J’ai passé une bonne partie de ma vie dans les ateliers et les boutiques, à toucher des tissus et à conseiller des gens. Au début de ma carrière, les vieux de la vieille voyaient le kaki comme une couleur purement fonctionnelle, bonne pour les chantiers ou l’armée. Une couleur sans noblesse, disaient-ils. Et pourtant… j’ai vu ce mal-aimé devenir un pilier de nos dressings.
Le déclic, pour moi, ça a été la découverte d’une gabardine de coton kaki chez un fournisseur. La matière était si dense, si soyeuse… Elle avait le tombé d’un tissu de luxe. Rien à voir avec le kaki rêche des surplus militaires. J’ai compris ce jour-là que le secret n’est pas la couleur, mais la matière et la façon dont on la travaille. Alors oubliez les listes de looks toutes faites. On va parler concret : textile, coupe, et comment construire une silhouette qui a du sens et qui dure.
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Tout commence par le tissu : choisir le bon kaki
Pour bien porter le kaki, il faut d’abord le comprendre. Ce n’est pas juste une couleur, c’est un univers. Le mot vient d’un dialecte qui signifie « couleur de poussière », et c’est exactement ça. Un mélange subtil de jaune, de noir, avec une pointe de rouge. C’est pourquoi il y a une infinité de nuances, du vert olive au beige sableux. La première erreur ? Croire qu’il n’y a qu’un seul kaki.
D’ailleurs, un petit secret de pro concerne la teinture. Privilégiez toujours les vêtements en « teinture sur fil ». Ça veut dire que les fils ont été teints avant le tissage. La couleur est plus profonde, plus riche, et elle vieillira en se patinant joliment. L’alternative, la « teinture en pièce », est moins chère mais la couleur peut se délaver plus vite. Astuce rapide en magasin : regardez l’envers du tissu. S’il est bien plus clair que l’endroit, méfiance. Un bon kaki a une couleur presque aussi intense des deux côtés.
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Le bon tissu pour le bon usage
La même couleur kaki n’aura absolument pas le même rendu selon le textile. Chaque matière raconte une histoire différente, et c’est là que tout se joue.
Le Twill de Coton : C’est la toile du chino par excellence. Solide, confortable, il se détend un peu à l’usage. Un bon twill pèse entre 250 et 300 g/m². En dessous, le pantalon manquera de tenue. C’est le choix idéal pour une pièce de tous les jours, à la fois décontractée et structurée.
La Gabardine : Plus dense, plus lisse, c’est la matière iconique du trench-coat. Son tissage très serré la rend naturellement déperlante. Son aspect légèrement satiné apporte une touche d’élégance. Parfait pour une veste ou une jupe droite qui doit avoir de la tenue.
Le Coton Ripstop : Vous le reconnaîtrez à son petit quadrillage. Ce sont des fils de renfort qui empêchent les déchirures. Léger et super résistant, il est parfait pour un pantalon cargo ou une saharienne au style plus baroudeur.
Le Lin : Pour l’été, un mélange lin-coton kaki est imbattable. Le lin respire et donne une texture vivante. Attention, le lin pur froisse énormément. C’est génial pour un look de vacances, mais peut-être moins adapté pour une journée au bureau.
La Laine et le Cachemire : En hiver, un pantalon en flanelle de laine kaki, c’est d’une élégance folle. La laine donne une profondeur et une douceur incroyables à la couleur, pour un rendu très chic et feutré.
L’art d’associer : les palettes qui fonctionnent à tous les coups
Une fois qu’on a la bonne pièce, comment on l’intègre dans une tenue ? Oubliez les règles basiques. Tout est une question de nuances et de textures.
Petit conseil avant de commencer : trouvez VOTRE kaki. Le test est simple. La prochaine fois que vous êtes en magasin, prenez deux kakis (un qui tire sur le jaune/doré, l’autre sur le gris/vert) et placez-les sous votre menton, face à une lumière naturelle. L’un des deux va illuminer votre teint, l’autre vous donnera l’air fatigué. Vous saurez instantanément quel est votre camp !
Voici les palettes que je construis le plus souvent :
La Palette Naturelle : L’harmonie la plus simple et la plus chic. Associez votre kaki à des tons neutres comme le blanc cassé, le crème, le beige, le taupe, ou le marron. Le secret, c’est de jouer avec les textures : un chino en coton avec un gros pull en maille crème, par exemple. Intemporel.
La Palette Urbaine : Pour un look plus tranché. Le kaki se marie à la perfection avec le noir, le gris anthracite et le bleu marine. Une veste kaki sur un col roulé noir et un jean brut, c’est un classique qui ne déçoit jamais. Pensez juste à ajouter un point de lumière : des baskets blanches, des bijoux en argent…
La Palette Audacieuse : Le kaki est une base géniale pour faire ressortir des couleurs vives. Mais pas n’importe lesquelles. Oubliez les couleurs primaires trop criardes et préférez des teintes riches : un bordeaux, un orange brûlé, un bleu canard, un jaune safran. Une seule touche suffit, comme un foulard coloré avec un trench kaki.
La Palette Poudrée : Plus inattendue, mais terriblement efficace. Le kaki, surtout dans ses versions grisées, est magnifique avec des pastels comme le rose poudré, le bleu ciel ou le lilas. Un pantalon cargo un peu brut avec une blouse en soie rose poudré… le contraste est sublime.
Votre plan d’action Kaki : par où commencer et comment entretenir
Si vous partez de zéro, ne vous éparpillez pas. Misez sur UNE seule pièce maîtresse de qualité. Franchement, ça change tout.
Mon conseil ? Commencez par l’un de ces trois investissements :
Le Chino en twill de coton : C’est la base absolue. Polyvalent, vous le porterez toute l’année. Pour un modèle de qualité qui durera, prévoyez un budget entre 80€ et 150€.
La surchemise ou veste de travail : Plus décontractée qu’un blazer, elle habille instantanément un t-shirt. C’est la pièce parfaite pour la mi-saison.
Le Trench-coat en gabardine : C’est un budget plus conséquent (on peut trouver de bons modèles entre 200€ et 400€, et bien plus pour du luxe), mais c’est une pièce pour la vie. Assurez-vous que la coupe est parfaite pour vous. Une retouche est souvent nécessaire et judicieuse.
Bon à savoir : la tenue kaki express qui marche à tous les coups. Un chino kaki bien coupé + un t-shirt blanc simple mais de belle qualité + une paire de baskets en cuir blanc. C’est la base, impossible de se tromper. C’est net, efficace, et ça marche pour tout le monde.
Les gestes qui sauvent vos vêtements
J’ai vu trop de belles pièces ruinées par un mauvais entretien. Le kaki en coton peut être capricieux.
Lavage : Toujours sur l’envers, à 30°C maximum, avec une lessive douce.
Séchage : JAMAIS de sèche-linge. Il fait rétrécir et abîme la couleur. Séchez à l’air libre, mais à l’abri du soleil direct qui peut laisser des auréoles.
Repassage : Sur l’envers également, avec un fer pas trop chaud.
Attention ! Un vêtement en coton huilé ou ciré ne doit jamais aller à la machine. Jamais. On le nettoie localement avec une éponge humide. C’est un peu plus d’entretien, mais c’est le prix à payer pour une pièce qui développera une patine magnifique avec le temps.
Pour aller plus loin : pièges à éviter et astuces de pro
Une fois les bases acquises, on peut s’amuser. Mais il y a quelques écueils à connaître.
Le total look kaki ? C’est un exercice de style risqué qui peut vite faire « uniforme ». Pour le réussir, le secret est de varier les nuances ET les matières. Par exemple, un pantalon en twill kaki olive avec une chemise en soie d’un kaki plus clair. Le contraste mat/brillant fait toute la différence.
Dépannage : que faire si…
« Le kaki me donne mauvaise mine » : C’est un problème de sous-ton. Si la pièce est déjà dans votre placard, portez-la loin de votre visage (pantalon, jupe). Pour un haut, glissez un col de chemise ou un foulard d’une couleur qui vous va (blanc, crème, bleu) entre le tissu et votre peau.
« Mon pantalon cargo me tasse » : Le volume des poches est le coupable. Calmez le jeu sur le reste de la tenue : un haut ajusté, des chaussures fines. Pensez aussi à bien marquer la taille avec une ceinture pour redonner de la structure.
Enfin, n’ayez pas peur de pousser la porte d’un bon retoucheur. Faire ajuster la longueur d’un pantalon (comptez entre 15€ et 25€ pour un ourlet), cintrer une veste ou reprendre des épaules peut littéralement transformer un vêtement. C’est une petite dépense qui rentabilise votre achat initial et vous assure une pièce parfaitement ajustée.
Galerie d’inspiration
Peut-on porter du kaki en soirée ?
Absolument, à condition de jouer sur le contraste des matières. Oubliez le coton brut et tournez-vous vers un satin de soie kaki, une viscose fluide ou même un velours côtelé à la teinte olive profonde. Un pantalon large en soie kaki, associé à un caraco en dentelle noire et des talons fins, est d’une élégance redoutable. Le secret est de traiter le kaki non comme une couleur utilitaire, mais comme une teinte neutre et sophistiquée.
Le kaki a été officiellement adopté comme uniforme par l’armée britannique en Inde dès 1848, son nom dérivant du mot persan
Le détail qui signe le style : la quincaillerie. Sur une veste saharienne ou un trench kaki, la qualité des boutons, des zips et des boucles est primordiale. Des boutons en corozo ou en corne véritable, une fermeture Éclair de marque Riri ou Lampo, et des boucles en laiton massif ne sont pas de simples détails. Ils ancrent la pièce dans un registre qualitatif et donnent du poids, au sens propre comme au figuré, à votre silhouette.
Une paire de créoles dorées oversize.
Une fine ceinture en cuir fauve pour marquer la taille.
Un foulard en soie aux motifs éclatants (terracotta, fuchsia, bleu roi).
Le secret ? Transformer une simple robe-chemise kaki en une toile de fond pour des accessoires forts qui racontent une histoire.
Le chino kaki est un pilier, mais sa réussite dépend de sa coupe. Pour une allure moderne, privilégiez une coupe légèrement fuselée (ni trop slim, ni trop large) qui s’arrête juste au-dessus de la cheville. Cette longueur permet de mettre en valeur n’importe quelle chaussure, des mocassins en cuir aux baskets blanches épurées. Cherchez une toile de coton dense, comme celles de chez Carhartt WIP ou Stan Ray, qui se patinera avec grâce au fil des lavages.
Option A – Le Coton Drill : Très dense et robuste, c’est le tissu historique des vêtements de travail. Il offre une structure impeccable et une durabilité à toute épreuve, idéal pour un pantalon ou une veste architecturée.
Option B – Le Lyocell (Tencel) : D’origine végétale et écologique, cette matière offre une fluidité et un drapé spectaculaires. Parfait pour une combinaison-pantalon ou une robe kaki qui doit suivre les mouvements du corps avec élégance.
Osez le mariage du kaki avec des couleurs inattendues. Si le blanc et le noir sont des valeurs sûres, le kaki se révèle avec des teintes plus audacieuses :
Le rose poudré ou le blush : pour adoucir son côté militaire.
L’orange brûlé ou la terracotta : pour un look automnal riche et chaleureux.
Le jaune safran : pour une touche d’épice et de vitalité.
Pensez à Meryl Streep dans
Comment éviter l’écueil du look
Le kaki est un formidable allié du cuir. L’aspect mat et texturé du tissu militaire contraste superbement avec le brillant ou le grainé du cuir.
Un perfecto en cuir noir sur un pantalon chino kaki.
Une jupe crayon en cuir cognac avec une simple chemise kaki.
Des bottes en cuir bordeaux pour rehausser une robe trench kaki.
L’astuce entretien : Pour un manteau en coton ciré type Barbour, l’entretien est la clé de sa longévité. Ne le lavez jamais en machine ! Un simple nettoyage à l’éponge avec de l’eau froide suffit. Une fois par an, appliquez une nouvelle couche de cire (disponible auprès de la marque) pour restaurer son imperméabilité et la profondeur de sa couleur kaki olive.
Ne sous-estimez pas le pouvoir d’un kaki clair, presque sable. Moins sévère que le vert olive, il est incroyablement lumineux et se marie à merveille avec les teintes pastel, le denim brut et surtout, le blanc éclatant pour une allure estivale d’inspiration saharienne.
Une structure qui ne s’affaisse pas.
Une protection naturelle contre le vent et une légère pluie.
Une main dense et un tombé impeccable.
Le secret ? La gabardine de coton, inventée par Thomas Burberry en 1879. C’est ce tissage extrêmement serré qui confère au trench-coat son allure et ses propriétés uniques.
Surplus militaire : Pour un budget serré et une authenticité maximale. Idéal pour trouver une veste F2 ou un pantalon M-65 avec une histoire. L’inconvénient : les coupes sont souvent amples et nécessitent des retouches.
Kaki de créateur : Pour une coupe parfaite et un tissu de luxe. Les marques comme Margaret Howell ou Lemaire proposent des kakis aux nuances subtiles et aux finitions irréprochables. Le prix est un investissement dans la durée.
Pour un twist personnel, chinez une veste militaire vintage et customisez-la. Ne vous limitez pas aux écussons. Pensez à une broderie délicate sur un col ou une poche, au remplacement des boutons en plastique par des boutons en métal vieilli, ou même à teindre la pièce dans une nuance de kaki plus singulière.
En 1968, Yves Saint Laurent électrise le monde de la mode avec sa saharienne. Portée par Veruschka et Betty Catroux, elle transforme un vêtement colonial fonctionnel en un symbole de femme puissante, libre et aventureuse.
Porter une saharienne kaki aujourd’hui, c’est s’inscrire dans cet héritage. On la choisit bien coupée, ceinturée à la taille, portée sur une peau nue ou un simple débardeur blanc.
Le total look kaki, on ose ?
Oui, mais avec stratégie. La clé est de varier les nuances et/ou les textures. Associez un pantalon en coton kaki olive avec une chemise en soie d’un kaki plus clair, presque grège. Ou mariez une jupe en toile kaki avec un pull en maille de la même teinte. L’uniformité chromatique devient alors un parti-pris chic et non une faute de goût.
Trois paires de chaussures infaillibles avec un pantalon kaki :
Les baskets blanches : pour un look décontracté et graphique. Modèles cultes : les Achilles de Common Projects ou les classiques Stan Smith.
Les mocassins en cuir : pour une touche preppy et élégante. Pensez aux modèles 180 de J.M. Weston.
Les desert boots en daim : pour jouer sur l’héritage workwear. Les originales de chez Clarks restent indétrônables.
Il faut environ 2 700 litres d’eau pour produire le coton nécessaire à un seul t-shirt.
Pour vos basiques kaki comme le t-shirt ou le chino, privilégier le coton biologique ou recyclé n’est pas un détail. Des marques comme Nudie Jeans ou Patagonia s’engagent dans cette voie, proposant des pièces durables dont la couleur se patinera magnifiquement, sans compromis éthique.
Le détail discret : la surpiqûre contrastante. Sur un jean ou un pantalon de travail kaki, une couture de couleur ocre, blanche ou même orange apporte un relief subtil. C’est un clin d’œil à l’univers du vêtement fonctionnel qui ajoute une dimension de design authentique et soigné, visible seulement par ceux qui savent regarder.
Il y a une poésie dans un vêtement kaki qui a vécu. La couleur s’adoucit aux points de frottement, le tissu s’assouplit, il garde l’empreinte de vos mouvements. Une vieille veste militaire ou un chino fétiche deviennent une seconde peau, un témoignage silencieux de vos aventures. C’est une pièce qui ne se démode pas, elle s’enrichit.
Une silhouette structurée et contemporaine.
Une allure fonctionnelle mais chic.
Des pièces faciles à intégrer dans une garde-robe existante.
Le secret ? La tendance
Kaki Olive : Profond et intense, avec une dominante verte. Il est parfait pour les teints mats ou dorés. Il s’associe magnifiquement aux couleurs sombres comme le bordeaux, le marine ou le noir.
Kaki Sable : Lumineux et doux, tirant vers le beige. Idéal pour les peaux claires, il apporte de la lumière au visage. Mariez-le à du blanc, du bleu ciel ou des teintes pastel.
« J’ai toujours cru que ce que l’on porte est la façon dont on se présente au monde. Surtout aujourd’hui, où les contacts humains sont si rapides. La mode est un langage instantané. » – Miuccia Prada
Choisir un kaki de qualité, dans une coupe juste, c’est envoyer un message de pragmatisme, d’élégance discrète et de connaissance de soi. C’est un langage qui parle de durabilité plutôt que d’éphémère.
L’erreur à ne pas commettre : Choisir un kaki dans un tissu trop fin ou bas de gamme. Une toile de coton médiocre se froissera excessivement, se délavera mal et n’aura aucun tombé. Le kaki, plus que toute autre couleur, tire sa noblesse de la matière. Mieux vaut investir dans une seule belle pièce, comme un trench de chez Mackintosh, plutôt que d’accumuler des vêtements kaki qui auront l’air fatigués dès le premier jour.
Jardinière Passionnée & Cuisinière du Potager Ses terrains de jeu : Potager bio, Culture en pots, Recettes du jardin
Léa a découvert sa vocation en cultivant son premier potager sur un balcon de 4m². Depuis, elle n'a cessé d'expérimenter et de partager ses découvertes. Issue d'une famille de maraîchers bretons, elle a modernisé les techniques traditionnelles pour les adapter à la vie urbaine. Sa plus grande fierté ? Réussir à faire pousser des tomates sur les toits de Lyon ! Quand elle n'a pas les mains dans la terre, elle concocte des recettes avec ses récoltes ou anime des ateliers de jardinage dans les écoles de son quartier.