Derby, Richelieu : Le Guide pour ENFIN Choisir la Bonne Paire (et ne plus se tromper)

On me pose tout le temps la question, que ce soit en boutique ou entre amis : c’est quoi, au fond, la vraie différence entre une paire de Derbies et une paire de Richelieus ? Beaucoup pensent que c’est juste une histoire de look. C’est en partie vrai, mais le diable, comme on dit, est dans les détails. Et ici, le détail, c’est la construction même de la chaussure.

Comprendre ça, c’est la première étape pour acheter une paire qui non seulement vous ira comme un gant, mais qui vous accompagnera pendant des années. Franchement, après avoir vu passer des centaines de paires, je peux vous dire qu’une bonne chaussure n’est pas un simple accessoire. C’est une belle mécanique, pensée pour vous porter toute la journée sans broncher.

Alors, oubliez les catalogues de mode. Mon but, c’est de vous donner les clés pour faire un choix malin, un vrai investissement plutôt qu’un achat coup de tête que vous regretterez.

Le Secret du Laçage : Plus qu’une Question de Style

Pour un œil non-initié, la différence entre un Derby et un Richelieu (souvent appelé Oxford à l’international) se résume au laçage. C’est un bon début, mais ce laçage différent est la conséquence directe de la façon dont les pièces de cuir sont assemblées. On parle ici de l’empeigne (l’avant de la chaussure) et des quartiers (les côtés où se trouvent les œillets).

Le Derby : le confort avant tout

Sur un Derby, les quartiers sont cousus par-dessus l’empeigne. Imaginez deux volets posés sur le dessus de la chaussure. Même bien lacés, ces volets ne se touchent jamais complètement. On voit toujours un peu la langue en dessous. C’est ce qu’on appelle un « laçage ouvert ».

L’avantage ? Une souplesse imbattable au niveau du cou-de-pied. Si vous avez le pied un peu large ou un cou-de-pied fort, le Derby est votre meilleur ami. Il s’adapte, il ne contraint pas. Historiquement, c’était une chaussure conçue pour le confort et les activités de plein air, d’où son image un peu plus décontractée aujourd’hui.

Le Richelieu : l’élégance pure

Pour le Richelieu, c’est l’inverse. L’empeigne vient recouvrir les quartiers. Le laçage est intégré directement dans la structure. Quand vous serrez les lacets, les bords se rejoignent pour ne former qu’une ligne nette et épurée. C’est un « laçage fermé ».

Cette construction donne une silhouette incroyablement fine et élancée. C’est LA chaussure de ville par excellence, celle des grandes occasions et des contextes professionnels formels. Mais attention, cette élégance a un prix : le Richelieu est bien moins tolérant pour les pieds forts. S’il vous serre au cou-de-pied à l’essayage, n’insistez pas.

Petit guide rapide : Quand porter quoi ?

• Richelieu noir lisse : Le top du formel. Mariages, cérémonies, entretiens importants. Indispensable avec un costume sombre.
• Derby marron : Le couteau suisse de l’élégance. Parfait au bureau avec un chino, mais aussi le week-end avec un jean brut.
• Richelieu avec perforations (Brogue) : Il perd en formalité ce qu’il gagne en caractère. Superbe avec un costume en flanelle ou un pantalon en tweed.
• Chaussure à boucle (Monk) : L’alternative stylée. Moins formelle qu’un Richelieu, plus habillée qu’un Derby. Le double boucle est très tendance, le simple boucle est un classique indémodable.

Le Cœur de la Chaussure : Reconnaître un Bon Cuir

Une chaussure de qualité, c’est d’abord un cuir de qualité. C’est 90% de sa durée de vie, de son confort et de sa capacité à bien vieillir. La première chose à faire en boutique, c’est de sentir la chaussure. Un bon cuir a une odeur riche et naturelle, jamais chimique.

Pleine fleur vs. Fleur corrigée : le combat à connaître

Le top du top, c’est le cuir pleine fleur. C’est la partie la plus noble de la peau, dont on a gardé la surface intacte, avec ses petites imperfections qui sont un gage d’authenticité. C’est le seul cuir qui respire vraiment, qui reste souple et qui va développer une patine magnifique avec le temps. C’est un cuir vivant.

Méfiez-vous comme de la peste des cuirs à l’aspect trop parfait, trop lisse, un peu plastique. C’est souvent du cuir à fleur corrigée. En gros, on a pris une peau de moins bonne qualité, on l’a poncée pour cacher les défauts et on l’a recouverte d’un film synthétique. Ça ne respire pas, ça plisse mal (des cassures nettes au lieu de belles ondulations) et ça finit par craquer. L’arnaque, c’est que la mention « cuir véritable » est souvent utilisée pour ça. C’est un terme légal qui ne garantit absolument aucune qualité.

L’Âme Invisible : Blake ou Goodyear ?

Le montage, c’est la couture qui lie la semelle au reste de la chaussure. C’est un détail invisible mais CRUCIAL. C’est ce qui définit la solidité et, surtout, la possibilité de réparer vos chaussures.

Le montage Blake : la souplesse à l’italienne

Ici, une seule couture traverse tout : semelle intérieure, tige et semelle extérieure. C’est simple et efficace. Résultat, la chaussure est très souple dès le premier jour et son profil est très fin. Par contre, l’étanchéité est moindre et le ressemelage est plus compliqué. Il faut une machine spéciale que tous les cordonniers n’ont pas. Un ressemelage Blake, quand c’est possible, vous coûtera entre 80€ et 110€.

Le montage Goodyear : la robustesse à l’anglaise

C’est plus complexe. Deux coutures sont utilisées, avec une bande de cuir (la trépointe) qui fait le lien et assure l’étanchéité. Entre les semelles, une couche de liège vient se mouler à votre pied avec le temps. C’est le top de la durabilité. L’avantage immense, c’est que le ressemelage est facile pour un bon cordonnier et peut être fait de nombreuses fois. C’est plus cher, autour de 120€ à 160€, mais ça peut donner dix ans de vie en plus à votre paire.

Attention, une paire en Goodyear, c’est souvent un peu raide au début. Il faut compter une ou deux semaines pour la « faire », le temps que tout s’assouplisse. C’est un petit sacrifice pour un confort royal par la suite.

Guide d’Achat : Comment Investir Malin

Ok, maintenant qu’on a la théorie, passons à la pratique. Combien mettre et où regarder ?

• Le bon départ (200€ – 350€) : C’est le budget idéal pour une première vraie paire. Dans cette gamme, on trouve d’excellentes marques, souvent en ligne ou dans des boutiques spécialisées, qui proposent des montages Blake ou même Goodyear avec de très bons cuirs. C’est le meilleur rapport qualité/prix pour commencer sérieusement.
• L’investissement durable (400€ – 600€) : Là, on entre dans la cour des grands. On parle de maisons de tradition, souvent européennes, reconnues pour leurs montages Goodyear impeccables et leurs cuirs issus de tanneries prestigieuses. C’est une chaussure que vous garderez plus de dix ans si vous en prenez soin.
• Le luxe intemporel (700€ et +) : Pour les budgets plus conséquents, on touche à des pièces d’exception. Ce sont des objets conçus pour durer une vie, voire être transmis.

L’essayage : le moment de vérité

Un conseil : essayez toujours vos chaussures en fin de journée (vos pieds sont légèrement gonflés) avec les chaussettes que vous porterez avec. Une fois debout, vous devez pouvoir bouger les orteils, et votre talon ne doit pas se décoller en marchant. Ne croyez JAMAIS un vendeur qui vous dit : « ne vous inquiétez pas, ça va se faire ». Un bon cuir s’assouplit, il ne s’agrandit pas d’une pointure !

L’Entretien : 20 Minutes par Mois pour les Garder 10 Ans

Acheter une paire à 400€ et la négliger, c’est du gâchis. Des chaussures à 150€ bien entretenues auront toujours meilleure allure.

Le conseil n°1 si vous ne devez en retenir qu’un ? Achetez des embauchoirs en cèdre brut. AUJOURD’HUI. Pour environ 25-30€ la paire (trouvables facilement en ligne ou chez un bon cordonnier), vous allez littéralement doubler la vie de vos chaussures. Ils absorbent l’humidité, lissent les plis de marche et gardent la forme.

Ensuite, le rituel complet (à faire une fois par mois, ça prend 20 minutes max) :

1. Dépoussiérer avec une brosse.
2. Hydrater avec une crème nourrissante (de la même couleur ou incolore). On applique en petite quantité avec un chiffon, on laisse pénétrer 15 min.
3. Protéger et faire briller avec du cirage. Une fine couche appliquée à la brosse, on laisse sécher, puis on lustre énergiquement avec une brosse propre ou un vieux bas en nylon pour une super brillance.

D’ailleurs, un bon kit de départ avec de bons produits (brosses, crèmes, cirage) vous coûtera entre 40€ et 60€ et vous servira pendant des années. C’est un petit investissement très vite rentabilisé.

Les Pièges à Éviter (et une dernière astuce)

Pour finir, quelques avertissements. Fuyez comme la peste le montage collé pour des chaussures de ville. C’est la construction la moins chère, la semelle est juste collée. Ça ne tient pas, ça ne se répare pas. C’est bon pour des baskets, pas pour des souliers.

Autre point de vigilance : la semelle en cuir neuve est très glissante, surtout sur un sol humide ou du marbre. Pour éviter la chute le premier jour, vous avez deux options : soit vous la « rayez » un peu en marchant sur du bitume, soit, et c’est mon conseil pro, vous demandez à votre cordonnier de poser un patin en caoutchouc fin dès l’achat. Ça protège la semelle en cuir et offre une adhérence parfaite sans dénaturer la ligne de la chaussure.

Et voilà ! Choisir une paire de chaussures, ce n’est pas juste une dépense. C’est un dialogue avec un bel objet, une appréciation pour le travail bien fait. En comprenant comment elle est faite, vous ne ferez plus jamais d’erreur.

Galerie d’inspiration

Le saviez-vous ? Le Richelieu doit son nom international, « Oxford », aux étudiants de la célèbre université anglaise qui l’ont popularisé dans les années 1820, en réaction aux bottes plus contraignantes de l’époque.

Le secret d’une longue vie : l’embauchoir. Ce n’est pas un accessoire, c’est une nécessité. En bois de cèdre brut, il absorbe l’humidité, prévient les plis de marche et maintient la forme originelle de la chaussure. L’utiliser après chaque port est le geste le plus simple et le plus efficace pour doubler la durée de vie de votre investissement.

Comment bien roder une paire neuve ?

Évitez de les porter une journée entière dès le début. Portez-les chez vous pendant quelques heures, puis augmentez progressivement la durée. L’astuce consiste à légèrement humidifier (avec un spray adapté) les zones de friction à l’intérieur avant de les enfiler. La chaleur et l’humidité aideront le cuir à s’adapter en douceur à la morphologie de votre pied.

• Une crème nourrissante (la Crème Surfine de Saphir est une référence) de la bonne couleur.
• Une brosse à reluire en crin de cheval pour le lustrage.
• Une petite brosse palot pour appliquer la crème avec précision.
• Un chiffon doux en coton pour la finition.

C’est le kit de base indispensable pour entretenir le cuir lisse.

Le cousu Goodyear : C’est la Rolls-Royce des montages. Une trépointe (bande de cuir) est cousue à la fois à la tige et à la semelle. Ce montage rend la chaussure plus robuste, quasi imperméable, et surtout, facilement ressemelable à l’infini sans jamais toucher à la structure de la chaussure. C’est la signature des souliers haut de gamme faits pour durer.

Derby chasse : Reconnaissable à son plateau en forme de U et ses coutures robustes, c’est le baroudeur de la famille. Des marques comme Paraboot avec son modèle iconique « Chambord » en ont fait un symbole de style décontracté et increvable, souvent monté sur une épaisse semelle en gomme.

Derby à bout fleuri (Brogue) : Ses perforations décoratives lui donnent un charme british. Parfait avec un tweed ou un chino pour un look de gentleman-farmer moderne.

Le premier est un choix de robustesse, le second un choix d’élégance rustique.

Une paire de souliers de qualité, entretenue, peut être ressemelée 5 à 10 fois. Sachant qu’un ressemelage coûte environ 100-180€ chez un bon artisan, l’investissement initial est rentabilisé sur des décennies, contrairement aux chaussures jetables.

Penser durable, c’est aussi penser économique. Un soulier à 400€ qui dure 15 ans revient moins cher qu’une paire à 80€ changée tous les ans, avec un confort et une élégance incomparables.

L’âme d’une chaussure se trouve aussi sous vos pieds. La semelle en cuir offre une respirabilité et une élégance ultimes, parfaite pour le bureau et les occasions formelles. La semelle en gomme, comme les célèbres Dainite anglaises, assure une adhérence et une isolation sans faille par temps de pluie, tout en restant discrète. Le choix dépend de votre usage principal.

• Une brillance miroir sur le bout dur.
• Une patine qui donne du caractère au cuir.

Le secret ? Le glaçage. C’est un art qui consiste à appliquer de fines couches de cirage (et non de crème) avec quelques gouttes d’eau pour créer une surface lisse et ultra-brillante.

Peut-on porter des Richelieus avec un jean ?

C’est un exercice de style périlleux. Un Richelieu noir verni sera presque toujours une faute de goût avec un denim. Cependant, un modèle marron, en veau velours (daim) et avec des perforations (Brogue), peut fonctionner avec un jean brut bien coupé et une tenue soignée (blazer, belle chemise). Le Derby reste cependant l’option la plus sûre et la plus naturelle.

Cuir Box-calf : C’est le cuir de veau lisse et brillant, référence de la chaussure formelle comme le Richelieu. Il est élégant, se patine superbement mais marque plus facilement les plis.

Cuir grainé : Le cuir a été pressé pour lui donner un relief texturé. Il est plus robuste, résiste mieux aux rayures et à la pluie, et convient parfaitement à un style plus casual, typique du Derby.

La tendance est aux semelles épaisses, voire « commando ». Le Derby, par sa nature plus décontractée, s’approprie magnifiquement cette mode. Il gagne en caractère et en modernité, s’associant parfaitement avec un jean large ou un pantalon cargo. Des marques comme Dr. Martens en ont fait leur signature, mais les chausseurs traditionnels comme J.M. Weston revisitent aussi leurs classiques avec des semelles plus audacieuses.

« Une chaussure, ce n’est pas seulement un dessin, mais c’est aussi une architecture. » – Christian Louboutin

Ne sous-estimez jamais le pouvoir des lacets. Changer les lacets noirs ou marron d’origine par une paire colorée (bordeaux, vert forêt, bleu marine) est le moyen le plus simple et le moins cher de personnaliser vos Derbies et d’insuffler une touche d’originalité discrète à votre tenue.

Point important : le veau velours (ou suède) n’est pas plus fragile, il demande juste un entretien différent. Oubliez la crème, votre meilleur allié est une brosse en crêpe pour le nettoyer et redresser les fibres. Un spray imperméabilisant de qualité est indispensable pour le protéger des taches et de la pluie. Bien traité, il offre une souplesse et une profondeur de couleur uniques.

• Les chaussettes fines en fil d’Écosse ou en laine mérinos sont le comble du raffinement avec un Richelieu et un costume.
• Avec un Derby et un chino, une chaussette à motifs discrets ou une couleur qui tranche peut être un excellent détail de style.
• L’été, avec un Derby porté de façon décontractée, les chaussettes invisibles sont vos meilleures amies pour un look impeccable.

Votre cou-de-pied est fort et vous vous sentez à l’étroit ?

C’est le signe que le Derby est fait pour vous. Son laçage ouvert permet un ajustement bien plus généreux et évite les points de compression désagréables sur le dessus du pied, un problème courant avec la construction fermée et plus rigide du Richelieu.

Le « one-cut » est l’épure absolue du Richelieu. Il est taillé dans une seule et unique pièce de cuir, avec une seule couture à l’arrière. Sa ligne est d’une fluidité et d’une pureté incomparables. C’est un chef-d’œuvre de savoir-faire bottier, réservé aux tenues les plus formelles et aux amateurs de minimalisme.

Selon la Fédération Française de la Chaussure, un Français achète en moyenne 4,3 paires de chaussures par an. Investir dans une seule paire de grande qualité, c’est aller à contre-courant de la fast-fashion et de son impact écologique.

Une chaussure ressemelable est un acte militant : moins de déchets, moins de production de masse, et la préservation d’un savoir-faire artisanal.

Le cousu Blake : La semelle est directement cousue à la tige. Résultat ? Un soulier plus fin, plus souple et plus léger dès le premier port. C’est le montage typique des chausseurs italiens.

Le cousu Goodyear : Plus rigide au début, mais plus robuste et isolant à long terme, et surtout plus facile à ressemeler. Le style anglais par excellence.

Le Blake privilégie la finesse, le Goodyear la durabilité.

Les perforations décoratives, ou « broguing », ne sont pas qu’esthétiques. À l’origine, sur les chaussures des paysans irlandais et écossais, elles servaient à évacuer l’eau des tourbières. Aujourd’hui, elles déterminent le niveau de formalité : moins il y a de perforations, plus la chaussure est formelle. Un Richelieu sans aucune perforation (« cap toe ») est donc plus habillé qu’un Full Brogue.

• Le cuir de la semelle d’usure est affiné au point de voir apparaître la couture.
• Un trou se forme sous la plante du pied.
• La chaussure prend l’eau anormalement vite par le dessous.

N’attendez pas trop ! Un ressemelage effectué à temps par un cordonnier-bottier préservera l’intégrité de votre paire.

Pour les femmes, le Derby est devenu un terrain de jeu créatif. On le voit en cuir verni noir pour un look rock, en argenté ou doré pour illuminer une tenue sobre, ou même en rose poudré pour une touche de douceur. Il a quitté le vestiaire masculin pour devenir un basique polyvalent, capable de s’adapter à une robe, une jupe ou un jean boyfriend.

Point important : la forme de la chaussure, qu’on appelle le « chaussant ». Chaque marque a ses propres formes, plus ou moins larges, allongées ou arrondies. Une pointure 42 chez Crockett & Jones ne correspondra pas forcément à un 42 chez J.M. Weston. C’est pourquoi, pour un premier achat de luxe, l’essayage en boutique reste la meilleure garantie d’un confort parfait.

Le Cordovan n’est pas un cuir, c’est une membrane extraite de la croupe de cheval. Extrêmement dense, quasi imperméable et infroissable, il développe une patine riche et profonde incomparable. Une paire en Cordovan, comme celles de la marque américaine Alden, est un héritage qui se transmet.