme qui sature les couleurs. Les verts de la mousse, les bruns des écorces, les jaunes des feuilles… tout devient plus riche, plus dense. C’est souvent dans ces conditions que je fais mes meilleures photos de sous-bois.

Le filtre qui change tout : le polarisant (CPL)
S’il y a UN accessoire que j’ai toujours sur moi, c’est bien le filtre polarisant circulaire, ou CPL. Son rôle est capital en automne. Les feuilles, souvent humides de rosée ou de pluie, brillent. Ces reflets blancs masquent leur vraie couleur. Le CPL, c’est comme des lunettes de soleil polarisées pour votre objectif. En le tournant, vous voyez les reflets disparaître en direct. C’est bluffant. Une feuille jaune un peu terne devient d’un coup d’un jaune d’or profond et saturé.
Bon à savoir : Un bon CPL est un investissement. Évitez les modèles à 15€ qui risquent de donner une teinte verdâtre à vos photos. Pour une marque fiable (comme Hoya, B+W ou Nisi), prévoyez un budget entre 40€ et 80€ selon le diamètre de votre objectif. C’est le prix de la tranquillité et de couleurs justes.
Le matériel : arrêtons de se compliquer la vie
On me demande souvent avec quel appareil je travaille. Ma réponse déçoit parfois : le boîtier est l’un des éléments les moins importants. Votre œil, votre patience et surtout, votre trépied, comptent infiniment plus.

Les 3 piliers du photographe de paysage
- Un appareil avec un mode manuel : Qu’importe la marque ou le modèle (reflex, hybride…), l’essentiel est de pouvoir contrôler l’ouverture, la vitesse et les ISO. Un appareil d’entrée de gamme bien maîtrisé fera toujours mieux qu’un monstre de technologie en mode automatique.
- Un trépied STABLE : C’est sans doute votre achat le plus important. En automne, la lumière est faible, donc vos temps de pose seront longs. Sans trépied solide, vos photos seront floues. Point. Un bon trépied pour débuter, c’est un modèle en aluminium qui ne tremble pas quand vous appuyez dessus. Comptez entre 80€ et 150€ chez des marques comme K&F Concept ou Manfrotto. Petit conseil : choisissez-en un qui, une fois déplié, arrive à la hauteur de vos yeux pour ne pas vous casser le dos.
- Un objectif de qualité : Mieux vaut un excellent objectif sur un boîtier modeste que l’inverse. Pour démarrer, un zoom standard type 24-70mm est un vrai couteau suisse. Il vous permet de faire des plans larges comme d’isoler des détails.

Grand-angle ou téléobjectif ? Les deux, mon capitaine !
Avec le temps, on affine ses choix. J’emporte souvent deux types d’objectifs :
- Le grand-angle (type 16-35mm) : Idéal pour les scènes spectaculaires, pour inclure un premier plan fort (un rocher, une touffe d’herbe) et montrer l’immensité du paysage.
- Le téléobjectif (type 70-200mm) : C’est mon chouchou pour l’automne. Il compresse les perspectives, vous permet d’isoler un arbre isolé sur une colline ou de capturer les couches successives de la forêt. C’est l’outil parfait pour créer des images plus graphiques, presque abstraites.
Piège à éviter : Lorsque votre appareil est sur le trépied, pensez à DÉSACTIVER la stabilisation de l’image (marquée IS, VR, ou OSS selon les marques) sur votre objectif ou votre boîtier ! Sinon, le système peut essayer de corriger des vibrations qui n’existent pas et, paradoxalement, créer un micro-flou. Une erreur classique que j’ai faite des dizaines de fois au début.

Mes techniques de terrain, sans chichis
Une fois sur place, c’est la technique qui parle. Voici quelques réglages et réflexes pour traduire votre vision en une image nette et puissante.
Les réglages de base à maîtriser
- Le format RAW : Photographiez toujours en RAW. Toujours. Le JPEG, c’est une image compressée où l’appareil a déjà fait des choix pour vous. Le RAW, c’est le négatif numérique brut. Il conserve toutes les informations, ce qui vous donne une latitude incroyable en post-traitement pour peaufiner les couleurs et les détails.
- Les ISO au minimum : Sur trépied, restez à ISO 100 ou 200. Monter les ISO, c’est ajouter du bruit numérique (un grain moche) qui dégrade la qualité.
- L’ouverture idéale : Pour un paysage où tout doit être net du premier au dernier plan, visez une ouverture entre f/8 et f/11. C’est souvent là que les objectifs donnent le meilleur d’eux-mêmes. Pour isoler un sujet (une feuille, un champignon), ouvrez plus grand (f/4, f/2.8) pour créer un joli flou d’arrière-plan (le fameux bokeh).

Techniques spéciales pour scènes difficiles
Parfois, le contraste est trop fort entre le ciel brillant et le sous-bois sombre. Votre appareil ne peut pas tout encaisser d’un coup. La solution ? Le bracketing d’exposition.
Concrètement, je règle mon appareil pour qu’il prenne 3 photos d’affilée : une exposée normalement, une sous-exposée (pour le ciel) et une sur-exposée (pour les ombres). Souvent, je choisis un écart de 2 crans (-2, 0, +2). De retour à la maison, un logiciel fusionne ces trois images pour n’en faire qu’une, parfaitement exposée partout. C’est magique pour récupérer des détails, mais à utiliser avec modération pour garder un rendu naturel.
Le post-traitement : révéler, pas inventer
Mon approche du traitement est simple : je veux sublimer ce que j’ai vu, pas créer une image artificielle. Un fichier RAW est par nature un peu plat. Mon but est de lui redonner le contraste et l’éclat du moment vécu.

Dans un logiciel comme Lightroom, j’ajuste principalement la balance des blancs (pour des couleurs justes), le contraste (en baissant les hautes lumières et en débouchant les ombres), et la saturation, mais avec parcimonie ! Souvent, j’augmente juste un peu les jaunes et les oranges, sans toucher au reste.
Pour économiser : Lightroom fonctionne par abonnement, ce qui peut être un frein. Il existe d’excellentes alternatives gratuites et très puissantes comme Darktable ou RawTherapee. Elles demandent un petit temps d’adaptation, mais font un travail remarquable.
L’eau et la forêt : des approches créatives
L’automne, c’est aussi la saison des pluies. Les ruisseaux et les cascades sont en pleine forme. C’est le moment de s’amuser avec la pose longue.
Pour cela, il vous faut un filtre à densité neutre (ND). C’est une sorte de vitre très sombre qui force l’appareil à exposer plus longtemps. Un ruisseau tumultueux se transforme alors en un voile laiteux et onirique. Pour un bel effet sur un petit cours d’eau, je commence souvent par viser un temps de pose de 2 secondes, à f/11 et ISO 100. J’ajoute ensuite un filtre ND (un ND64 est un bon début) pour pouvoir obtenir ce temps de pose même en journée. Trépied ultra-stable obligatoire !

Et n’oubliez pas le « paysage intime ». Laissez tomber le grand-angle, prenez votre téléobjectif et cherchez les détails : une feuille rouge sur une pierre, le graphisme d’une écorce, les reflets colorés dans une flaque… Ces photos sont souvent plus personnelles et originales.
Sécurité et respect : les règles d’or
Une photo, aussi belle soit-elle, ne vaut pas une prise de risque ou un manque de respect pour la nature. C’est non négociable.
- Prévenez toujours quelqu’un de votre itinéraire et de votre heure de retour. La nuit tombe vite en automne.
- Vérifiez la météo, surtout en montagne où elle change en quelques minutes.
- Équipez-vous correctement : de bonnes chaussures de marche, de l’eau, une collation et une lampe frontale sont le minimum.
- Attention à la chasse : Renseignez-vous sur les jours et zones de chasse (les infos sont sur les sites des fédérations départementales ou en mairie). Portez des couleurs vives pour être visible.
- Ne laissez aucune trace : Restez sur les sentiers, ne cassez pas de branches pour « améliorer » votre cadre. On capture la nature, on ne la modifie pas.
Photographier l’automne est avant tout une école de patience. Il faut accepter de rentrer parfois sans LA photo. Mais chaque sortie est une leçon. C’est de cette connexion avec la nature que naissent les meilleures images.

Alors, un petit défi pour vous ce week-end ? Laissez le grand-angle dans le sac. Prenez votre téléobjectif et forcez-vous à trouver et isoler UN seul détail de l’automne. Une branche, un reflet, une texture. Vous allez voir, ça change complètement le regard !
Galerie d’inspiration




Le filtre polarisant, gadget ou indispensable en automne ?
Indispensable. C’est l’accessoire qui change tout. En tournant la bague d’un bon polarisant circulaire (comme un Hoya Fusion One ou un B+W), vous éliminez les reflets sur les feuilles humides et la surface de l’eau. Résultat : les couleurs apparaissent instantanément plus riches, plus saturées, et le bleu du ciel gagne en intensité. C’est le secret pour des couleurs qui claquent, directement sur le capteur.




- Une compression unique des plans qui isole un arbre ou un détail dans le paysage.
- Un bokeh flatteur qui transforme un sous-bois fouillis en une mosaïque de couleurs abstraites.
Le secret ? Un téléobjectif comme un 70-200mm f/2.8. Il est bien plus qu’un simple zoom.




Ne fuyez pas la pluie ! Au contraire, c’est souvent après une averse que la forêt révèle ses plus belles couleurs. Le sol et les troncs s’assombrissent, faisant ressortir par contraste l’éclat des feuilles. Les gouttelettes sur une toile d’araignée ou les reflets dans une flaque d’eau offrent des sujets graphiques inattendus.




Saviez-vous que les couleurs jaunes et orangées des feuilles (caroténoïdes) sont présentes toute l’année ? Elles ne deviennent visibles qu’en automne, lorsque la chlorophylle verte se dégrade avec la baisse de la lumière.
Photographier l’automne, c’est donc capturer la révélation d’une couleur cachée, et non l’apparition d’une nouvelle. Une nuance qui change la façon dont on perçoit le paysage.




Pour une sortie réussie, le minimalisme est souvent la clé. Voici l’essentiel à ne pas oublier :
- Un chiffon microfibre (l’humidité est partout).
- Une batterie de rechange, à garder au chaud dans une poche intérieure.
- Un sac plastique pour vous asseoir ou poser votre matériel au sec.
- Une gourde thermos avec une boisson chaude. C’est le meilleur des réconforts.




Le piège de la balance des blancs : Votre appareil en mode automatique cherchera souvent à neutraliser les tons chauds de l’aube ou du crépuscule. Passez en mode




Téléobjectif 70-200mm : Idéal pour isoler un arbre magnifique, compresser les plans d’une vallée brumeuse ou capturer des détails inaccessibles.
Grand-angle 16-35mm : Parfait pour des paysages immersifs, accentuer les premiers plans (un tapis de feuilles, un rocher moussu) et donner une impression d’immensité.
Le choix dépend de l’histoire que vous voulez raconter : l’intimité ou l’immensité.




Vu du ciel, l’automne prend une autre dimension. Avec un drone comme le DJI Mini 4 Pro, vous pouvez explorer des perspectives uniques :
- Le top-down : Une vue à la verticale d’une route sinueuse au milieu d’une forêt colorée.
- Le travelling latéral : En rase-motte au-dessus d’une rivière pour révéler les reflets du feuillage.




« L’imitation la plus sincère n’est pas de copier la nature, mais de travailler comme elle. » – Eliot Porter, pionnier de la photographie couleur de nature.




Ne vous focalisez pas uniquement sur les vues d’ensemble. Baissez-vous et sortez votre objectif macro. Une simple feuille morte, parcourue de nervures et de gouttes de rosée, peut devenir un univers à part entière. Un objectif comme le Laowa 100mm f/2.8 2:1 Macro permet d’explorer cette échelle avec une netteté incroyable.




Comment sublimer les couleurs sans tomber dans l’excès ?
Oubliez le curseur




Pour donner vie à vos photos de cascades et de rivières, le trépied est votre meilleur ami. Un modèle stable mais léger comme le Peak Design Travel Tripod est un bon compromis. Il vous permettra d’utiliser des vitesses d’obturation lentes (de 1/2s à 2s) pour créer un effet de filé laiteux sur l’eau, contrastant magnifiquement avec la texture des roches et des feuilles.




- Une composition en
Mise au point dans la brume : L’autofocus de votre appareil peut patiner dans le brouillard. Ne vous acharnez pas. Passez en mise au point manuelle et utilisez le
Une batterie Lithium-ion complètement chargée perd jusqu’à 20% de sa capacité à 0°C. Par -10°C, cette perte peut atteindre 50%.
Cela signifie qu’en automne, une seule batterie ne suffit pas. Gardez toujours une seconde batterie dans une poche intérieure, près de votre corps. Quand la première faiblit, échangez-les. La batterie froide se
Obtenir des traits de lumière abstraits, des couleurs qui fusionnent comme une peinture impressionniste. C’est possible et étonnamment simple.
Le secret ? L’Intentional Camera Movement (ICM). Avec une vitesse lente (autour de 1/15s), déplacez verticalement votre appareil en suivant les troncs d’arbres pendant le déclenchement. Chaque essai est unique.
94% des parcs nationaux américains subissent une pollution lumineuse ou sonore significative. Un chiffre qui nous rappelle l’importance de notre impact.
Le principe du
Un jour de grand soleil est-il vraiment l’idéal ?
Pas toujours. Un ciel uniformément couvert agit comme une boîte à lumière géante. La lumière est douce, diffuse, et élimine les ombres dures. C’est le temps parfait pour la photographie en forêt, où les contrastes sont déjà très forts. Les couleurs des feuilles ressortent avec une richesse et une subtilité incroyables, sans zones surexposées.
Option Fujifilm (boîtier) : Utiliser une simulation de film comme
Le conseil essentiel : Écoutez avant de photographier. Le bruit du vent dans les feuilles, le craquement de vos pas sur le tapis de feuilles sèches, le murmure d’un ruisseau… Imprégnez-vous de l’ambiance sonore. Elle vous guidera instinctivement vers les compositions qui transmettent le mieux la sensation du moment, au-delà du simple visuel.
À Kyoto, la contemplation des érables rouges (momiji) est une tradition séculaire appelée
Votre smartphone est plus puissant que vous ne le pensez. Pour dépasser les limites de l’application native :
- Utilisez une application comme Halide ou ProCamera pour contrôler la sensibilité (ISO) et la vitesse.
- Bloquez l’exposition sur une zone lumineuse pour silhouetter un arbre sur un ciel coloré.
- Éditez vos photos avec Lightroom Mobile pour ajuster les couleurs avec la même précision que sur ordinateur.
Le contre-jour est la technique reine de l’automne. Elle consiste à photographier face au soleil (souvent masqué par un arbre ou une crête).
- Elle révèle la translucidité des feuilles, les transformant en véritables vitraux naturels.
- Elle crée un liseré lumineux (rim light) qui détache magnifiquement votre sujet de l’arrière-plan.
C’est la clé pour une atmosphère féerique et des couleurs littéralement incandescentes.
- Une bonne paire de chaussures de marche imperméables (Gore-Tex est votre allié).
- Une housse anti-pluie pour votre sac photo (même si le sac est déperlant).
- Des gants fins qui permettent de manipuler l’appareil photo.
- Un pare-soleil monté sur l’objectif, pas pour le soleil, mais pour protéger la lentille des gouttes de pluie.
Comment créer cet effet d’étoile sur le soleil perçant à travers les arbres ?
C’est une question d’ouverture. Réglez votre diaphragme sur une petite valeur (un grand chiffre, comme f/11, f/16 ou même f/22). Les lamelles du diaphragme de votre objectif vont créer cet effet de diffraction. Plus l’ouverture est petite, plus les branches de l’étoile seront fines et définies. Idéal pour ajouter une touche de magie à une scène forestière.