J’ai commencé dans le métier il y a un bon bout de temps, et l’un de mes premiers gros chantiers en solo, c’était justement pour ouvrir une cuisine. Un couple venait de s’offrir un appartement ancien, plutôt sombre, avec les pièces en enfilade. Leur rêve était simple : de la lumière et un grand espace pour recevoir les copains. Sur le papier, un coup de masse dans une cloison et c’était réglé. Sauf que… cette fameuse cloison cachait une colonne de VMC et un sac de nœuds de câbles électriques non identifiés. Bref, une belle galère en perspective.
Cette expérience m’a appris une chose fondamentale : ouvrir une cuisine, ce n’est pas juste abattre un mur. C’est un vrai projet technique qui demande de l’anticipation. Aujourd’hui, presque tout le monde veut cet espace ouvert, et je comprends pourquoi. C’est convivial, c’est moderne. Mais pour que le rêve ne tourne pas au cauchemar, il y a des étapes à respecter et des pièges à éviter. Alors, on va passer en revue tout ça, sans langue de bois.
La question qui tue : ce mur, on peut vraiment le casser ?
C’est LE point de départ. Tous les murs ne se valent pas. Certains ne sont que de simples cloisons, d’autres sont des murs porteurs, la colonne vertébrale de votre logement. Y toucher sans précaution, c’est mettre en danger la stabilité de tout l’immeuble. Et ça, c’est non négociable.
Une cloison simple, en placo ou en briques creuses, fait rarement plus de 10 cm d’épaisseur. Un mur porteur, lui, est bien plus costaud : 15 cm au minimum, souvent en béton, parpaings pleins ou pierre. Quand on tape dessus, le son est sourd, plein. Il soutient les étages ou la charpente.
Mon conseil le plus important : Ne jouez jamais aux apprentis sorciers. Même avec l’expérience, avant de toucher à un mur qui semble porteur, le réflexe est de faire appel à un bureau d’études techniques (BET) ou un ingénieur structure. Oui, ça a un coût, comptez entre 500 € et 1 500 €, mais c’est votre assurance vie pour le projet. Pour le trouver, tapez « bureau d’étude structure + votre ville » sur internet et demandez-leur toujours de vous montrer leur assurance décennale !
L’ingénieur déterminera la meilleure solution pour remplacer le mur. Souvent, il s’agira de poser une poutre en acier (le fameux IPN ou son cousin plus costaud, le HEB). Franchement, pas la peine de vous torturer l’esprit sur la différence, c’est son job de calculer le bon profilé pour votre mur. La pose est un travail de pro qui ne s’improvise pas.
Attention, point crucial si vous êtes en copropriété : Toucher à un mur porteur est considéré comme une modification des parties communes. Vous devez OBLIGATOIREMENT obtenir l’autorisation du syndic de copropriété via un vote en Assemblée Générale. Anticipez bien cette démarche, car elle peut prendre plusieurs mois.
Repenser l’espace : circulation et bon sens
Une fois le mur à terre, vous avez un grand plateau. L’erreur classique ? Vouloir tout y caser. Le secret d’une cuisine ouverte réussie, c’est la fluidité.
Les pros parlent du « triangle d’activité » : un chemin imaginaire entre le frigo (stockage), l’évier (lavage) et les plaques (cuisson). Ce triangle doit rester compact et, surtout, ne pas être traversé par un passage principal. Personne ne veut se prendre les pieds dans le plat à gratin qui sort du four.
Pour la circulation, visez au moins 90 cm d’espace entre les meubles et un îlot, et plutôt 1,20 m si vous voulez pouvoir vous croiser sans vous contorsionner. Pensez aussi au recul nécessaire pour ouvrir le four ou le lave-vaisselle. L’îlot central, c’est la star, mais attention. Un îlot technique avec évier ou plaques de cuisson complexifie (et alourdit) énormément la facture à cause des réseaux à amener. Parfois, un simple îlot de préparation avec des rangements est bien plus malin et économique.
Et si vous hésitez, il y a des solutions intermédiaires. La verrière d’atelier, par exemple, délimite sans fermer et garde une partie des odeurs et du bruit. Un simple bar ou un comptoir peut aussi faire l’affaire pour les budgets plus serrés.
Les réseaux : le casse-tête invisible (et coûteux)
C’est la partie immergée de l’iceberg. Déplacer l’électricité, la plomberie et la ventilation, c’est souvent là que le budget explose.
L’électricité : la sécurité avant tout
Toute installation électrique doit respecter la norme NF C 15-100. Elle est très stricte, surtout en cuisine. Concrètement, ça veut dire qu’il faut des circuits dédiés pour les gros appareils : un pour la plaque de cuisson, un pour le four, un pour le lave-vaisselle… Pour le plan de travail, prévoyez au moins 6 prises.
Astuce rapide : Allez jeter un œil à votre tableau électrique. Si vous y voyez encore des fusibles ronds en porcelaine, prévoyez directement un budget pour le refaire à neuf. C’est indispensable pour votre sécurité !
Amener l’électricité sur un îlot, c’est un défi. La solution la plus propre est de creuser une saignée dans la dalle pour y passer les gaines, avant de recouler une chape de ragréage par-dessus. Pour faire simple, imaginez qu’on coule une sorte de pâte à crêpes en ciment pour rendre le sol parfaitement plat après y avoir fait des tranchées. Si ce n’est pas possible, il faut ruser avec un faux-plafond ou une estrade.
La plomberie : la loi de la gravité
Le principal souci pour un évier sur un îlot n’est pas l’arrivée d’eau, mais son évacuation. Il faut une pente constante (au moins 1 à 2 cm par mètre) pour que l’eau s’écoule bien. Au milieu d’une pièce, c’est souvent mission impossible sans surélever tout le sol. Il existe des pompes de relevage, mais honnêtement, je les déconseille dans un espace de vie. C’est bruyant et ça demande de l’entretien.
La ventilation : l’élément que tout le monde oublie
Dans une cuisine ouverte, les odeurs de cuisson, c’est pour tout le monde ! Une bonne hotte n’est pas une option, c’est une obligation. Oubliez les hottes à recyclage (celles avec un filtre à charbon) : elles ne font que brasser l’air et sont peu efficaces contre les odeurs et l’humidité. Je me souviens d’un client qui a fait cette économie… six mois plus tard, son beau canapé en tissu sentait la friture en permanence. On a dû tout repenser.
Il vous faut une hotte à évacuation extérieure. Pour la puissance, une règle simple : calculez le volume de votre pièce (longueur x largeur x hauteur) et multipliez par 10. Pour une pièce de 20 m² avec 2,5 m de hauteur sous plafond (soit 50 m³), il vous faudra une hotte d’au moins 500 m³/h. Regardez aussi les décibels (dB) ! Des marques comme Roblin ou Novy sont réputées pour leur efficacité et leur silence relatif.
Le choix des matériaux : du style, mais surtout du solide
Le choix des matériaux va définir le look, mais aussi la facilité d’entretien et la durabilité.
Pour le plan de travail, le stratifié est l’option la plus économique (dès 50 €/m²), mais il craint les plats chauds et les coups de couteau. Le bois massif est superbe (environ 100-250 €/m²) mais demande de l’entretien. Le meilleur compromis, à mon sens, reste le quartz (à partir de 250-500 €/m²). C’est ultra résistant, non poreux et facile à vivre. C’est un investissement, mais vous ne le regretterez pas.
Pour les meubles, vous avez l’embarras du choix. Des enseignes comme IKEA ou Leroy Merlin proposent des cuisines en kit avec un bon rapport qualité-prix, idéales pour un premier projet. Pour un budget plus conséquent et une qualité supérieure, des cuisinistes comme Schmidt ou Mobalpa offrent des solutions plus durables et personnalisées.
Enfin, le sol. Le carrelage grès cérame est un classique indémodable et ultra-résistant. Les sols vinyles de bonne qualité sont aussi une super option, plus chaleureuse sous les pieds et avec des imitations bluffantes.
Budget et planning : on va être honnêtes
Ouvrir une cuisine, ça coûte cher. Pour vous donner une idée, voici un budget type pour un projet moyen :
Étude de structure (BET) : 500 € – 1 500 €
Démolition, pose de la poutre acier et finitions : 3 500 € – 6 000 €
Plomberie et électricité (déplacement des réseaux) : 2 500 € – 5 000 €
On arrive vite à un total de 15 000 € à 25 000 €. Et mon dernier conseil : prévoyez TOUJOURS une marge de 15% pour les imprévus. C’est la règle d’or. Côté timing, comptez entre 2 et 4 mois du premier coup de crayon à la fin du chantier.
Pour résumer : votre plan de match
Une cuisine ouverte, c’est génial, mais ça se prépare. Pour ne rien oublier, voici votre checklist :
Diagnostic du mur : Est-il porteur ? Si oui, passez à l’étape 2.
Contact Ingénieur Structure (BET) : Faites réaliser une étude technique.
(Si en copro) Autorisation du Syndic : Obtenez le vote en Assemblée Générale. C’est non négociable.
Plan d’aménagement : Dessinez votre future cuisine en pensant circulation et triangle d’activité.
Devis détaillés : Faites chiffrer chaque poste (maçonnerie, plomberie, électricité, mobilier…).
Validation du budget : Assurez-vous d’avoir les fonds et la marge de 15% pour les imprévus.
Planification du chantier : Préparez-vous à quelques semaines de poussière et de camping dans le salon !
Voilà, vous avez toutes les cartes en main. En prenant le temps de bien préparer votre projet et en vous entourant des bons pros pour les étapes clés, vous allez pouvoir profiter de votre nouvel espace de vie pendant de longues années. Et ça, ça n’a pas de prix.
Galerie d’inspiration
Et les odeurs de cuisson, on en parle ?
C’est la crainte n°1 ! Pour ne pas que votre salon sente la sardine grillée, le secret réside dans une hotte performante. Oubliez les modèles d’entrée de gamme. Investissez dans une hotte à extraction (évacuation vers l’extérieur) avec un débit d’au moins 600 m³/h. Si vous êtes en appartement et contraint à un modèle à recyclage, visez le très haut de gamme avec des filtres à charbon actifs longue durée. Des marques comme Novy ou Falmec sont réputées pour leur efficacité et leur silence, un critère essentiel dans un espace ouvert.
Plan de travail : le dilemme des matériaux.
Le plan de travail est un lien visuel majeur. Le quartz (type Silestone) offre une résistance impeccable aux taches et aux rayures avec un choix de couleurs immense pour s’accorder au salon. Le Dekton, lui, est quasi indestructible et résiste aux très hautes températures. Le bois massif apporte une chaleur inégalée mais demande un entretien régulier. À vous de choisir entre l’esthétique pure, la praticité absolue ou le charme naturel.
Selon une étude du réseau immobilier MeilleursAgents, une cuisine ouverte et bien aménagée peut augmenter la valeur perçue d’un bien de 5% à 10%.
Cet aménagement n’est pas qu’une question de confort, c’est un véritable investissement. Il transforme la perception des volumes et modernise instantanément un appartement, ce qui se répercute directement sur son attractivité lors d’une éventuelle revente.
Pour une harmonie parfaite, le sol doit créer un pont entre la cuisine et le salon. La solution la plus élégante est d’utiliser un revêtement unique sur toute la surface, comme un parquet en chêne massif ou un béton ciré. Si vous préférez délimiter les zones, une transition subtile avec des carreaux de ciment jouxtant un parquet peut créer un effet
L’éclairage est votre meilleur allié pour sculpter l’espace. Pensez en trois couches :
Général : des spots encastrés (LED, dimmables) pour une lumière uniforme sur toute la zone.
Fonctionnel : un ruban LED sous les meubles hauts pour éclairer parfaitement le plan de travail.
D’ambiance : une ou plusieurs suspensions design au-dessus de l’îlot ou du bar pour créer un point focal chaleureux, comme les modèles de chez Muuto ou &Tradition.
Point important : Le bruit des appareils électroménagers. Dans une cuisine fermée, un lave-vaisselle bruyant est agaçant. Dans une cuisine ouverte, il peut ruiner votre soirée film. Lors de votre achat, traquez l’étiquette énergie et le niveau sonore en décibels (dB). Visez moins de 42 dB pour un lave-vaisselle (les modèles SilencePlus de Bosch sont une référence) et un réfrigérateur le plus discret possible.
Une transition fluide entre les espaces.
Un gain de lumière naturelle dans le séjour.
Une impression d’espace décuplée.
Une délimitation visuelle sans cloisonner.
Le secret ? La verrière d’atelier. C’est l’alternative parfaite à l’ouverture totale. Elle isole des odeurs et du bruit tout en préservant la perspective et la luminosité. Un compromis chic et malin.
Pensez aux détails qui feront le lien entre les deux univers. Le métal de vos suspensions de cuisine peut être rappelé par les pieds d’une table basse. Voici quelques idées :
Choisir des poignées de placards dans la même finition (laiton, noir mat…) que vos interrupteurs ou cadres.
Utiliser la couleur de votre crédence en petites touches dans les coussins ou les plaids du canapé.
Harmoniser les essences de bois entre le plan de travail et un meuble du salon.
Dois-je prévoir un budget supplémentaire pour le mobilier de cuisine ?
Oui, et c’est un point souvent sous-estimé. Une fois le mur abattu, le budget se concentre sur la cuisine elle-même. Pour un modèle de moyenne gamme (type SoCoo’c, Mobalpa entrée de gamme), sans l’électroménager et la pose, comptez une fourchette de 5 000 € à 10 000 €. Ce prix varie énormément selon la taille, les matériaux des façades (stratifié vs laque) et les aménagements intérieurs choisis.
L’îlot central : Le couteau suisse de la cuisine ouverte. Il peut servir de plan de travail XXL, de zone de cuisson, de point d’eau, de table pour les repas rapides et de formidable meuble de rangement. Sa polyvalence en fait la star de l’aménagement, mais attention à ses dimensions : prévoyez au moins 80 cm de circulation tout autour pour rester confortable.
Pour le silence : optez pour des tiroirs et portes avec amortisseurs intégrés.
Pour la discrétion : choisissez un robinet design mais silencieux (certains modèles Grohe sont conçus pour réduire le bruit de l’eau).
Pour le confort : installez un broyeur d’évier pour gérer les déchets organiques discrètement.
Pour la propreté : préférez une poubelle de tri intégrée dans un meuble bas plutôt qu’une poubelle visible depuis le salon.
Erreur fréquente : Négliger les prises électriques sur l’îlot. Vous voudrez y brancher un mixeur, votre ordinateur portable ou recharger votre téléphone. Pensez à intégrer un bloc de prises escamotables (les modèles de Legrand ou Simon sont très discrets) directement dans le plan de travail. C’est un petit détail à l’installation qui change tout à l’usage.
La tendance est à la
Le concept de
La crédence n’est plus seulement une protection contre les éclaboussures. Dans une cuisine ouverte, elle devient un élément décoratif majeur, visible depuis le canapé. Osez un zellige pour la touche artisanale, une plaque d’inox pour le look pro, un terrazzo pour le côté graphique ou même un miroir pour agrandir visuellement l’espace et refléter la lumière.
Et le désordre, quand on reçoit des amis ?
C’est l’inconvénient majeur : la vaisselle sale est à la vue de tous. L’astuce ? Opter pour un grand évier simple bac, très profond, qui permet de
Hotte à extraction : Plus efficace, elle évacue l’air vicié à l’extérieur. Idéale si vous avez la possibilité de créer un conduit mural.
Hotte à recyclage : Filtre l’air et le réinjecte dans la pièce. Moins performante sur les odeurs et l’humidité, elle est souvent la seule option en appartement. Changez les filtres régulièrement !
Pour une cuisine ouverte, l’extraction est toujours la meilleure solution si elle est techniquement possible.
Quelle peinture pour les murs ? La zone cuisine est soumise aux graisses et à la vapeur. Optez impérativement pour une peinture lessivable, idéalement avec une finition satinée, plus résistante qu’un mat. Les gammes spécifiques
Une esthétique unifiée et impactante.
Un entretien simplifié sans joints.
Une impression de volume décuplée.
Le secret ? Faire remonter le matériau du plan de travail sur la crédence. Utiliser la même plaque de quartz, de marbre ou de Dekton pour ces deux surfaces crée un effet
N’oubliez pas les assises ! Le choix des tabourets de bar est crucial pour le confort et le style.
Hauteur : Pour un plan de travail standard (90 cm), choisissez des tabourets de 65 cm de haut. Pour un bar (110-115 cm), optez pour des modèles de 75-80 cm.
Confort : Un petit dossier et un repose-pieds font toute la différence pour s’y attarder.
Style : Ils doivent dialoguer avec les chaises de la salle à manger ou le canapé.
Défi créatif : Créer une bibliothèque de transition. Une étagère ouverte et toute hauteur, installée en bordure de la zone cuisine, peut servir de séparation symbolique. Garnissez-la de beaux livres de cuisine, de quelques plantes et d’objets déco qui font le lien avec le salon. C’est une solution légère, graphique et personnalisable.
Point ergonomie : La hauteur du plan de travail doit être adaptée à votre taille, mais le standard se situe autour de 90-92 cm. Un bar destiné à prendre des repas sur des tabourets hauts se place lui, entre 110 et 115 cm. Respecter ce duo de hauteurs assure un confort d’utilisation au quotidien.
On estime qu’une bonne ventilation est essentielle, car cuisiner peut produire jusqu’à 2 litres de vapeur d’eau par jour, une humidité qu’il faut évacuer pour un air sain.
Dans une cuisine ouverte, cette humidité se propage à tout l’espace de vie. Une VMC performante, couplée à une hotte efficace, n’est donc pas un luxe mais une nécessité pour préserver la qualité de l’air et l’intégrité de votre logement.
Pensez votre cuisine ouverte comme un projet durable. Des choix simples peuvent faire une grande différence :
Opter pour un électroménager classé A, très économe en énergie.
Choisir des bois de façades ou de plan de travail labellisés FSC ou PEFC, issus de forêts gérées durablement.
Installer un robinet avec mousseur pour réduire la consommation d’eau sans perte de pression.
Designer d'Intérieur & Consultante en Art de Vivre Domaines de prédilection : Aménagement intérieur, Éco-conception, Tendances mode
Après des années passées à transformer des espaces de vie, Laurine a développé une approche unique qui marie esthétique et fonctionnalité. Elle puise son inspiration dans ses voyages à travers l'Europe, où elle découvre sans cesse de nouvelles tendances et techniques. Passionnée par les matériaux durables, elle teste personnellement chaque solution qu'elle recommande. Entre deux projets de rénovation, vous la trouverez probablement en train de chiner dans les brocantes ou d'expérimenter de nouvelles palettes de couleurs dans son atelier parisien.
